Dépourvue d’aérodrome avant l’inauguration de celui de Saint-Jacques-de-la-Lande en juillet 1933, la ville de Rennes n’en participe pas moins à l’exaltation populaire qui marque les premiers pas de l’aviation au début du 20e siècle. À l’initiative du comité des fêtes de la ville et de la Société aérienne de Bretagne sont ainsi organisées sur l’hippodrome des Gayeulles, alors transformé en aérodrome, de grandes fêtes d’aviation lors du dernier week-end de juillet 1910. Durant trois jours, plusieurs aviateurs déjà renommés à l’instar de Roland Garros, de Guillaume Busson ou de Paul de Lesseps viennent montrer au public rennais les exploits que perHippodrome des Gayeulles Les Fêtes d’aviation à Rennes en juillet 1910 mettent alors ces machines volantes qui enflamment les imaginations. Preuve de la popularité de cette nouvelle pratique « sportive », c’est une foule considérable, de plus de 20 000 personnes venues de tout le département, qui assiste le dimanche 31 juillet, point d’orgue de cette manifestation, aux multiples tentatives de ces aventuriers des temps modernes. Les comptes rendus qu’en donne alors la presse soulignent les difficultés majeures que rencontrent les pilotes pour prendre l’air, difficultés qui éprouvent durement la patience des spectateurs. Le vent parfois impétueux empêche en effet les pilotes de décoller sur des avions que leur architecture très fragile rend extrêmement dépendants des conditions météorologiques. Malgré tout, l’impétuosité et le courage des aviateurs permettent au public d’assister à plusieurs vols à l’exemple de celui de Roland Garros qui, sur sa « Demoiselle », un petit monoplan, réussit à s’élever à 100 mètres au-dessus des tribunes pour un vol de près de 3 minutes.
Ce n’est pourtant pas cet appareil que donne à voir cette photographie reproduite en carte postale par l’entreprise rennaise Mary-Rousselière. L’avion ici présent est en effet un biplan, peut-être le Sommer de l’aviateur Paul de Lesseps, qui, le premier jour des fêtes d’aviation, réussit à décoller pour un vol de plusieurs minutes vers le nord de la ville avant d’atterrir en catastrophe dans un champ d’avoine, entre la route de Vern et de Châteaugiron, au prix de légères blessures à la tête.
On distingue bien les différentes parties de l’engin : les deux longues ailes d’une dizaine de mètres d’envergure, les gouvernails de profondeur et de direction, enfin les roues qui constituent le train d’atterrissage encore bien sommaire. On devine que la place laissée au pilote, à l’air libre, reste très réduite ce qui témoigne des exploits accomplis alors. Néanmoins, cette carte postale laisse planer un climat d’étrangeté sur la scène représentée. Sous la grande tribune de l’hippodrome, le public nombreux, où adultes des deux sexes et enfants se pressent sur les balustrades, n’a nullement la tête tournée vers l’appareil qui semble voler de manière irréelle au-dessus de la tribune. Si certains spectateurs, au premier plan, ont le regard tourné vers le photographe, nombre d’entre eux regardent vers le bout de la piste comme s’ils attendaient de voir surgir un peloton de chevaux… Il s’agit sans aucun doute d’un photomontage, pratique alors très usitée pour rendre compte des meetings aériens et immortaliser des moments difficilement saisissables sur le vif, en raison des contraintes techniques de l’époque.