<
>
Dossier
#20
RÉSUMÉ > Les cliniques privées sont devenues un acteur majeur de notre système de santé. Quelle place occupent-t-elles ? Qui les possède ? Quel est leur impact sur l’offre de soins ? Comment évoluent-elles ? Quelles relations avec l’hôpital public ? Des éléments de réponse de Nathalie Destais.

PLACE PUBLIQUE> Le secteur privé lucratif représente aujourd’hui un segment important de l’offre hospitalière. Quelle est exactement sa part ? 

NATHALIE DESTAIS > Sur l’ensemble du territoire national, les quelque 1 050 cliniques privées réalisent plus du tiers (36%) du volume d’activité des établissements de santé en court séjour. Cette proportion atteint 54% pour la seule chirurgie et même 68% en chirurgie ambulatoire, puisque ce sont là les domaines de spécialisation des cliniques. Elles sont également présentes dans les soins de suite et de réadaptation (30% des séjours). Ces chiffres rendent compte d’une contribution importante des cliniques à l’offre de soins, même si elle recouvre un éventail d’activités plus resserré que celui de l’hôpital public.
 

PLACE PUBLIQUE > Dans l’Ouest, quelle est la part prise par les cliniques privées ?

NATHALIE DESTAIS >
En Pays de la Loire, la part d’activité des cliniques est supérieure à la moyenne nationale : elle atteint 43% du court séjour, dont 25% en obstétrique, 28% en médecine et 64% en chirurgie. En Bretagne, la part d’activité des cliniques est en revanche un peu moins grande : 30% du court séjour, dont 51% en chirurgie. Cependant, ces parts de marché évoluent, particulièrement en Bretagne où le secteur privé, très actif, mène depuis quelques années des opérations d’acquisition et de restructuration importantes.

PLACE PUBLIQUE > Cette importance du secteur privé est assez méconnue…

NATHALIE DESTAIS >
Oui et non. Les cliniques ont une réelle visibilité pour les patients en raison de leur place dans certains types de soins. En revanche, leur visibilité est moindre dans les politiques publiques, en dehors du problème des dépassements d’honoraires qui attire régulièrement l’attention. L’administration centrale, c’est vrai, est plus familière des hôpitaux publics, en raison de son histoire et du statut des personnels. Elle connaît moins les acteurs privés à but lucratif, qu’il s’agisse de leur économie générale, de leur structure capitalistique ou de leur stratégie ; elle n’a pas de contact régulier avec les dirigeants des quelques grands groupes qui structurent ce secteur. C’est précisément pour éclairer ce segment mal connu de notre système de santé que l’IGAS a inscrit cette mission à son programme de travail 2011-2012.

PLACE PUBLIQUE > Qu’entend-on exactement par secteur privé ?

NATHALIE DESTAIS >
Le secteur privé recouvre deux ensembles d’établissements: d’une part, les établissements de santé privés dits « d’intérêt collectif » (Espic – selon le terme de la loi HPST3) qui regroupe des établissements de santé gérés par des organismes à but non lucratif (associations, congrégations, fondations, mutuelles et des institutions de prévoyance, ainsi que les centres de lutte contre le cancer) ; d’autre part, les établissements de santé privés à but lucratif, que l’on appelle communément les cliniques. C’est sur ces derniers qu’a porté la mission de l’Igas. Historiquement, les cliniques ont été créées par des médecins spécialistes libéraux (chirurgiens, anesthésistes…) désireux de se doter d’un plateau technique pour exercer leur activité, la clinique étant en quelque sorte leur outil de travail. Ces médecins fondateurs étaient à l’origine actionnaires de la clinique.

PLACE PUBLIQUE > Les cliniques ont changé. Les médecins ne sont plus aux manettes?

