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Dossier
#16
« La vie associative rennaise fait débat »
RÉSUMÉ > Quel rapport entretient le pouvoir municipal avec le monde des associations ? Cette question politique fait débat. Qu’en est-il aujourd’hui du fameux « modèle rennais », ce système inventé dans les années 60 et 70 qui concédait aux associations la gestion de tous les équipements de quartier ? Place Publique a réuni autour d’une table quatre « acteurs » de cette affaire : deux « historiques », Martial Gabillard et Jean Lemesle. Et deux « politiques », Gaëlle Andro, adjointe à la vie associative et Bruno Chavanat, leader de l’opposition rennaise.

PLACE PUBLIQUE> Que savent les élus sur les associations de Rennes, sur leur nombre et sur leurs caractéristiques ? 

GAËLLE ANDRO > Difficile d’appréhender la vie associative de manière objective. On sait qu’elle est vivace, qu’il y a un flux continu de création et que cela va même en s’accélérant. Toutefois, je le reconnais, nous aurions besoin de mieux les connaître, non pas pour les contrôler, mais pour mieux les accompagner. C’est pourquoi un outil se met en place à savoir un observatoire qui sera une déclinaison locale de celui créé en Bretagne par la chambre régionale d’économie sociale.

 

PLACE PUBLIQUE > Mais vous connaissez au moins les associations auxquelles vous donnez des subventions ?

GAËLLE ANDRO >
Nous les connaissons puisque chaque association qui se créé à Rennes peut demander une subvention. Chaque année, elles sont 4 à 500 à faire cette demande. Parmi elles, un noyau dur de 300 associations que nous accompagnons depuis une dizaine d’années. Et environ 60 à 70 nouvelles par an.

MARTIAL GABILLARD > Ce volume n’a pratiquement pas varié depuis 30 ans. Comme si la mobilisation des citoyens avait atteint un certain plafond.

JEAN LEMESLE > Pour moi, le total est en réalité de 5000 associations sur la ville et de 15 000 à l’échelle de Rennes Métropole. C’est un monde divers et mouvant, donc très difficile à cerner. On dit 500 associations, mais 20% ont des salariés, ce qui veut dire que 80% vivent uniquement avec leurs bénévoles. En dehors des associations qui ont un lien contractuel avec la Ville, on peut parler de foisonnement. On note par exemple beaucoup d’initiatives dans le domaine des solidarités, ce qui était moins vrai il y a dix ans. Autre changement, chez les jeunes l’appétit associatif ne se structure pas de la même manière que naguère. C’est plus éphémère : les groupes s’organisent autour d’un but et quand ils l’ont atteint, au bout de six mois un an, ils passent à autre chose.

BRUNO CHAVANAT > Je vis sur l’idée qu’il y a 5 à 6000 associations à Rennes, de taille, de finalité et de mode de gestion très différents. C’est une extraordinaire hétérogénéité, d’où la difficulté à parler de ce monde de manière signifiante. La vraie question n’est pas statistique, elle est : « qu’est-ce qu’on attend des associations par rapport à des objectifs de vie en commun ? »

PLACE PUBLIQUE > Justement, posons la question : quel est et quel doit-être selon vous le rôle des associations dans la cité ?

BRUNO CHAVANAT >
La première fonction des associations, ce peut être d’exprimer d’une façon éphémère les revendications d’habitants. La deuxième fonction concerne la sphère socio-culturelle et sportive, qui contribue à la structuration de la vie sociale. Troisième type: les associations gestionnaires de services publics par délégation. On fait souvent l’amalgame entre des associations qui n’ont rien à voir, entre celles qui se forgent pour défendre les piétons dans la ville, ou contre tel ou tel projet immobilier, et celles qui comme l’Espace des sciences rendent une mission de service public et brassent des millions d’euros. Dans tous les cas, on voit que notre forte tradition rennaise a connu un point de rupture, il y a une dizaine d’années, quand on a institutionnalisé les conseils de quartier, ces derniers portant atteinte selon moi à l’expression par les habitants de revendications, qui auparavant débouchait sur une forme d’organisation collective au niveau des quartiers.

II – La démocratie dans les quartiers

PLACE PUBLIQUE > Cette rupture de 2004 est celle qui a mis fin à OSCR, l’Office social et culturel rennais. Peuton dire comme Bruno Chavanat que les conseils de quartier vont à l’encontre de la vie associative ?

