PLACE PUBLIQUE > Rennes et Nantes se parlent et se rapprochent. Pourquoi un colloque maintenant ?
DANIEL DELAVEAU > Parce que le contexte est favorable.Un travail discret et plutôt technique a été mené depuis plusieurs années entre Nantes et Rennes à travers la Conférence des grandes villes de l’Ouest et l’Espace métropolitain Loire-Bretagne. Des dossiers importants ont été explorés, des échanges ont eu lieu, des espaces de travail ont été dessinés. Alors que Rennes met en œuvre son projet urbain, affirme ses fonctions métropolitaines, il s’agit maintenant d’aller plus vite et plus loin. Le comité pour la réforme des collectivités locales que présidait Édouard Balladur l’a suggéré puisque sa « proposition n° 8 » affirme que « pour doter notre pays d’agglomérations d’une force suffisante, il est proposé de créer, par la loi, avant 2014, un premier groupe de métropoles » où figurent Nantes et Rennes. Nos projets de coopération vont dans ce sens et donneront plus de poids à nos deux villes. Le fait urbain et le fait métropolitain sont des données fondamentales qu’il faut renforcer.
Que peut attendre Rennes d’un renforcement des coopérations ?
Rennes poursuit un double objectif : renforcer la proximité, accroître le rayonnement. La proximité c’est la vie quotidienne, les services à la population. Le rayonnement, c’est l’affirmation des fonctions d’une grande ville, d’une métropole. Là-dessus, je n’éprouve aucun complexe à l’égard de Nantes. Rennes a une ambition forte, une volonté à la fois d’assumer sa fonction de capitale régionale et de renforcer ses relations avec Nantes. Et ce n’est pas contradictoire. L’axe régional, c’est Rennes et Brest et les villes moyennes de Bretagne. Mais on voit bien que le peu de distance qui sépare Rennes de Nantes impose des échanges particuliers. Les deux axes, Rennes-Brest et Rennes-Nantes se renforcent mutuellement.
Concrètement ?
Je pars de ce que vivent mes concitoyens. Les aires urbaines de Rennes et Nantes sont près de se rejoindre. Cela entraîne des phénomènes qu’il ne faut pas négliger. Ce qui était un signal faible devient plus visible. Il est plus fréquent que, dans un couple, l’un travaille à Rennes et l’autre à Nantes. Les entreprises ont leur siège et des agences dans l’une ou l’autre des agglomérations. Bientôt tout cela formera un seul bassin d’emploi d’un million deux cent mille habitants. Deux métropoles, une seule région urbaine : cela interroge forcément les élus dans leur fonction d’aménageurs. Mieux gérer, accompagner, donner du sens, offrir des perspectives, le tout avec une vision stratégique. Voilà notre but.
Quels doivent être les sujets prioritaires de cette nouvelle étape ?
L’avenir se jouera sur la connaissance, sur la capacité d’innovation que nous apportent l’enseignement supérieur et la recherche. La société de demain sera une société de la connaissance ; l’économie de demain sera une économie de la connaissance. C’est le premier sujet, le sujet majeur. Dans ce domaine, il nous faudra donc favoriser toutes les coopérations. Je pense notamment au Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de l’Université européenne de Bretagne qui réunit les quatre universités bretonnes et cinq écoles d’ingénieurs. Cela représente 79 000 étudiants, 3 600 enseignants-chercheurs et 500 thèses soutenues chaque année. Je pense aussi aux pôles de compétitivité où nos métropoles se complètent bien.
D’autres pistes ?
La culture est aussi un élément d’attractivité très puissant. Les deux villes sont très complémentaires. Nantes s’est fait une réputation dans l’événementiel. Rennes possède des équipements de première grandeur avec le Théâtre national de Bretagne, les Champs Libres et maintenant le Garage, pour la danse. Et je n’oublie pas que nos opéras de Nantes-Angers et de Rennes travaillent ensemble depuis trois ans.
Vous avez aussi évoqué les grandes infrastructures. Rennes-Nantes en une demi-heure, c’est un peu de la science-fiction…
Il y aura sans doute des étapes. Mais tout grand projet a besoin d’être fortement voulu. Il a fallu trente ans pour construire la rocade de Rennes et autant pour celle de Nantes. Il n’est pas saugrenu d’imaginer qu’en 2039, une ligne à grande vitesse relie les deux villes en trente minutes avec arrêt à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Récemment, Jean-Marc Ayrault a parlé de relier Nantes par Poitiers au sud-ouest et au sud-est de la France. Nous sommes favorables à cette idée. C’est le sens de notre adhésion à l’association Altro.
Un colloque s’est tenu en mai 2008 sur les relations entre Rennes et Saint-Malo. Que vont-elles devenir ?
Elles vont aussi s’approfondir. Regardons les cartes : l’évolution va dans le sens d’un axe Saint-Malo-Rennes-Nantes-Saint-Nazaire. Saint-Malo, c’est l’ouverture de Rennes vers le nord de la Bretagne et vers l’Angleterre. La technopole Rennes-Atalante y est déjà présente. Nous avons à travailler ensemble notamment dans les domaines de la mer et des fonctions portuaires comme dans le tourisme et les congrès.
Il faudra bien piloter les projets de coopération avec Nantes. Quelle gouvernance commune imaginez-vous ?AU > Je souhaite un outil souple au service d’une stratégie. Peut-être une conférence des présidents, un comité de pilotage… Nous avons déjà commencé. Par exemple une cinquantaine de personnes, des élus et des techniciens de Rennes et de Nantes, se sont réunies le 23 avril, un mois après le forum Libération pendant lequel j’avais rencontré Jean-Marc Ayrault. C’est sûr, n tre colloque d’octobre ne sera pas un coup. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Nous voulons tous travailler dans la durée.
Les autres villes de Bretagne ne risquent-elles pas de voir d’un mauvais œil cette alliance des deux capitales régionales ?
Je ne le pense pas. Je suis allé rencontrer les maires de Brest et de Lorient. Je suis prêt à rendre visite à ceux de Quimper, de Vannes et de Saint-Brieuc pour leur dire qu’ils n’ont rien à craindre du développe- ment rennais, que Rennes entend jouer sans complexe son rôle de capitale régionale solidaire de sa région et des villes qui y ont tissé un réseau riche et dense. Pour construire notre première ligne de métro nous avons fait appel à 500 entreprises dont la moitié était bretonne. Le temps que nous allons gagner pour faire Rennes-Paris en TGV profitera aussi aux Brestois. Quand Rennes investit, c’est au service de la Bretagne.