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Dossier
#07
RÉSUMÉ > Depuis huit ans, l’association rennaise Covoiturage + cherche à convaincre entreprises et salariés de la pertinence du covoiturage sur les trajets domiciletravail. Malgré des débuts difficiles, elle enregistrait son millième inscrit en 2004, passait le cap du 4 000e en 2006 et celui du 8 000e en 2009. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui font appel à elle… Loin d’être la méthode la plus sollicitée au départ, Covoiturage+ a prouvé que le covoiturage est bel et bien la solution la plus rapide et la moins onéreuse pour résoudre ces différents problèmes de mobilité.

     Masse salariale, rémunération, production, congés payés, intérim, main-d’œuvre, absentéisme… Autant de casse-tête pour de nombreuses entreprises. Confrontées à un surplus d’activité, la plupart créent des emplois communément appelés « emplois précaires » : contrats à durée déterminée, travail à temps partiel ou en horaires décalés, travail intérimaire, travail de nuit et de week-end...  
     La plupart du temps, les emplois proposés sont pourvus par des personnes n’ayant aucune qualification particulière. Comme l’explique Eric Le Breton, sociologue à l’université de Rennes 2, « les personnes les moins qualifiées doivent être les plus mobiles alors même qu’elles ont les plus faibles moyens de mobilité. 4 % des ménages les plus fortunés n’ont pas de voiture, contre 56 % des ménages les plus modestes ». Et comment se rendre sur son lieu de travail sans voiture et/ou sans pouvoir utiliser les transports en commun faute d’itinéraire et/ou d’horaire ?
     En développant le covoiturage, une entreprise fournit une aide précieuse à ses salariés. C’est en redonnant de la mobilité aux personnes qui en ont besoin que l’entreprise trouvera aisément de la main-d’oeuvre. Avant de créer de l’emploi, il faut créer de la mobilité. Certaines entreprises ont bien compris l’enjeu d’une telle démarche. Sollicités pour créer et développer un réseau de covoiturage, les automobilistes « permanents » travaillant dans l’entreprise permettent aux salariés temporaires d’accéder à un emploi, tout en créant du lien social. Ainsi la main-d’oeuvre est plus réactive, plus disponible et également plus efficace.
     Cette démarche est facilitée par le travail de Covoiturage+. Bien plus qu’une mission de sensibilisation, Covoiturage+ accompagne durablement les entreprises pour mutualiser les offres et les demandes de covoiturage. Pour un moindre coût, un dispositif simple et humain est mis en place, celui de l’entraide et du partage.
     Malheureusement, encore trop souvent aujourd’hui, les automobilistes se déplacent seuls. « D’après l’enquête « ménages » sur les déplacements financée par Rennes Métropole en 2007, le taux d’occupation moyen de chaque voiture est de 1,29 passager (1,02 sur les trajets domicile- travail). Une étude de l’Audiar1 consacrée aux mobilités au sein de l’aire urbaine fait remarquer qu’il suffirait d’un tout petit effort pour obtenir de grands effets : si l’on passait de 1,29 à 1,40 passager, le nombre de déplacements effectués en voiture comme conducteur diminuerait chaque jour de près de 50 000. Avec un taux d’occupation de 1,5 personne par voiture, le gain serait de 85 000 déplacements ».
     L’association Covoiturage+ ne cherche pas pour autant à culpabiliser les automobilistes. En effet, la voiture est un mode de déplacement qui a révolutionné le quotidien et il n’est pas question de revenir au temps des carrioles et des chevaux ! L’objectif est plutôt d’optimiser le nombre de places occupé dans les véhicules. Il faut faire d’un espace vide une place disponible pour quelqu’un qui en a besoin.

     C’est sur ce constat qu’est née l’association en 2002. Forte de l’expérience tirée de l’association Auto Stop Bretagne créée en 1997 et qui s’occupe du covoiturage occasionnel et longue distance, l’idée de développer du covoiturage sur les trajets domicile-travail a grandi. Deux grands axes de travail ont rapidement motivé l’émergence de Covoiturage+ : l’aide à la mobilité et la lutte contre le réchauffement climatique. La méthode de travail mise en place est simple. Lorsqu’une personne sans véhicule ou un organisme d’insertion (PAE, Mission Locale, ANPE) contacte l’association, les premières recherches sont effectuées au sein des adhérents. Plus la base de données s’étoffe et plus nombreuses sont les solutions apportées. Au cours des trois dernières années, Covoiturage+ a apporté une solution de déplacement à un tiers des demandes qui lui ont été adressées.
     Lors des animations en entreprise, les avantages du covoiturage sont expliqués aux salariés. Mais ce n’est pas tout. Il est également précisé que le covoiturage peut permettre à une personne sans voiture de retrouver du travail. Les salariés proposent alors sans hésiter leur véhicule « pour dépanner ». Si aucune solution n’est trouvée dans la base de données de l’association, les entreprises de la zone d’activité concernée sont directement sollicitées. Avec l’accord de la personne ayant des difficultés à se déplacer, Covoiturage+ essaie de savoir si un salarié n’habite pas à proximité de la nouvelle recrue pour l’emmener au travail.
     C’est ainsi que Juliette en mission à PSA a retrouvé espoir : « J’ai pendant longtemps refusé des missions intérim faute de moyens de transport. Les entreprises qui recrutent sont souvent en périphérie de Rennes et les transports en commun sont rarement appropriés aux horaires d’équipe. Le service de Covoiturage+ m’a permis de résoudre ce problème. Depuis, j’ai signé un CDI. Aujourd’hui, j’ai mon permis de conduire et à mon tour, je propose ma voiture pour dépanner les autres. Ce n’est pas vraiment grand-chose et ça rend vraiment service ».
     Espérons qu’à leur tour les auto-solistes comprennent les enjeux de l’utilisation de la voiture covoiturante. Chaque petit, geste compte. N’hésitez plus !

Témoignage : Au début, je n’étais pas partant…

     Je dois reconnaître qu’au début je n’étais pas très investi dans l’idée du covoiturage. J’ai un travail dont les horaires ne sont pas fixes. Je pensais être un mauvais cobaye pour la mise en oeuvre de ce système.
     Malgré tout, j’ai décidé d’essayer lorsque la proposition m’en a été faite. J’ai dû alors changer d’opinion : certes, cela impose de s’organiser un peu, mais même avec un emploi aux horaires contraignants on peut toujours trouver quelques jours pendant lesquels on s’impose d’arriver et de partir à un horaire prédéfini.
     Le mot d’ordre que nous avions avec ma « covoitureuse » était la souplesse, nous prenions notre véhicule à tour de rôle pour éviter toute question de dédommagement et nous nous avertissions de notre disponibilité directement d’une fois à l’autre ou par mail voire par téléphone. Il était également possible d’avertir d’un retour plus tardif ou plus précoce en cours de journée.
     Cela m’a permis de covoiturer au moins une fois par semaine en moyenne pendant l’année. De plus, le trajet devient agréable grâce aux discussions que nous avons entre nous. Malgré un déménagement dans une autre région nous avons gardé contact entre anciens covoitureurs. Je n’ai pas fait le compte précis du gain financier et écologique mais je suis parvenu à diminuer environ en un an l’usage de mon véhicule de 15 %. Je suis disposé à renouveler l’expérience si l’occasion se présente.