JEAN LEMESLE >
Il y a effectivement des interrogations. J’ai vécu trois étapes. D’abord, celle du développement des liens entre la Ville et la vie associative du temps d’Henri Fréville. J’ai pu voir à l’époque dans mon comité de quartier comment les liens s’établissaient et je peux vous dire que cette démocratie d’initiative nous valaient parfois des échanges très musclés avec la Ville. La deuxième période, que j’ai vécue sous la municipalité de gauche fut celle d’un fort développement. Je dirais que c’était l’Âge d’or. Il y avait beaucoup d’initiatives que l’on pouvait partager dans tous les domaines, notamment celui des Locaux collectifs résidentiels de quartier. Enfin, la troisième étape plus récente, consista à renforcer la présence de la Ville dans les quartiers. Il y avait une double logique : établir un dialogue avec les conseils de quartiers et établir des sortes de « mairies de quartier ». Mais les deux logiques s’entremêlent. Le fait que les conseils de quartiers soient présidés par un élu renforce la confusion. Il faudrait clarifier cela dans l’avenir afin de préserver les deux logiques : celle de l’initiative portée par les habitants et celle de la souveraineté de la ville.

BRUNO CHAVANAT > D’accord avec cette analyse. C’est un point de philosophie qui nous a opposés à la mairie durant les deux derniers mandats. Cela trace une ligne de partage entre deux conceptions des associations. Dans quelle mesure l’initiative des habitants peut-elle être perçue comme prioritaire par rapport à cette souveraineté des élus ? Avec les conseils de quartier, c’est la Ville qui décide in fine de ce qu’elle fait. Je pense que cela porte atteinte à la capacité d’initiative. Avant, on avait un mûrissement intéressant : on partait de l’expression un peu protestataire pour aboutir à une démarche d’intérêt général. Exemple, le comité de quartier Saint-Martin : il est né d’une protestation contre un projet de décharge qui fédérait des gens qui n’avaient rien à voir entre eux. Cette solidarité contestataire a conduit à une solidarité de prise en charge d’actions : s’en sont suivies des réalisations exemplaires comme la plus grande braderie de Rennes, les feux de la Saint-Jean, etc. La leçon est que, quand on part d’une initiative librement construite et autonome, le débat acquiert beaucoup plus de fécondité. Tout cela a été mis à mal par la création des conseils de quartier car on y trouve des représentants qui ne sont pas forcément associatifs, des représentants de l’administration ainsi que des habitants mais pris un par un. La relation est différente. Ces personnes sont là pour être informées de ce que la Ville fait et c’est tout.

MARTIAL GABILLARD > Je suis en désaccord avec Bruno Chavanat. La richesse de cette ville est d’être en perpétuelle évolution et en recherche de solutions. Oui, jusqu’aux environs de 1995, l’OSCR, les comités de quartiers, fonctionnaient très bien. Mais cela s’est vidé, la vie associative n’investissait plus l’OSCR, on reprochait un manque d’implication du pouvoir municipal dans la vie associative. Il a fallu inventer de nouvelles solutions, c’est ainsi que sont nés les conseils de quartier et que l’OSCR sera transformé à partir de 2001. Cette implication nouvelle du pouvoir municipal dans la vie des quartiers n’est pas une régression de la vie démocratique, mais au contraire un enrichissement. Car il n’y a débat que si l’ensemble se rencontre : le pouvoir municipal, le pouvoir associatif, mais aussi toute la population non inscrite qui revendique de pouvoir s’exprimer sans passer par le canal associatif. Rappelons l’histoire : c’est quand même l’équipe municipale qui a promu la nécessité de s’organiser au niveau des quartiers. Edmond Hervé le martelait aux associations au sein de l’OSCR : « Investissez les quartiers ! ». Autre point important, les associations gestionnaires d’équipements. Rennes a fait un choix fondamental qui nous différencie des autres villes. Nos équipements de quartier sont gérés par des associations alors que nous aurions pu faire le choix de la gestion directe par la ville. Ces équipements avec leur personnel et une masse budgétaire sans égale est à la disposition de tous. Selon une évaluation, plus de 800 associations ou groupes y étaient accueillis pendant une année donnée. C’est dire l’outil d’expression que représentent ces structures.

