Lendroit est un drôle de lieu. Derrière la gare, dans un pâté du quartier Quineleu voué à démolition, une ancienne pharmacie à l’angle de la rue propose une médecine du regard. On peut y déguster des livres d’artistes et des posters comme en ce moment ceux du photographe Laurent Grivet. Ces affiches on les appelle des BOP comme Big Offset Poster. Mathieu Renard, âme de l’endroit, artiste et ancien de la revue L’œil électrique, explique l’affaire: « Nous sommes à la fois un lieu d’exposition, de production et vente. Il y a dix ans, alors que je connaissais assez bien le milieu de l’édition d’art contemporain, j’avais constaté qu’il n’existait pas de lieu spécialisé pour que les artistes puissent montrer leur travail éditorial ».

     Au départ, Lendroit vendait aussi des livres. Mais a renoncé car pour cette activité Internet suffit. Reste l’édition. Mais, précision: « Nous ne faisons pas de beaux-livres. Nous sommes dans la production d’oeuvre d’artistes sous forme imprimée ». Badges, brochures, posters pliés, flip-books… Lendroit ne fait pas de la bibliophilie, « mais des productions à coût réduit. »
     Cela veut dire des objets vendus entre 2 euros pour les moins chers et 100 euros pour trois des titres de la collection. En huit ans d’existence, la maison a ainsi sorti 60 références. Diffusion: entre 300 et 1 000 exemplaires, surtout via le Net. Un des derniers « best-sellers » est l’affiche « Paris Rangé » d’Armelle Caron (80 euros).
     « Notre ligne éditoriale, explique Mathieu Renard est d’offrir un panorama de l’art d’aujourd’hui, plutôt non figuratif et conceptuel. C’est un travail en commun que nous réalisons avec l’artiste. Nous privilégions l’expérimentation, avec toujours le souci de faire quelque chose qui ne ressemble à rien de déjà vu. »
     Lendroit, association loi de 1901, subventionnée par la Ville, la Région et la Drac, s’est aujourd’hui fait un nom dans l’édition de l’art contemporain. Mathieu Renard est souvent sollicité pour des interventions à l’extérieur. Les propositions de publication ne manquent pas. Pour autant, on ne roule pas sur l’or. « Comment faire vivre des artistes dont 90 % sont au RMI. En ce sens, notre lieu est en lui-même un projet artistique. Nous répondons à notre manière à la question de la commercialisation de l’art. »
     Qu’importe si la personne n’est pas connue, indique l’animateur de Lendroit, « pour nous; c’est l’oeuvre qui compte et le travail que l’on peut accomplir ensemble ». Il y a un souci presque artisanal dans la démarche de Lendroit (2,5 salariés). Tout comme le travail avec l’artiste, l’impression souvent due aux Compagnons du Sagittaire, fait l’objet d’un suivi attentif.

     Désormais référence dans le pays, Lendroit occupe aussi une place de choix dans le réseau local. « Nous coproduisons avec quasiment toute les structures rennaises », se réjouit Mathieu Renard. Carré d’Art, Criée, 40mcube, Frac… Le passage des artistes par la case Lendroit éditions est presque incontournable.
     Seul bémol pour cette structure vraiment originale, « nous souffrons d’un manque de visibilité ». Lendroit aimerait qu’un public plus nombreux pousse la porte de la rue Quineleu pour feuilleter en toute liberté ses d’objets en papier. Il y avait bien le rêve de déménager non loin de là, dans l’espace contemporain de la Brasserie Saint-Hélier. Mais cette histoire-là n’est pas encore écrite.