NATHALIE DESTAIS >
Les médecins libéraux sont toujours au coeur des cliniques, même si le nombre de médecins salariés (à peine plus du dixième du corps médical de ces établissements) progresse, sous l’effet de la diversification d’activité des cliniques et de la moindre attractivité du statut libéral parmi les jeunes générations de praticiens. En revanche, la figure du médecin-actionnaire est de plus en plus rare. Un mouvement profond de restructuration et de concentration financière de ce secteur, engagé depuis les années 90, s’est accéléré dans les années 2000. Plusieurs facteurs y poussent : les surcapacités hospitalières en court séjour, le coût des investissements nécessaires pour satisfaire les normes ou pour suivre le progrès médical, la démographie médicale, l’évolution des conditions d’exercice recherchées par les médecins. Ces derniers souhaitent bénéficier de volumes d’activités suffisamment importants pour leur garantir la maîtrise de leur art et la reconnaissance de leurs pairs.

PLACE PUBLIQUE > Que représentent aujourd’hui les groupes de cliniques privés ?

NATHALIE DESTAIS >
Ce mouvement s’est traduit par l’émergence de groupes de cliniques, qui ont racheté de nombreuses cliniques indépendantes et s’appuient sur un actionnariat financier, remplaçant progressivement (au moins en partie) l’actionnariat médical. Aujourd’hui, près de 60% des cliniques font partie de groupes de taille très variable. Un leader : la Générale de Santé avec plus de 100 établissements et environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires ; quatre groupes d’envergure nationale, comptant entre 25 et 50 établissements chacun, pour des chiffres d’affaires compris entre 350 et 700 millions d’euros; puis une vingtaine de groupes régionaux. De petits contraigroupes locaux existent également. Les groupes de cliniques ont connu une vitesse de croissance impressionnante au cours des années 2000, particulièrement dans la deuxième moitié de la décennie. Cette croissance se poursuit aujourd’hui, quoique plus lentement. Son fondement est toujours le même : l’acquisition de cliniques (souvent en difficultés), leur « filialisation », leur restructuration et leur modernisation en fonction de l’offre de soins locale.

PLACE PUBLIQUE > Et dans le Grand Ouest ?

NATHALIE DESTAIS >
Les régions du Grand Ouest connaissent bien certains de ces acteurs. Le groupe Vedici, fondé en 2000, gère notamment les cliniques du Grand Large et du Keraudren à Brest, ainsi que quatre cliniques à Nantes (cliniques Jeanne d’Arc, Saint-Augustin, Brétéché et la Polyclinique de l’Atlantique) ; il a aussi créé au milieu de la décennie le pôle Santé Sud du Mans. Le groupe Vivalto se développe depuis 2009 à Rennes (CHP Saint-Grégoire), à Brest (clinique Pasteur-Lanroze), à Saint-Malo (clinique de la Côte d’Emeraude), à Nantes (clinique Sourdille d’ophtalmologie) ; il vient en outre de racheter la polyclinique de Pontivy en redressement judiciaire. Le groupe Vitalia fondé en 2006 détient la clinique Océane à Vannes et la clinique du Ter à Ploemeur.

PLACE PUBLIQUE > On dit que des fonds d’investissements interviennent massivement dans ce secteur, c’est le cas de Blackstone par exemple. Cet investissement est-il central ou marginal ?

NATHALIE DESTAIS >
L’entrée des fonds d’investissement (notion différente de celle de fonds de pension) dans le capital des groupes de cliniques est un phénomène marquant des années 2000. Il a puissamment contribué à la recomposition de ce secteur. Vous parlez de Blackstone. Le groupe Vitalia est en effet emblématique : créé en 2006 par un médecin avec l’appui de ce fonds d’investissement américain, il a pu constituer en quelques années seulement un réseau de 48 établissements. L’histoire de Vedici est comparable: l’arrivée des fonds Apax Partners et Altamir en 2006 a fait passer ce groupe d’une dimension régionale à une dimension nationale ; puis leurs parts ont été cédées à deux autres fonds qui détiennent actuellement la majorité du capital. Le groupe Vivalto dispose, de manière assez originale, d’un actionnariat mixte composé de médecins et de plusieurs fonds d’investissement (majoritaires) comme Crédit Agricole Private Equity, BNP-Paribas Développement, ING Parcom et Crédit Mutuel Arkea. Les fonds d’investissement ne s’intéressent d’ailleurs pas qu’aux grands groupes ; ils sont aussi entrés au capital de groupes régionaux plus modestes.
 