GAËLLE ANDRO > Le débat sur les conseils de quartier date de dix ans. Il est clos et dépassé. Les comités de quartier qui, à l’époque, avaient vu l’initiative de la Ville comme quelque chose de concurrent, ces comités sont aujourd’hui bien vivants et animent la ville. Les comités de quartiers existent, ils sont un référent naturel, par exemple sur des dossiers du type aménagement de la Courrouze. La braderie Saint Martin n’a jamais été aussi dynamique qu’aujourd’hui. Partout, ces comités de quartiers fêtent leurs 40 ans ou leurs 50 ans et ils sont très fiers de leur histoire. Que ce soit au Blosne et à Cleunay, ils sont fiers de ce qu’ils sont : un tissu associatif procédant de l’initiative habitante, ce qui les distingue de l’initiative propre des conseils de quartiers, lesquels procèdent d’une autre logique qui est celle de l’approfondissement de la vie démocratique. Que la représentation municipale se pose la question de « comment accompagner la démocratie dans les quartiers au quotidien », cela est légitime et essentiel, d’où cette transformation nécessaire. Comment être plus en écho avec les habitants ? Comment les impliquer davantage ? Comment aider ces associations à répondre au besoin des jeunes qui ne se reconnaissent pas dans ce type d’organisation ? Comment résoudre le problème des fondateurs qui ne savent pas passer le relais ? La Ville n’est pas responsable du fait que certains comités ne trouvent plus personne pour passer parfois 60 heures par semaine au service de l’association pour une fête de quartier, une braderie. Nous partageons ces préoccupations et nous devons travailler ensemble pour y répondre.

BRUNO CHAVANAT > Le problème de l’expression démocratique dans la proximité, l’expérience des conseils de quartier qui est un lieu d’information ne le résout pas même si elle y contribue. La représentation dérive puisque le conseil de quartier incarne la souveraineté des élus. Un autre problème est celui de l’engagement, qui n’est pas le fait de la Ville. Il y a un biotope très riche à Rennes, mais un biotope fragile qu’il faut veiller à maintenir. Ce n’est pas une question de moyens mais de responsabilité. Il faut que la Ville accompagne les responsabilités données aux uns et aux autres. Trop facile de dire, les dirigeants vieillissent, ne trouvent pas de successeurs, donc la Ville va prendre le relais : c’est ce qui s’est passé pour la maison de quartier de Maurepas et pour un certain nombre d’autres cas.

PLACE PUBLIQUE > Le bénévolat est une difficulté actuelle des associations. Peut-on parler d’une crise du bénévolat et quelles sont les solutions?

JEAN LEMESLE >
Je ne crois pas du tout qu’il y ait crise du bénévolat même s’il est souvent difficile de mobiliser. Il faut dire que le fonctionnement académique des associations avec assemblée générale, conseil d’administration, bureau, etc., cela n’inspire plus grand chose aux jeunes. Et je ne parle pas des dirigeants dinosaures qui quelquefois ont du mal à partir. Il faut donc trouver d’autres modes d’accroche, de lien, d’animation et de développement. L’accroche dans la responsabilité associative, là c’est de vrai problème. Si l’on prend les quartiers : les jeunes se mobilisent-ils dans les associations ? Réponse : pas tellement. Prennent-ils des initiatives ? Beaucoup. Ont-ils besoin d’un accompagnement ? Oui. Au Centre d’information jeunesse, nous accompagnons une cinquantaine d’associations qui suivent leur propre logique et se sont organisées en coopérative. Je pense que des efforts sont à faire. Il faudrait développer sous différentes formes ce qui se fait avec la caravane des quartiers, qui est une très bonne initiative. L’habitant rennais, y compris celui est sans parole et qui n’est pas dans les associations, il souhaite dire des choses sur le transport, sur les espaces de jeux d’enfants. Comment aider les habitants à démarrer entre eux une vie de voisinage, une vie d’entraide et rentrer dans une réflexion sur la construction de la ville ?

PLACE PUBLIQUE > Est-ce que les nouvelles associations ont les moyens de se regrouper, de se rencontrer, de réfléchir ensemble ?

GAËLLE ANDRO >
Oui, et elles le font. Chaque fois qu’il y a des propositions de formation sur le bénévolat à la Maison des associations, il y a énormément de monde. Cela montre une envie de se construire en tant que bénévole. Je dirais aussi que les équipements de quartier sont une mine de réflexion : autour du consumérisme, de la question de sens que l’on donne à sa vie, à son engagement. Ces 40 équipements gérés par 26 associations, ce sont des laboratoires associatifs pour s’auto-organiser dans un quartier, y créer des loisirs, y créer du vivre ensemble. Et de faire en sorte que personne ne soit oublié.

PLACE PUBLIQUE > Mais est-ce que la population participe vraiment?

