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Dossier
#07
RÉSUMÉ > Depuis plus de dix ans, le Pays de Rennes, a mis en œuvre une méthode pour faire désirer la ville durable. S’inspirant d’une démarche de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, des communes volontaires ont accompagné leurs projets de Zac de réunions d’élus, de techniciens, de promoteurs, d’ateliers de discussion pour définir dans le détail les aménagements des nouveaux quartiers. Les démarches Addou ont fait école. Originales et exigeantes, elles se sont aujourd’hui banalisées.

     L’Agence d’urbanisme de l’agglomération rennaise (Audiar) travaille de longue date sur des projets urbains « durables ». Il y a plus de dix ans, elle participait au groupe architecture, urbanisme et développement durable, animé par le Conseil local à l’énergie (Clé) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Depuis 1999, des actions de sensibilisation pour les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre, étaient proposées sous forme de débats, de réunions d’informations thématiques et de voyages d’études. Celui qui eut lieu à Hanovre (Allemagne) en 2002 eut un effet démultiplicateur. Après y avoir visité le quartier de Kronsberg, Yolaine Le Cadre, alors maire de Vezin-le-Coquet, sollicita l’aide de l’Audiar pour créer un nouveau quartier durable qui devait à terme doubler la population de sa commune.  
     Un partenariat fut mis en place entre l’Ademe, qui avait dans sa trousse à outils une méthode de travail appelée Approche environnementale de l’urbanisme (AEU), le Clé et l’Audiar. L’équipe a fait le choix d’adapter les AEU aux besoins locaux en y ajoutant, en préalable au projet, une réflexion à laquelle participent les habitants, avec l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire qui allie l’urbanisme et les modes de vie aux préoccupations environnementales. Les démarches Addou étaient nées.

Dès 2001, à Chevaigné et Ercé-près-Liffré

     Appliquée dans les communes volontaires du Pays de Rennes, la démarche Addou a connu depuis le succès, au point d’être utilisée ailleurs. Une architecte, Sophie Laisné, dit ici tout ce qu’elle voit de positif dans la démarche qui en fut à l’origine, la démarche AEU de l’Ademe.
     « Je suis architecte urbaniste à l’Atelier du canal. Cette agence réunit cinq associés, architectes, urbanistes et paysagistes. Elle est installée à Rennes depuis 1982. L’urbanisme représente une part importante de notre activité, entre 30 % et 40 % de notre chiffre d’affaires. Deux des architectes associés ont obtenu en 2006 leur qualification d’urbaniste auprès de l’Office professionnel de qualification des urbanistes. Nous sommes trois urbanistes maintenant, dont l’un est aussi environnementaliste écologue, et deux paysagistes. »
     « Personnellement, j’ai participé en 2001 à deux démarches Addou, mises en place par le Pays de Rennes en déclinaison de la méthode AUE de l’Ademe. C’était à Chevaigné puis à Ercé-près-Liffré. Dans ces deux communes, l’Atelier du canal a mené des missions d’urbaniste de Zac (Zone d’aménagement concerté) ».
     « En 2007, persuadée de l’intérêt de la démarche, j’ai suivi à Paris une formation spéciale dispensée par l’Ademe. Deux des urbanistes salariés de l’agence ont reçu la même formation. Ça a radicalement changé notre pratique de l’urbanisme. Nous avons désormais une nouvelle grille de lecture qui nous fait voir les projets d’urbanisme à travers l’environnement et l’Atelier est devenu un acteur à part entière de cette philosophie. Nous l’appliquons hors du Pays de Rennes où nous avons laissé à l’Audiar le soin de populariser les démarches Addou, la mise en oeuvre d’une démarche AUE étant propre à chaque agence d’urbanisme dans le respect du cahier des charges de l’Ademe ».

L’écologie mais aussi les transports et les relations sociales

     « Le point de départ consiste à se dire que les projets d’urbanisation ont un caractère stratégique pour le développement d’une commune ou d’un quartier. Les aspects environnementaux à long terme doivent y être particulièrement soignés : l’écologie, le paysage, l’énergie, l’eau, le bruit, les déchets, les transports mais aussi les relations sociales entre les habitants. Tous ces sujets doivent être évoqués et traités très tôt. »
     « La conduite des opérations d’aménagement oblige les aménageurs et les collectivités à prendre des décisions concrètes et immédiates en terme d’énergie et d’environnement : choix de l’énergie de desserte, techniques de production de chaleur, conception et traitement des espaces extérieurs et du bâti, réponses aux besoins de mobilité et de déplacement, organisation de la gestion des déchets, et ceci, de la conception à la réalisation du projet. Les interventions liées à la maîtrise de l’énergie, à la réduction des nuisances sonores ou à la qualité de l’air par exemple sont d’autant plus efficaces qu’elles interviennent le plus tôt possible, lorsque les opérations décisives telles que la mise en place d’un réseau de chaleur, l’orientation des parcelles ou le tracé des infrastructures de transports peuvent encore être discutées. »
     « L’Approche environnementale de l’urbanisme doit permettre aux élus de prendre en compte toutes ces questions tout au long de la réalisation de leur projet. Elle assure une animation et une sensibilisation de l’ensemble des acteurs pour créer une culture partagée autour des enjeux environnementaux et de développement durable. Elle inscrit le projet dans une démarche transversale, participative et évolutive. Enfin, elle va plus loin que la réglementation en matière d’environnement et de développement durable. »
     « Il faut procéder par étapes. D’abord analyser les enjeux environnementaux. Puis se donner des objectifs, les décliner point par point et enfin définir les mesures d’accompagnement des étapes ultérieures du projet. Cette démarche demande un investissement de la maîtrise d’ouvrage, notamment des élus. Elle requiert également que l’animateur de la démarche puisse garantir son indépendance par rapport à l’équipe de maîtrise d’oeuvre. »