PLACE PUBLIQUE > L’arrivée de ces fonds d’investissement change-t-elle profondément les choses ?

NATHALIE DESTAIS >
Oui, l’arrivée de ces fonds a modifié assez profondément la gestion et le positionnement des cliniques. Les fonds d’investissement ont d’abord répondu à des besoins de capitaux lorsque les apports ponctuels des médecins ne suffisaient plus. Ils ont ainsi apporté une capacité d’investissement inégalée, dans le domaine immobilier comme dans le domaine des équipements médicaux, investissements qui renforcent l’attractivité des cliniques. Ces fonds ont aussi implanté des méthodes de gestion rigoureuses, avec des ratios de gestion, des systèmes de « reporting » budgétaire précis, un suivi d’activité détaillé, une utilisation optimale des blocs opératoires et une recherche permanente d’ajustement des effectifs à l’activité afin de maîtriser la masse salariale. Leur impact dans ce domaine a été d’autant plus fort qu’un bon nombre de cliniques rachetées connaissaient des difficultés financières chroniques.

PLACE PUBLIQUE > L’arrivée de ces fonds d’investissement est donc une aubaine ?

NATHALIE DESTAIS >
Pour bien comprendre, il faut intégrer l’idée que les fonds qui investissent dans le secteur des cliniques ont une stratégie de « création de valeur » à moyen terme : ils investissent pour quatre à six ans et se rémunèrent par la plus-value réalisée lorsqu’ils revendent leur part (la distribution de dividendes est en revanche rare). Cette démarche les oblige à repositionner la clinique sur une offre viable, avec des modes de gestion efficients ; cet horizon de temps est du reste moins contraignant que celui imposé par la Bourse, qui pèse sur un groupe comme la Générale de Santé6. Mais ce phénomène soulève néanmoins des difficultés. Je pense notamment à leur complexité juridique et capitalistique qui rend la situation financière des cliniques assez opaque. J’évoquerai également la faible visibilité des Agences régionales de santé sur la stratégie d’établissements relevant de groupes nationaux.

PLACE PUBLIQUE > Qu’en est-il des investisseurs français dans ce secteur?

NATHALIE DESTAIS >
Parmi les investisseurs ayant acheté une part du capital des cliniques en France, on compte quelques acteurs français : filiales de BNP-Paribas Développement ou de Natixis, par exemple. Certaines cliniques indépendantes sont elles-mêmes adossées à des banques partenaires. Cependant, la plupart des investisseurs arrivés sur ce marché sont américains, britanniques, australiens, italiens, canadiens ou encore suédois (comme le groupe CAPIO qui gère, par délégation du Comté de Stockholm, un des grands hôpitaux de cette ville et qui est arrivé sur le marché français en 2002).

PLACE PUBLIQUE > La place des capitaux français reste donc minime ?

NATHALIE DESTAIS >
En fait, la discrétion apparente des investisseurs français, qui peut surprendre à première vue, doit être nuancée. Il existe tout d’abord quelques opérations d’investissement atypiques, comme celle de la Mutualité Finistère Morbihan, qui a fondé en 2010 Hospitalisation Grand Ouest (HGO). HGO est en fait une holding à capitaux mutualistes issus du monde de la prévoyance, qui détient actuellement une participation dans trois cliniques, dans le but affiché de constituer une offre alternative (en termes de respect des honoraires conventionnels notamment) à celle des grands groupes. Par ailleurs, les investisseurs institutionnels français ont développé leur participation au secteur de soins via un autre acteur devenu très important : les sociétés foncières.

PLACE PUBLIQUE > Les sociétés foncières, c’est-à-dire ?