GAËLLE ANDRO >
C’est vrai, à Villejean, sur 100 associations hébergées, aucune n’est associée au fonctionnement de la maison de quartier. Le conseil d’administration n’arrive pas à se renouveler. Nous leur avons dit : vous êtres assis sur un trésor, 100 associations, 100 présidents, 100 trésoriers, des centaines de personnes qui donnent du temps et peut-être que vous ne les avez jamais sollicitées pour qu’elles participent à la structure collective de la maison de quartier. Cette dernière a des difficultés financières, mais quand le président a dit : « je vais augmenter le loyer des salles », ce fut un tollé : crises, lettres, « ils font n’importe quoi », et « vous, la Ville, que faites-vous ? » On avait là un vrai territoire de réflexion sur le monde associatif aujourd’hui, sur qu’est-ce qu’on fait ensemble, comment on s’organise.

MARTIAL GABILLARD > L’association de la maison de quartier de Villejean est en interrogation. Mais ce n’est pas sa gestion qui est en cause. Il y a une vraie réussite que constitue la présence de ces 100 associations. Ne disons pas qu’il y a échec du soutien à la vie associative, mais simplement un problème dans l’organisation, à savoir que l’association gestionnaire devrait s’appuyer sur ces 100 pour gérer l’équipement. Ce n’est pas la vie associative qui est en péril.

BRUNO CHAVANAT > Reconnaissons la spécificité et la richesse du fait que soit confiée à des associations la gestion des équipements de quartier. Mais nous pourrions régénérer ce modèle qui a si bien fonctionné. On pourrait remettre la gestion en jeu tous les six ans, de façon ouverte, publique, contradictoire, en faisant un appel à projet, un peu sur le modèle de ce qui se fait dans le domaine semi-marchand avec la délégation de service public. La mairie ne déciderait pas souverainement que c’est le Cercle Paul Bert ou la fédération Léo Lagrange. Cela permettrait à de nouvelles personnes d’entrer dans le jeu.

JEAN LEMESLE > Si on reprend l’exemple de la maison de Villejean, je fais trois constats. D’abord, avant que ce soit des maisons de quartiers, il s’agissait de maisons de jeunes si bien que l’on est passé d’un type de mission orientée jeunesse à quelque chose de plus large. Les associations du quartier ont commencé à utiliser les locaux et en sont restées là. Pourquoi ? Et c’est ma deuxième observation, il s’est passé une professionnalisation de grande qualité. Alors, l’habitant moyen, constatant que l’on avait des professionnels pour animer, impulser, organiser, s’est dit : «nous à côté, avec notre petit projet associatif, on prendra la salle à telle heure. Point.» On n’est pas entrés dans la dynamique de la maison de quartier. Troisième point et je fais mon mea culpa. La place de l’usager n’a pas été assez développée. Aujourd’hui, on a une nouvelle culture politique à instaurer entre le partenariat public et privé, sachant que les rapports changent selon l’état de maturation de l’association. C’est pourquoi, il faut diversifier les modes d’accompagnement en tenant compte de la diversité des associations et de l’étape où elle se trouve. Complexité énorme, toutes les dispositions tournées vers le général, peuvent faire « flop ».

GAËLLE ANDRO > Totalement d’accord. Pour nous, il y a un vrai travail de dentelles à faire pour accompagner la vie associative. Et je veux rassurer la maison de quartier de Villejean : on a discuté pendant deux ans, mais aujourd’hui que l’on a re-conventionnné pour 6 ans avec cette association, nous attendons le retour avec optimisme. Exemple très différent, celui de la maison de quartier de Maurepas où nous n’avons pas souhaité signer avec une association gestionnaire, mais transformer l’équipement en pôle associatif, avec un nouveau mode de gestion. C’est l’Apras (Association pour la Promotion de l’Action et de l’Animation Sociale) qui au titre de sa grande expérience dans l’animation sociale de proximité gère désormais un pôle associatif de quartier. C’est une sorte de mini « office social et culturel » à l’échelle de Maurepas, où se mêlent des associations très diverses, tout cela concentré sur un seul et même équipement qui fabrique du vivre ensemble à partir des actions collectives ponctuelles. Ce sont deux façons de faire. Nous sommes bien dans la dentelle. Et à travers ces deux exemples, je souligne aussi que nous restons bien dans la permanence du modèle rennais.

PLACE PUBLIQUE > Nous publions dans la revue le témoignage d’une bénévole (voir p 43) Elle dit : « comment faire pour maintenir une différence, une frontière, entre le bénévolat et ce qui pourrait devenir une activité qui a toutes les caractéristiques d’un métier. Des bénévoles sont déçus parce qu’ils étaient prêts à donner une journée de temps en temps et se voient imposer des contraintes (…) Alors ils s’en vont. » Qu’en pensez-vous ?