Du diagnostic au projet en passant par la charte de développement durable

     « Nous avons tenu à marquer fortement les quatre temps de chaque projet :
     – le temps du diagnostic et de la connaissance,
     – le temps des ateliers et du partage des données du développement durable,
     – le temps d’écriture de la charte,
     – le temps du projet en relecture permanente au travers de la grille du développement durable. »
     « Après un diagnostic approfondi, vient le temps des ateliers thématiques, des ateliers de concertation avec les personnes concernées par le projet, élus, associations, fonctionnaires, partenaires socio-économiques, citoyens, auxquels se joignent des représentants de l’agglomération et l’équipe de maîtrise d’oeuvre. La qualité de cette concertation constitue le socle indispensable de la réalisation effective et de l’acceptabilité des projets. Sont mis en place notamment deux à quatre ateliers de sensibilisation sur l’environnement sonore, les choix énergétiques, les déplacements, les déchets, la gestion de l’eau, la biodiversité et le paysage, les formes urbaines, la mixité sociale et des fonctions. Chaque atelier thématique est organisé en trois temps : présentation générale des problématiques permettant d’évaluer leur importance et les responsabilités collectives à des échelles plus globales et planétaires ; analyse, pour chaque problématique, des réalités concrètes du site ; débat sur les actions possibles, les pistes d’intervention, les objectifs généraux applicables au projet du maître d’ouvrage. »
     « Ces objectifs et les principes de mise en oeuvre du projet sont ensuite réunis dans une charte issue des réflexions partagées et hiérarchisées de chaque atelier. C’est un acte majeur dans la démarche, un document de référence qui s’impose à tous. Il constitue ainsi un guide permanent, destiné tout autant à l’équipe de maîtrise d’oeuvre qu’aux habitants et aux promoteurs. Son contenu peut évoluer vers des ambitions plus fortes au fur et à mesure des expériences acquises dans les premières phases du projet. »

     « L’accompagnement opérationnel des élus et de l’équipe de pilotage constitue la seconde phase de la démarche Addou. Il s’agit de traduire concrètement les orientations de la charte dans la définition de l’opération. Ceci passe par la relecture de l’esquisse de projet au moment de l’élaboration du plan masse. Mais cela concerne tout autant l’ensemble des études à réaliser (études préalables, d’impacts, opérationnelles) que l’élaboration des documents réglementaires, des cahiers des charges ou de prescriptions. »
     « Mettons en parallèle deux démarches de projet d’urbanisme illustrées dans les schémas ci-dessous :
     « Dans une démarche classique (à gauche), les étapes, du diagnostic au projet, s’enchaînent de manière linéaire du diagnostic au projet de façon harmonieuse et consensuelle.
     « Dans la démarche AEU® – Addou (à droite), après les phases d’information et de diagnostic, indispensables à une bonne connaissance du contexte, nous marquons un temps d’arrêt pour mettre en place les ateliers thématiques et les ateliers d’élaboration de la charte. Cette séquence « à part », en dehors du temps du projet, nous permet de reprendre le cours des études et de passer à la phase des scénarios (étape 3) en ayant toujours présents à l’esprit les objectifs de la charte qui vont nous servir en quelques sorte de guide, d’aiguillon, de rappel à l’ordre dans la conduite du projet. » «
     L’étape 4 de la démarche permet de définir les mesures d’accompagnement aux étapes suivantes du projet (constructions, aménagement d’espaces publics…) à faire figurer dans les cahiers de prescriptions architecturales, paysagères et environnementales joint au cahier des charges de cession de terrains en phase opérationnelle ».

     « Permettre une gestion aérienne et douce des eaux pluviales par l’intermédiaire de noues enherbées ou d’espaces creux structurants et conviviaux ; accrocher un projet sur une urbanisation existante en y incluant l’économie des sols par une densité compatible et en développant des formes urbaines innovantes, compactes et créatrices de lien social ; assurer la mixité des fonctions par l’intégration de services en pied d’immeubles ; favoriser les meilleures orientations pour bénéficier des apports solaires gratuits et en prenant garde aux ombres portées des bâtiments les uns sur les autres ; favoriser les déplacements doux à l’intérieur d’un quartier ou pour relier un secteur de logements aux commerces, aux équipements, aux transports en commun ; s’appuyer sur la trame verte existante et favoriser la biodiversité en préservant l’ensemble des strates arborées ; prendre en compte la problématique des vents et travailler sur les espaces publics comme des espaces fédérateurs de convivialité et d’échanges… Voilà autant de pistes de travail qui vont faire d’un projet banal un réel projet de développement durable reposant sur les trois piliers que sont le social, l’économique et l’environnemental. »
     « L’AEU représente pour les urbanistes en général, et pour l’Atelier du canal en particulier, une formidable démarche de concertation, démarche participative et pédagogique, qui permet la prise en compte du développement durable très en amont du projet. L’acceptation par un groupe d’habitants, un groupe d’usagers concernés par un projet d’urbanisme de ces données fondamentales que sont l’économie de l’espace, la gestion de l’eau, des déplacements, la prise en compte de l’énergie et de l’ensemble des préoccupations liées à l’environnement permet de manière plus consensuelle et plus pédagogique la compréhension du projet, même si celui-ci reste souvent une question pour les habitants concernés. »
     Aujourd’hui, ces démarches sont plus que jamais d’actualité (récemment encore, la commune de Noyal–Chatillon- sur-Seiche a sollicité le soutien de l’Audiar pour une démarche Addou dans sa Zac des deux Rivières). Elles se sont banalisées. Signe de leur succès, leurs contraintes sont spontanément prises en compte dans de nombreuses communes.