Longtemps massivement investi par l’automobile, le Mail renoue aujourd’hui, après une longue phase de travaux, avec sa fonction récréative qui l’avait originellement caractérisée. Construit à la fin du 17e siècle, il est, en effet, à ce moment, conçu comme une promenade, alors extra-muros, pour les milieux aristocratiques et bourgeois. Planté d’arbres, il trace une voie rectiligne, parallèle à la Vilaine, qui ouvre la cité vers l’Ouest. C’est justement la proximité de la Vilaine, qui rend cette zone potentiellement inondable, qui explique, par la suite, les difficultés de la ville à s’étendre dans cette direction tandis que les populations aisées de Rennes vont migrer vers sa partie orientale.
Plus de deux siècles après, au début du 20e siècle, le Mail a conservé cette fonction de large promenade dans modifié. C’est ce que nous montre cette carte postale, éditée par la maison nantaise Vassellier en phototypie, principal mode d’impression pour ce type d’image à dimension industrielle. La prise de vue met en valeur une vaste perspective menant au centre de la ville avec laquelle le Mail communique directement depuis le percement de la muraille urbaine à la fin du 18e siècle. On distingue tout au bout la croix de la Mission, érigée en février 1817, sous la Restauration, à la suite d’une cérémonie ponctuant une période d’activité missionnaire.
De part et d’autre du Mail, une série d’habitations parfois agrémentées de commerces, à l’instar d’un magasin de confection, au premier plan à gauche, révèle un environnement populaire qui contraste avec les immeubles bourgeois situés derrière la croix de la Mission. Lieu récréatif, le Mail est aussi à cette époque un lieu de circulation, tronçon de la route Paris-Brest. Outre les charrettes et carrioles que l’on distingue ici et là, notamment sur la voie de gauche, on note surtout la présence de rails de chemin de fer. Depuis l’extrême fin du 19e siècle, le Mail est devenu un lieu privilégié du premier réseau des Tramways à vapeur d’Ille-et-Vilaine (TIV), compagnie de chemin de fer secondaire, à voie étroite. La prise de vue ne permet pas néanmoins de distinguer la gare du Mail, cachée par les arbres, à droite de la croix de la Mission. Malgré tout, le Mail a conservé à cette époque sa vocation de promenade comme l’indiquent quelques rares bancs publics et les personnages du premier plan. Deux femmes s’y promènent, en effet, avec des enfants. La première, habillée de manière bourgeoise, tient à la main un enfant très jeune, chaudement vêtu en cette journée d’hiver qu’atteste l’absence de feuillage des deux longues rangées d’arbres qui dessinent la promenade. La seconde, qu’on ne distingue guère, se penche vers le berceau qu’elle est en train de pousser. On peut penser qu’il s’agit là d’une gouvernante ou d’une domestique comme on en retrouve très souvent alors dans les familles bourgeoises. Leur présence semble à l’évidence intriguer voire amuser les enfants qui, visiblement, rentrent de l’école, portant livre et sacoche. On ne sait si leur attitude doit à l’accoutrement du jeune enfant ou s’il est le fruit d’une distance sociale qui se donne soudain à voir dans l’univers de la promenade.