NATHALIE DESTAIS >
La cession des murs des établissements fait partie du financement des acquisitions de cliniques. C’est sur ce dernier créneau que les investisseurs institutionnels français sont intervenus au travers de participations dans les sociétés foncières, qui ont su se positionner ces dernières années comme partenaires financiers du développement de certains groupes. Les deux principaux intervenants dans ce domaine sont Gecina et Icade Santé (une filiale de la Caisse des Dépôts). Cette stratégie n’est pas sans risque. L’externalisation des murs aboutit en effet souvent à accroître le poids de l’immobilier (sous forme de loyers) dans les comptes des cliniques et pèse sur leur rentabilité d’exploitation. Adaptée à une cliniques moderne et en croissance, l’externalisation des murs peut se révéler très contraignante en cas de déclin d’activité et de besoin de restructuration. Elle risque enfin de dégrader à moyen ou long terme la valeur des cliniques, si l’écart se creuse entre la rentabilité de l’immobilier et celle de l’activité de soins; cela se retournerait finalement contre les investisseurs.

PLACE PUBLIQUE > Aujourd’hui, cette transformation est-elle terminée ou va-t-elle encore se poursuivre ?

NATHALIE DESTAIS >
La transformation juridique, financière et économique du secteur des cliniques n’est probablement pas terminée. Un tiers des cliniques offrant du court séjour était en déficit en 2010 et cette proportion était plus élevée parmi les cliniques mono-disciplinaires. De nombreuses cliniques sont confrontées à un besoin de modernisation de leur infrastructure ou à un problème de transmission ; certaines équipes médicales ne parviennent plus à se renouveler. Aussi les professionnels du secteur estiment-ils qu’entre un quart et un tiers des cliniques indépendantes sont susceptibles d’être rachetées à court ou moyen terme. Les sociétés foncières anticipent d’ailleurs une expansion de leur marché, liée à la poursuite du mouvement de consolidation et de restructuration des cliniques.

PLACE PUBLIQUE > En quoi ces évolutions affectent-elles l’organisation de l’offre de soins ?

NATHALIE DESTAIS >
Les évolutions mentionnées précédemment ont permis aux cliniques de réaliser des économies d’échelle et, pour certaines, de se positionner sur des technologies de pointe et des actes complexes. Les stratégies de niche demeurent mais les plus grands établissements entreprennent une diversification de leur offre de soins, non seulement en chirurgie mais aussi dans le champ de la médecine, rapprochant ainsi leur profil d’activité de celui d’un grand centre hospitalier public. La gradation des soins mise en place au sein de certains groupes privés – avec des consultations avancées et des interventions légères effectuées dans des petits établissements isolés tandis que les interventions les plus lourdes sont rapatriées vers l’établissement phare du groupe – est une réponse à la question de l’accès aux soins et de la sécurité des soins dans certaines zones rurales. L’organisation de filières de soins intra-groupe permet d’offrir une gamme de soins plus complète au patient ; elle peut toutefois susciter des difficultés pour les autres établissements de la région, qui y voient une captation de clientèle et une déstabilisation des « bassins de santé ».

PLACE PUBLIQUE > Dans ces restructurations, on a le sentiment que le projet médical est peu présent. Qu’en est-il vraiment ?

NATHALIE DESTAIS >
Le projet médical est en réalité bien présent. Les investisseurs comme les gestionnaires des cliniques, particulièrement au sein de groupes, sont attentifs au « projet industriel » consistant à rassembler, optimiser, articuler des portefeuilles d’activité d’établissements auparavant isolés ; cela passe par une révision et une mise en cohérence des projets médicaux lorsque ceux-ci n’étaient plus adaptés à leur environnement. Ce travail sur le projet médical reste souvent décentralisé au niveau de l’établissement ; le siège du groupe suit cela de plus loin. En outre les médecins, même lorsqu’ils ne sont plus actionnaires, gardent un pouvoir considérable dans une clinique : en tant qu’apporteurs d’activité, garants d’une réputation, intégrateurs de progrès technique... Les orientations stratégiques, de même que les choix d’investissement, sont donc négociés et les critères de décision ne sont pas exclusivement économiques.

PLACE PUBLIQUE > Pensez-vous que les relations entre public et privé doivent être revues ?