GAËLLE ANDRO >
C’est une question-clé que celle du malêtre du bénévole. L’exigence de participation à la démocratie participative se heurte souvent à l’absence de culture de la délibération au sein des entités. Le bénévole a du mal à se situer. Quel est son rôle ? Qu’attend-on de lui? Il n’y a pas toujours des réponses précises à cela au sein des associations. La Ville peut accompagner en aidant à l’autoformation. Mais, il nous faudrait faire un effort pour alléger l’aspect gestion, le système de subvention, qui est parfois un peu lourd, avec des documents fastidieux à remplir. Nous devrions être là pour faciliter et je suis consciente que l’on complique un peu la vie des gens.

BRUNO CHAVANAT > Oui, il faut réinventer de la simplicité. Je pense aux aires de jeu au bas de l’immeuble. Il y a de la vie associative de quartier qui est née de choses très simples où il n’était nul besoin d’apprendre la culture de la délibération telle qu’on l’entend aujourd’hui avec bureau, conseil d’administration. Je ne critique pas, mais tâchons de rendre la vie associative accueillante au plus grand nombre.

MARTIAL GABILLARD  > Attention, on dit « simplifions ». On dit espace de jeux, les groupes s’en occupent, les bénévoles agissent, très bien. Vous oubliez la notion de responsabilité juridique. Au moindre incident sur un espace de jeu, on ira pas chercher le brave bénévole, on ira chercher la responsabilité de la Ville. Donc obligation, quand vous êtes sur l’espace public, de mettre en place un système de délégation. Ce n’est pas si simple. D’autres villes font de la gestion directe, nous à Rennes nous avons choisi plutôt un mode de délégation associative. Il faut en maintenir le principe mais en trouver les modalités d’application.

JEAN LEMESLE > Les leviers dont la Ville dispose pour soutenir le développement associatif sont divers. Ce peut être l’aide matérielle, mais pas seulement. Ce peut être aussi l’ingénierie. Nous avions parlé il y a quelques années de boutiques associatives dans les quartiers qui permettrait par secrétariat partagé, par informatique partagée, par trésorerie partagée, communications partagée, de faire en sorte que les dirigeants n’aient pas à chaque fois tout à gérer. Autre piste : on devrait envisager un « mécénat de compétence ». Nous avons des tas de responsables d’ateliers, d’ingénieurs, de cadres, de DRH qui sont prêts à donner huit jours par an à une association pour lui apporter un coup de pouce. Ils ont la compétence. Curieusement dans notre système fiscal français, ce temps investi par les bénévoles n’est pas pris en compte. Quand vous versez de l’argent à une association, vous pouvez le déduire de vos impôts. Mais si vous passez vingt ou trente jours par an à son service, là, vous n’avez droit à rien. Pour ceux qui ne paient pas d’impôt et qui donnent leur temps, on pourrait proposer des stages de langue étrangère, par exemple.

PLACE PUBLIQUE > Les associations rennaises ont-elles un avenir, à l’heure des réseaux sociaux et des mobilisations éphémères?

MARTIAL GABILLARD >
Je n’ai aucun doute sur l’avenir de la vie associative à Rennes. Cette ville a une caractéristique qui perdure, c’est sa capacité de toujours se remettre en cause et sa capacité d’invention considérable. Les interrogations, les critiques même, montrent la vitalité de la vie associative, et je ne doute pas de l’avenir à Rennes.

JEAN LEMESLE > Je suis aussi optimiste. Des domaines se développent. Prenez les groupes de randonnées qui se sont multipliés sur Rennes. Avec des seniors, mais pas seulement. Ils fonctionnent sans demander d’argent à la ville. Ils ont trouvé des locaux. Leur rythme. Et cela fonctionne. Cela respire et cela agit.

GAËLLE ANDRO > Je m’associe à cet optimisme en soulignant le fait que nous avons la chance d’être dans la permanence. Chance énorme aussi que cette capacité à faire que le partenariat soit possible. La confiance existe à Rennes car le cadre est permanent. Cela permet d’être optimiste.

BRUNO CHAVANAT > Nous avons beaucoup abordé ici le sujet du rapport au politique. Moi, j’ai une vision qui contredit Martial Gabillard quand il dit qu’il n’y aurait pas de tentation de domination de la part du pouvoir politique. Je crois que la vie associative ne doit procéder que d’elle-même. Concernant la vitalité des associations, il y a tout un secteur dont nous n’avons pas parlé qui est celui du sport : à travers les valeurs qu’il porte, il porte les germes de l’avenir et de l’espoir. L’association, c’est avant tout un sens de l’engagement, de la solidarité, de l’initiative et même le goût du risque, ingrédients que l’on retrouve dans le sport à tous les âges, dans notre ville. Sur la base de ces valeurs, la vie associative a de beaux jours devant elle.