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Dossier
#31
La porte du futur Parc régional naturel ?
RÉSUMÉ > Après le Parc Naturel Régional d’Armorique et le Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan, la Bretagne devrait bientôt compter un troisième Parc Naturel Régional (PNR) : le Parc Naturel Régional Rance - Côte d’Émeraude. Fait de « terre et de mer », ce Parc devrait s’étendre, le long des côtes de la Manche, de la pointe du Grouin au Cap Fréhel et, du nord au sud, le long de la Rance et du Frémur, jusqu’au pays des Faluns. Dans un territoire confronté à de multiples enjeux et défis, et où le PNR devrait apporter d’incontestables plus-values, Saint-Malo constituerait alors une « porte d’entrée » idéale, même si son statut reste encore à préciser.

     Le projet de Parc naturel régional (PNR) Rance - Côte d’Émeraude se caractérise par une succession de baies et rias qui entaillent profondément le bocage. La richesse de la biodiversité, la générosité de la nature, la beauté insolente des paysages, les activités elles-mêmes des hommes sont marquées par cette imbrication très particulière entre la terre et la mer. Sur ce territoire comprenant 176 000 habitants et s’étendant sur 66 communes et huit Communautés de communes, les défis sont nombreux et de plusieurs natures.
    Défis de type démographique et d’aménagement du territoire d’abord, où il faut accueillir une population de plus en plus importante et âgée et concevoir un urbanisme plus économe des ressources naturelles et plus soucieux des équilibres sociaux. Défis de type environnemental ensuite où, face à de fortes pressions sur les espaces côtiers et de grands risques d’altérations et de dégradations des espaces, il faut agir pour valoriser des paysages naturels souvent exceptionnels, protéger des bocages et des milieux humides qui se raréfient et gérer la sédimentation des cours d’eau (au premier chef, la Rance, mais aussi l’Arguenon et les deux Frémur). Défis de types économiques encore où il faut assurer la pérennité d’importantes activités agricoles, valoriser les savoir-faire et les qualifications, encourager une « économie productive » d’activités industrielles et de services ainsi que susciter l’essor de nouvelles formes d’énergies. Défis de types culturels enfin, où il faut préserver des patrimoines bâtis mais aussi des patrimoines immatériels de tout premier plan.

     Face à tous ces défis, et parce que les équilibres sont fragiles, le PNR se propose d’unir les collectivités locales et les divers partenaires socio-économiques dans un projet de long terme de développement durable, en leur offrant un cadre adapté pour assurer un essor équilibré. Un futur Syndicat mixte, organe chargé d’impulser et de coordonner des stratégies de développement économique, social, culturel et environnemental, organisera la cohérence des actions sur ce territoire. Plus précisément, ses ambitions seront de contribuer à préserver et valoriser les ressources et les richesses patrimoniales du territoire, d’aider les acteurs à promouvoir un essor intégrant au mieux les préoccupations écologiques et humaines, d’encourager des actions expérimentales innovantes et de favoriser un espace de vie solidaire et de qualité… Une Charte en cours d’élaboration, et qui devra être adoptée par toutes les communes du PNR, décrit l’ensemble des objectifs retenus et des moyens réunis à ces fins.
    Ce faisant, il ne s’agit pas d’instaurer des interdictions absolues et d’édicter des règlements nouveaux : les règles en vigueur dans ces domaines sont déjà nombreuses ! Il ne s’agit pas non plus de créer des schémas normatifs s’imposant aux décideurs : il existe déjà des SCOT, des SAGES, des PLU… et autres schémas : ils doivent être seulement « compatibles » avec les orientations de la Charte. Il s’agit surtout de rassembler et de coordonner les comportements des acteurs autour d’un projet durable, à partir de sensibilisations, de concertations et de recherches de solutions alternatives et d’actions-pilotes.

     À dominante rurale et maritime, le futur PNR Rance - Côte d’Émeraude est aussi marqué par un fait original : une très forte densité urbaine. À l’extrémité nord-est du territoire, la ville principale, Saint-Malo se trouve confrontée à un problème de fond : peut-elle faire partie du PNR ? Comme elle est située à la périphérie de celui-ci, comme elle est très étendue et très peuplée, cela peut constituer un obstacle à son entrée dans le PNR et expliquer ses difficultés à approuver la Charte ; d’ailleurs, en France, bien peu de villes d’importance sont incluses dans un périmètre de PNR (Saumur, avec ses 30 000 habitants, est actuellement la plus grande ville intégrant dans sa totalité un Parc). Plusieurs possibilités peuvent être alors ici envisagées pour la grande ville du PNR :

Saint-Malo est totalement absente du Parc. Ce qui serait dommage, étant donné la dynamique d’entraînement de la ville sur le territoire et son rôle dans la production de fonctions (formation, innovation, logistique…) dont profitent toutes les communes environnantes ; de surcroît, en adoptant une telle position, Saint-Malo prendrait un statut différent des autres grandes villes du territoire : Dinan, nettement insérée au milieu du futur PNR, est appelée à en faire partie, en totalité ou partiellement, tandis que la station balnéaire de Dinard souhaite aussi se situer à l’intérieur du périmètre du projet ; enfin, comme il doit exister une continuité territoriale entre les villes du Parc pour que celles-ci en fassent partie, le retrait de Saint-Malo, du fait de sa situation géographique, empêcherait automatiquement les villes de Cancale et de Saint-Coulomb d’y adhérer, ce qui n’est pas du tout leur souhait.

Saint-Malo est partiellement classée PNR. Cette fois, la cité corsaire n’est pas tenue d’avoir des documents d’urbanisme compatibles avec la Charte pour la partie « non classée » de son territoire, mais appartient au périmètre du Parc pour une partie « classée » de son territoire. Ce sont des options retenues par des villes comme La Baule (Parc de Brière) ou Arles (Parc de Camargue). En fonction du dessin choisi, cela permettrait de créer une continuité territoriale au profit de Cancale ou Saint-Coulomb.

Saint-Malo adopte un statut de « Ville-Porte ». Celui-ci est défini avec les parties prenantes de la Charte ; l’obligation de compatibilité des documents d’urbanisme avec la Charte du Parc ne s’applique pas. En revanche, la ville, qui adhère au syndicat mixte du Parc, bénéficie de l’image du Parc et entretient des partenariats avec les autres villes et les milieux ruraux environnants, autour de thèmes comme les actions culturelles, l’éducation, le tourisme, les loisirs ou l’organisation des trames vertes et bleues. C’est là le parti pris très apprécié de nombreuses villes, comme Brest (Parc d’Armorique) ou Angers (Parc de Loire-Anjou-Touraine).

Saint-Malo est partiellement classée PNR, avec le statut de « Ville-Porte ». Dans cette hypothèse, la ville, du moins pour une partie d’elle-même, adhère aux statuts et obligations de la Charte. Ce statut de « ville-porte » renforce l’image de la ville et l’implique dans la dynamique du PNR. Comme ce fut, en leur temps, les choix de SaintÉtienne (aux portes du Parc du Pilat) ou de Creil (Parc Oise Pays de France).

     Telles sont les possibilités qui s’offrent à Saint-Malo qui, plus que jamais, en partenariat avec Dinan, a vocation à entraîner tout son environnement dans une dynamique créatrice.