de Rennes »
PLACE PUBLIQUE : Quelle est la réalité de la pratique du gallo à Rennes ?
Bèrtran Ôbrée : Une étude a été menée en 2006 auprès de jeunes Rennais nés à Rennes : 4 jeunes sur 10 ont affirmé avoir une compétence en gallo. Dans une autre enquête qui date de 2004, on a demandé à des personnes qui habitent Rennes depuis au moins 10 ans, dans quels quartiers on parle le gallo, selon eux : presque tous les quartiers sont cités, sauf le centre-ville. C’est ce que les chercheurs ont appelé « le contre-espace du gallo ». Là où l’on n’est pas censé parler gallo, c’est l’espace de référence pour le français. Curieusement, le centre, c’est aussi l’espace de référence pour le breton. Ce qui montre que le breton a acquis un meilleur statut social que le gallo, largement. Mais les gens reconnaissent que le gallo fait partie de Rennes.
Que pensez-vous de la signalétique bilingue français-breton dans Rennes ?
La situation actuelle a des effets négatifs, à la fois pour la Ville et pour le monde bretonnant. J’entends régulièrement les propos de gens, Rennais d’adoption ou de passage à Rennes : s’ils apprennent que le gallo est la langue du territoire environnant, que c’est une langue qui a été et qui est toujours parlée à Rennes, beaucoup sont étonnés, voire choqués. Ils se sentent dupés. C’est encore plus vrai quand ce sont des gens originaires du coin. Ils ne sont pas forcément gênés par le breton, ils trouvent simplement choquant que le gallo n’apparaisse pas. C’est peut- être un peu fort comme terme, mais c’est un mensonge par omission. Le gallo étant absent, on ne dit pas la réalité telle qu’elle est, et on laisse croire la chose facile : on va en Belgique, on croit qu’on parle belge, en Suisse qu’on parle suisse. En Bretagne, qu’on parle breton. Non ce n’est pas la réalité, on parle aussi gallo en Bretagne.
Que souhaitez-vous pour le gallo à Rennes ?
Nous, ce que l’on demande à la Ville, c’est de remettre à plat toute sa politique linguistique. Réfléchir à la place du breton, du gallo et des autres langues. Et notamment par la signalétique, car cela permet de donner une légitimité à la langue, en la rendant visible. La Ville a une véritable responsabilité vis-à- vis de sa préservation et de sa transmission, un peu comme des villes comme Lorient ou Carhaix qui ont un rôle important à jouer dans la survie du breton. Parce que ce sont des villes. Une ville, c’est un lieu de pouvoir, de richesse, de concentration d’activités économiques : c’est donc forcément un lieu de légitimation de pratique linguistique. Et si une ville comme Rennes n’introduit pas le gallo dans l’ensemble de sa politique, y compris dans sa signalétique, elle ne remplit pas pleinement son rôle.
Mais le gallo, s’écrit-il ?
Le gallo s’écrit déjà au moins depuis le 19e siècle. Aujourd’hui, il y a des gens qui écrivent en gallo, il y a même des dictionnaires. La langue se codifie de plus en plus sur le plan orthographique, donc on ne peut pas dire qu’on ne peut pas l’écrire.
Il faudrait une signalétique bilingue ou trilingue ?
Pour moi, il faudrait une politique de bilinguisme français-gallo, comme on peut le souhaiter pour l’ensemble de la Haute-Bretagne. Après, qu’il y ait un certain niveau de trilinguisme parce qu’effectivement on est dans une ville capitale, par exemple dans la gare de Rennes, qu’il y ait une signalétique quadrilingue français-gallo-breton-anglais, pourquoi pas ? Mais le gallo, il ne peut pas être absent. Ce n’est pas possible que ça continue comme ça. Et c’est d’autant moins possible que désormais, avec la loi NOTRe, il y a une obligation juridique de protection des droits culturels. Dans cette loi, il est dit que « la responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État, dans le respect des droits culturels ». Cela veut dire que les collectivités ont maintenant l’obligation de respecter les droits culturels. Elles doivent protéger, permettre la transmission. Permettre l’utilisation du gallo, c’est une obligation des collectivités en Haute-Bretagne. Et cela, c’est nouveau.