Alors que sévit une profonde crise de la pêche, le Premier ministre Édouard Balladur est à Rennes, le 4 février 1994, avec une importante délégation ministérielle, pour discuter de l’aménagement du territoire avec les élus bretons et signer le contrat de plan État-Région. En grève, les marins-pêcheurs, désespérés devant les difficultés qui les assaillent et notamment la régression de leur niveau de vie, sont bien décidés à profiter de cette visite pour faire entendre leurs revendications.
Ce sont ainsi entre 3 500 et 5 000 pêcheurs qui se sont donné rendez-vous à Rennes, ce matin du 4 février, pour manifester et réclamer des mesures d’urgence pour la filière pêche. L’ambiance est très tendue car les précédentes manifestations des pêcheurs à Boulogne, Lorient ou Rungis se sont toutes terminées par des affrontements avec les forces de l’ordre et par d’importants dégâts.
Quoique reçus en délégation dans la matinée à la préfecture de région, où ont lieu les entretiens entre le Premier ministre et les élus, les manifestants, peu encadrés, un temps bloqués rue Gambetta, se heurtent avec les forces de l’ordre. Rue Victor Hugo, ils tirent des fusées de détresse en direction des gardes mobiles qui répliquent avec des grenades lacrymogènes. Les heures qui suivent voient les manifestants, en groupes plus ou moins importants, harceler les CRS qui peinent à les contenir tandis que le centre-ville fait l’objet de très nombreuses dégradations. C’est au cours de ces affrontements qu’est prise cette photographie, depuis le haut de la rue d’Orléans, au plus près des forces de l’ordre, peut-être de la terrasse du café qui fait l’angle. Cette proximité avec les événements explique, sans doute, le léger flou de la prise de vue.
Venus des quais, les manifestants tentent, à ce moment, d’atteindre la place de l’Hôtel de Ville. Ils se heurtent alors aux gendarmes, en tenue de maintien de l’ordre, qui bloquent son accès à l’intersection de la rue d’Orléans et des rues Ferdinand Buisson et de Coëtquen. Derrière les rangées de CRS, on aperçoit la place déserte et on devine, à la hauteur de la rue de l’Hermine, d’autres forces de l’ordre qui observent la scène avec attention. Les affrontements sont violents. Matraques et boucliers en main, les CRS cherchent à éviter les projectiles que leur lancent avec force les manifestants. Pierres, pavés et boulons présents à leurs pieds soulignent l’intensité de l’engagement en cours. Si quelques-uns d’entre eux ont la visière de leur casque relevée, la plupart l’ont baissée et portent également leur masque à gaz pour ne pas respirer les retours de gaz lacrymogène qu’ils utilisent pour tenter de disperser les manifestants.
Déjà bouleversée par ce déferlement de violences, la population rennaise allait vivre, avec plus d’émotion encore, dans la nuit suivante, l’incendie du Parlement de Bretagne, provoqué par une fusée de détresse...