La première génération d’architectes, née au milieu du 19e siècle, est composée de deux frères, Wilfrid et Eugène, qui ont grandi dans le monde du bâtiment. Fils d’un garde du génie, ils ont aussi un grand-père entrepreneur et un oncle architecte. L’aîné, Wilfrid, est né à Rennes le 4 août 1855 et travaille comme architecte à partir de 1879. Il a trois enfants, dont l’un d’eux se marie avec une des filles de l’architecte vitréen Louis Gauvin.
Sa formation nous est inconnue, mais il est sans doute passé par le cabinet de Jean-Baptiste Martenot. C’est probablement par cet intermédiaire que Wilfrid devient vérificateur des travaux de la ville à partir de 1887. Au début du 20e siècle, il ajoute à cette fonction les titres d’architecte des Bâtiments de l’État et de la Maison centrale. Franc-maçon de la loge la Parfaite Union, Wilfrid est plus connu pour son engagement politique. Conseiller municipal de 1908 à 1925, il collabore à de nombreuses constructions de la ville comme adjoint aux Travaux Publics. À ce titre, il conseille le maire de Rennes sur les questions d’architecture et d’urbanisme, comme pour la couverture de la Vilaine ou la station de désinfection rue de la Cochardière, deux chantiers de 1912.
Après la guerre, il devient le premier président de l’office municipal d’habitation à bon marché (Hbm), constitué en 1920. Il participe alors à l’élaboration du concours du Foyer Rennais.
Cependant, Wilfrid n’est pas réélu aux élections de 1925 et perd l’ensemble de ses fonctions. Il poursuit malgré tout une petite activité professionnelle d’expertises, jusqu’au milieu des années 1930. Il signe alors quelques maisons bourgeoises, mais son oeuvre la plus connue est l’usine d’équipement et d’habillement militaire Collin, établie boulevard de Chézy. Construite en 1884, elle abrite aujourd’hui l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne.
Son frère, Eugène, a une activité architecturale plus intense, oscillant entre maisons bourgeoises, immeubles de rapport et établissements industriels. De trois ans son cadet, il est, lui aussi, formé au cabinet de Martenot. Grâce à cela, il trouve un poste d’employé au service d’architecture de la Ville, qu’il quitte rapidement. Eugène Guillaume est marqué par la formation dispensée chez son maître et réalise des oeuvres marquées par l’éclectisme ambiant. Les magasins Jacquart, érigés place de Bretagne, arborent un décor foisonnant utilisé par l’architecte au tournant du siècle. Il reprend un vocabulaire similaire pour son oeuvre la plus connue, les bureaux de l’Ouest-Eclair rue du Pré Botté. Ces derniers, réalisés entre 1907 et 1912, en collaboration avec son fils René, constituent sans doute son oeuvre phare, couplée avec les beaux bâtiments de l’imprimerie. Il ne reste de ces derniers, édifiés à partir de 1912 rue du Pré-Botté, que la façade abritant l’actuel l’hôtel Mercure, rue Paul-Louis Courier.
D’autre part, Eugène Guillaume bâtit des immeubles de rapport et surtout des maisons destinées à la moyenne bourgeoisie, dont il égrène une cinquantaine de variantes à Rennes. Il trouve avec le commanditaire et entrepreneur Huchet-Ballard de nombreux chantiers : un hôtel particulier 5 place Hoche (1900) et un immeuble 11 rue de Robien (1910) dans un style éclectique. On peut également retenir la maison Jouanin en brique jaune rue Saint-Georges (1912). Eugène affectionne la polychromie par l’emploi de différents matériaux comme le tuffeau ou la brique rouge et blanche. Il utilise ces derniers pour les bains Saint-Georges en 1895, à l’angle des rue des Francbourgeois et Magenta, une de ses premières oeuvres. On retrouve sur ce bâtiment un de ses motifs fétiches, l’arcade aveugle en plein-cintre au dernier niveau.
Si Eugène ajoute en priorité un décor éclectique, il fait parfois une timide incartade vers l’Art nouveau, comme en témoigne l’étonnante marquise de L’Ouest-Éclair rappelant les célèbres entrées de métro parisien d’Hector Guimard. Le décor plaqué de l’immeuble du 4 place Hoche (1904) reprend cet Art nouveau qui fait écho à l’oeuvre de Charles Couäsnon située à deux pas. Eugène déploie une intense activité qu’il partage par la suite avec ses deux fils qui forment une seconde génération davantage marquée par la modernité.
Deux des sept enfants d’Eugène Guillaume vont embrasser la carrière de leur père. René, l’aîné, est passé par l’École des beaux-arts de Paris en 1905 dans l’atelier Paulin. Il a exercé quelque temps à Rennes avant de s’installer dans le Morbihan. Né le 22 août 1885, René Guillaume est diplômé de d’École des beaux-arts de Rennes en 1912. Pendant ses études, il collabore à l’élaboration des bâtiments de L’Ouest-Eclair avec son père, Eugène, de 1912 à 1915. Après la guerre, il s’installe à Lorient où il devient architecte des Monuments Historiques, puis adjoint au maire pendant l’Occupation. Il décède le 10 octobre 1945.
Le second fils d’Eugène, Charles, est né à Rennes le 21 novembre 1891. Au milieu des années 1920, il prend la succession du cabinet de son père, situé au 6 boulevard de la Tour d’Auvergne, après avoir étroitement travaillé avec lui. Les deux hommes ont les mêmes types de clientèles et de commandes. Charles construit essentiellement des maisons bourgeoises et de nombreux immeubles de rapport entre les deux guerres. Plus proche des idées neuves de son époque, il construit une belle maison au 4 rue de la Borderie en 1926. Cette dernière est destinée à Henri Morin, l’oncle de sa femme, Anne Trochu, une parente de l’abbé, fondateur de L’Ouest-Eclair. Cette maison est résolument moderne par le choix du béton armé, ses ondulations de façades formant des bow-windows au premier étage et son toit-terrasse originel.
Au regard de sa production, Charles se spécialise dans la construction d’immeubles de rapport. Dans ce cadre, son oeuvre la plus significative est probablement l’immeuble- îlot construit pour le compte de la Presse Régionale de l’Ouest (L’Ouest-Eclair), rue d’Isly en 1936. Cet ensemble de gabarit imposant et de style moderne a fait débat lors de sa construction. Il se rapproche des édifices parisiens du début des années 1930 et reprend des motifs typiques de cette période comme les bow-windows, les oculi ou les pergolas au sommet, offrant un semblant de jardin aux habitants.
Le fils de Charles a également choisi d’embrasser la carrière d’architecte. Après un passage dans l’atelier de Georges-Robert Lefort à Rennes, il est ensuite formé à l’École des beaux-arts. Diplômé en 1951, il préfère s’installer à Dijon à partir de 1954 où il érige de nombreux logements sociaux, des bâtiments scolaires et des usines.