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Histoire & Patrimoine
#24
RÉSUMÉ > La vie des Rennais à travers une photographie d’archive. Tel est l’objet de cette rubrique lancée il y a un an dans Place Publique. Après la mise à sac de Ouest Matin (1956), la fête des Fleurs (1907), le public du Stade Rennais (1963), la visite rennaise du général de Gaulle (1969) voici une autre image du Rennes des années soixante: celle des inondations de 1966.

     Le 26 octobre 1966, après avoir envahi Vitré, Châteaubourg puis Cesson, la Vilaine gonflée par les très fortes précipitations des deux journées précédentes, déborde à Rennes, tard dans la soirée, inondant le secteur proche du Vélodrome et débordant jusqu’à l’avenue Aristide-Briand. De nombreux riverains sont alors réveillés en sursaut par les voitures de la protection civile qui les invitent à prendre des mesures immédiates pour faire face à la montée des eaux.
     Le lendemain matin, l’ampleur de l’inondation se perçoit avec intensité dans la capitale bretonne qui connaît alors la plus grande crue de son histoire, dépassant les épisodes historiques de 1936 et de 1881. Les dégâts sont considérables, preuve de la soudaineté des événements que le Service d’annonce des crues, créé en 1883, n’a pas anticipée à sa juste mesure. La partie est de la ville, où passe la Vilaine avant d’être canalisée, est très largement inondée. Près de 2 500 sinistrés sont recensés tandis que de nombreux entrepôts sont noyés, des entreprises hors d’état de fonctionner et le réseau téléphonique gravement atteint. On circule alors en barque dans de nombreuses rues de Rennes à l’instar du préfet de région Alexandre Stirn venu contempler les conséquences de cette crue brutale. Au centre de la ville, le long de la partie canalisée du fleuve, les sous-sols des habitations sont pour la plupart submergés et les badauds s’attroupent pour regarder l’eau bouillonner à la hauteur des tabliers des ponts.
     Loin de cette stupeur qui saisit alors la ville, la photographie prise le jour même de l’apogée de la crue, sur un côté de l’avenue Aristide-Briand, nous dévoile un paysage urbain qui pour être envahi totalement par les eaux n’en dégage pas moins une certaine quiétude. L’ampleur de l’inondation se perçoit bien dans ce paysage quasi lacustre, ordonné par une longue perspective, éclairé par les pâles rayons d’un soleil d’automne, où l’eau a envahi l’intégralité de la chaussée et reflète tranquillement arbres et bâtiments. Spectacle inhabituel qu’observe avec stupéfaction les riverains penchés sur les balcons des immeubles limitrophes qui semblent alors posés sur l’eau. En contrebas, on remarque de nombreux véhicules qui n’ayant pu être dégagés à temps gisent au milieu des eaux.
     Trois d’entre eux notamment, situés à la hauteur de la rue Barbès, à proximité d’une compagnie d’assurance, peinent à émerger des flots, témoignant de la hauteur de la crue. Dans ce paysage urbain inhabituel, sous les frondaisons des arbres, un motocycliste fend l’eau sur une partie de la chaussée légèrement surélevée qu’une longue bande d’herbe délimite. Imperturbable et stoïque, du moins en apparence, il accentue par sa présence l’impression d’irréalité de cette scène ô combien éloignée de l’agitation inquiète qui traverse alors la ville.