NATHALIE DESTAIS >
Les relations entre hôpitaux et cliniques mêlent, de façon instable et variable selon les situations locales, concurrence et coopération, émulation et complémentarité. L’attribution des autorisations par l’Agence régionale de santé met de facto les établissements en concurrence. Pourtant ces autorisations sont parfois conditionnées à une coopération public-privé, qui n’est pas simple à concrétiser, ne serait-ce qu’en raison des différences de culture professionnelle. Dans certains cas de figure, la complémentarité sur un bassin de santé est forte et peut conduire à l’exercice au sein de l’hôpital de praticiens libéraux (possibilité étendue par un décret de 2011) et la reprise d’activité d’une clinique par l’hôpital en cas de retrait de la première. Se dessine ainsi une composition de l’offre de soins fondée sur des équipes, plutôt que sur des établissements. Il est possible que l’on aille progressivement vers une sorte d’hybridation des secteurs public et privé : avec des médecins libéraux à l’hôpital, des médecins salariés en clinique, des plateaux techniques partagés, des contributions partagées à la formation des jeunes médecins. D’ores et déjà, la politique hospitalière est poussée à dépasser les catégories statutaires. L’unification progressive du cadre réglementaire applicable aux établissements de santé y contribue9. Au fond, la vraie question est celle de l’accès de tout patient à des soins de qualité ; ce qui concentre l’attention sur deux choses : l’accessibilité et la qualité.
 

PLACE PUBLIQUE > Justement, que sait-on de l’accessibilité et de la qualité des soins délivrés par les cliniques privées ?

NATHALIE DESTAIS >
S’agissant de l’accessibilité, la question de la sélection sociale des patients par les cliniques a sans doute été exagérée en termes polémiques mais son examen mérite d’être poursuivi et approfondi. Une étude de la Cnam réalisée en 2008 apporte quelques éclairages à cet égard mais ne clôt pas le sujet. Surtout, il nous manque une vision du coût total pour le patient d’une séquence complète de soins, dépassements d’honoraires compris ; ce coût pourrait être comparé à celui supporté par un patient reçu à l’hôpital public et au coût pour l’assurance maladie. S’agissant de la qualité des soins, beaucoup reste à faire pour la promouvoir et pour la mesurer. À la notion de qualité s’ajoute celle de pertinence des soins dont l’évaluation est également indispensable pour fonder la contribution des établissements de santé publics et privés sur une idée de « service rendu ».
 

PLACE PUBLIQUE > Comment faire progresser la complémentarité entre public et privé pour assurer l’accès de tout patient à des soins de qualité ?

NATHALIE DESTAIS >
La relation public-privé mêle, comme je l’ai dit, complémentarité et émulation ; la première vise l’utilisation la plus rationnelle possible des ressources collectives du système de santé ; la seconde sert l’innovation et la qualité de prise en charge du patient. Les cliniques ont par exemple joué un rôle clé dans le développement de la chirurgie ambulatoire, même si l’hôpital public est en train de rapidement rattraper son retard dans ce domaine (il reprend ainsi des parts de marché aux cliniques en chirurgie depuis deux ans). Il faut reconnaître au passage que la tarification à l’activité a aussi suscité des remises en question et des adaptations importantes à l’hôpital. À l’inverse, ce dernier insiste, et il a raison, sur sa mission sociale d’accueil de tout patient ; celle-ci doit aussi être un aiguillon pour le secteur privé. La complémentarité n’est pas simple. Nombreux sont les échecs des coopérations public-privé instaurées au milieu des années 2000. Le temps des coopérations alibi aboutissant finalement à superposer des surcapacités est révolu. Les coopérations supposent désormais une analyse rigoureuse des flux de patients et des modes de prise en charge, une conception partagée de l’organisation humaine et matérielle des soins qui en découle, un partage transparent des coûts de fonctionnement, et bien souvent un rôle de catalyseur de la part de l’Agence régionale de santé. Du côté des cliniques, des progrès sont nécessaires, en termes de transparence financière, d’une part, de maîtrise des dépassements d’honoraires, d’autre part. Dans l’une des cliniques visitées par la mission (une clinique indépendante), les médecins anesthésistes, exerçant en secteur I et II, redistribuent entre eux les honoraires perçus ; c’est un exemple intéressant d’autorégulation qui concilie une organisation libérale avec des préoccupations d’équité vis-à-vis des patients et des médecins.