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Dossier
#01
RÉSUMÉ > Pour le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, en période de crise, une nouvelle relation avec Rennes devient une ardente obligation. Aucune des deux villes n’a vu son université retenue dans le plan Campus de l’État. D’où la nécessité de placer l’enseignement supérieur au cœur de la collaboration entre les deux villes

PLACE PUBLIQUE > Comment expliquer les nouvelles relations qui semblent  devoir s’instaurer entre Rennes et Nantes ? À l’élection de Daniel Delaveau ?

JEAN-MARC AYRAULT > Cela joue évidemment un rôle. Avant les élections municipales, Daniel Delaveau était venu me voir. Il avait manifesté un désir très fort de collaboration avec Nantes. Pendant la campagne électorale, nous avons témoigné publiquement  de notre volonté commune de travailler ensemble sur l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation, l’accessibilité… Mais derrière la question des hommes, il y a des raisons plus profondes. L’histoire s’accélère, la crise redistribue les cartes. À une époque où l’État n’a plus de politique d’aménagement, nous devons prendre en main nous-mêmes la défense de nos territoires. Si nous ne nous armons pas nos industries peuvent très vite devenir obsolètes. D’où la nécessité de réfléchir à de nouvelles collaborations avec Rennes.

 

PLACE PUBLIQUE > Il est donc inexact de prétendre, comme on l’entend ici ou là, que c’est Rennes qui est la demandeuse ?

JEAN-MARC AYRAULT > Il ne faut pas raisonner comme ça ! C’est vrai que Nantes  pèse dans l’Ouest et qu’elle a la chance  de former désormais un vrai tandem avec SaintNazaire.  Mais il y a des domaines  où c’est Rennes  qui est en avance. Récemment, j’interrogeais les chercheurs du Centre hospitalier universitaire : tous m’ont répondu qu’il leur semblait tout bonnement impensable de ne pas travailler étroitement avec Rennes.  Je le répète : l’époque veut qu’on accélère  le mouvement. D’autant qu’il s’est passé quelque chose de grave depuis les municipales : aucune université de l’Ouest n’a été retenue dans le plan Campus de l’État. Je sais bien que depuis on nous a qualifié de « campus prometteur », mais ce lot de consolation est dérisoire. Ce traumatisme ne peut qu’accélérer notre volonté de rapprochement et notre intention de placer l’enseignement supérieur  au cœur  de cette démarche.

 

PLACE PUBLIQUE > Était-ce une erreur de concevoir le Pres, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur,  avec Angers et Le Mans ? N’aurait-il pas été plus judicieux de s’associer avec Rennes ?

JEAN-MARC AYRAULT > Ah… Enfin,  ce Pres, c’est mieux que rien ; il a le mérite d’exister. Maintenant, soyons pragmatiques, partons de la réalité et voyons ce que souhaitent les chercheurs. En tout cas, les universités sont en train de bouger. Elles comprennent qu’on ne peut pas vivre sur nos acquis et elles approuvent qu’on ait mis l’enseignement supérieur et la recherche au programme du colloque du mois d’octobre.

 

PLACE PUBLIQUE > Et que pensent les autres collectivités de ce rapprochement entre les deux villes ?

JEAN-MARC AYRAULT > Elles l’approuvent. Les présidents des deux Régions, des deux conseils généraux, des deux conseils économiques et sociaux régionaux devraient d’ailleurs participer au colloque. Vous savez, ce colloque n’est pas destiné à rester un événement sans lendemain : il va jouer, je l’espère, une fonction d’entraînement, permettre de vérifier qu’il existe dans chacune des deux villes une volonté de travailler ensemble qui ne se limite pas à un cercle étroit de décideurs.

 

PLACE PUBLIQUE > Que  se passera-t-il au lendemain du colloque ?

JEAN-MARC AYRAULT > Eh bien nous avons mis en place quatre groupes de travail qui vont approfondir les sujets sur lesquels nous entendons avancer : l’enseignement supérieur, le tourisme et l’événementiel professionnel, la culture et l’attractivité. Par exemple,  nous aimerions  que Rennes nous rejoigne au sein du réseau Eurocités.

 

PLACE PUBLIQUE > Qu’il existe des complémentarités entre Rennes et Nantes, c’est une évidence. Mais il existe aussi une concurrence. À trop vouloir insister sur le premier aspect, ne risque-t-on pas de se bercer d’illusions ? Voyez l’émoi du président de la Région Bretagne quand Nantes a récemment obtenu  la direction  interrégionale des Affaires maritimes…

JEAN-MARC AYRAULT > Je ne suis pas sûr que ce soit un bon exemple. Nantes est tout de même un port ! Et nous venons de perdre toutes nos unités militaires, ce qui n’est pas le cas de Rennes. Mais c’est vrai, il ne faut pas nier la concurrence entre les villes et il ne sert à rien d’en avoir peur.

 

PLACE PUBLIQUE > Lors d’une conférence métropolitaine, il y a deux ans et demi, l’urbaniste François  Ascher, récemment disparu, demandait, à propos des relations entre Nantes et Rennes, de quoi chaque  agglomération pouvait accepter de se passer et d’emprunter à l’autre…

JEAN-MARC AYRAULT > C’est une bonne manière  de poser la question. C’est là en effet que se trouve le noyau dur de la difficulté. Mais je n’ai pas la réponse. C’est notre travail en commun qui peut permettre de l’approcher. En tout cas, il ne faut pas qu’une ville écrase l’autre. Nous devrons être à la recherche perpétuelle de compromis. Et puis la vie fera son œuvre : si demain les deux villes sont rattachées par une liaison ferroviaire en 35 minutes, alors se dessinera une réalité urbaine très différente de ce que nous connaissons aujourd’hui.

 

PLACE PUBLIQUE > Le comité Balladur envisage de reconnaître à un certain nombre  de villes un statut de métropoles qui leur conférerait un statut, des moyens et des responsabilités nouveaux. Rennes figure pour l’instant dans cette liste, mais ce ne sera peut-être plus le cas dans quelques mois. Quelles incidences cela pourrait-il avoir sur le rapprochement Nantes/Rennes ?

JEAN-MARC AYRAULT > Ce  ne serait pas forcément  un drame.  Il faudrait en tout cas prendre  la chose comme sans importance.