PLACE PUBLIQUE > Qui êtes vous et de quoi êtes-vous fait, Pierre d’Ornellas ?
PIERRE D’ORNELLAS > Pour les Bretons, je suis la preuve vivante que Dieu existe, car j’ai vécu heureux 53 ans sans avoir mis les pieds en Bretagne! (Rires). Plus sérieusement, ce qui m’a construit, de façon réelle, c’est la figure de mon père, dont la droiture me paraît remarquable. J’aime cette phrase du grand mystique et poète espagnol Saint Jean de la Croix: « la seule qualité du juste, c’est sa droiture ». Ici, il ne parle pas de foi, mais de droiture.
PLACE PUBLIQUE > Comment définissez-vous ce terme?
PIERRE D’ORNELLAS > Cela signifie qu’on ne triche pas avec sa conscience: on a des responsabilités, on les assume, et avec modestie. Je me souviens enfant, des soucis qu’avait mon père, cadre supérieur : il se dépensait pour que ce dont il était chargé marche le mieux possible. Je me souviens en particulier quand il a été confronté à la décision de fermeture d’une usine, ce qui a finalement été réalisé sans heurts particuliers. Cet engagement m’a marqué, tout comme le fait que je n’ai jamais connu ma mère en bonne santé. Du coup, c’était naturel pour moi, ma soeur et mes frères de rendre service à la maison. Mais je n’ai jamais entendu ma mère se plaindre, je l’ai plutôt vue attentive aux autres, et c’est encore le cas. Cela m’impressionne.
PLACE PUBLIQUE > Et Dieu dans tout cela?
PIERRE D’ORNELLAS > J’ai grandi dans une famille chrétienne pratiquante, mais je n’ai pas le souvenir de voir mon père pratiquer car je descendais chaque dimanche à la cathédrale de Dijon, en étant à la Maîtrise. Bien plus tard, j’ai appris de ma mère sa fidélité exemplaire à la messe dominicale, mais à la maison on n’en parlait jamais. Un jour, j’étais déjà prêtre, mon père m’a dit au détour d’une phrase: « tu sais, Dieu, ce n’est pas si évident que cela ». Je me souviens de mes parents rentrant de voyage avec un gros paquet. Spontanément, je les aide! J’avais 13 ans. Mais mon père m’interdit d’y toucher. Il l’ouvre, et je découvre un magnifique Christ en fer forgé, sans doute portugais, car notre famille est originaire de ce pays. Il l’a installé dans l’entrée de la maison. Sur l’instant, je n’ai pas posé de questions. Il y a deux ans seulement, j’ai interrogé mes parents sur ce geste. Ils ont répondu: « Tu sais, nous sommes chrétiens, c’est une évidence ». Sans plus.
PLACE PUBLIQUE > Votre engagement s’est aussi nourri de rencontres…
PIERRE D’ORNELLAS > Oui, j’ai été profondément marqué par la rencontre avec les personnes handicapées. Alors que je suis étudiant en école d’ingénieur, à Lille, je souhaite me rendre utile. Avec deux camarades, nous proposons nos services à une assistante sociale: elle nous donne trois adresses de familles qui ont un enfant handicapé mental et nous dit d’y aller « pour créer de l’amitié ». Me voilà rendu dans une famille qui a une fille autiste, avec des crises d’angoisse et de violence extrêmes. Cela a été pour moi la découverte, non pas d’un monde, mais de la réalité de la personne humaine. J’ai vécu des moments très forts et magnifiques.
PLACE PUBLIQUE > Vous en avez gardé un souvenir particulier ?
PIERRE D’ORNELLAS > Un jour, ses parents me la confient pour le week-end, et me conseillent d’aller à Trosly, près de Compiègne. Je ne connaissais pas ce lieu, où se trouve l’Arche de Jean Vanier, une communauté qui accueille les personnes handicapées mentales. De ce jour est née une amitié avec cet homme exceptionnel. En 2007, le Saint-Siège, à ma grande surprise, m’a nommé évêque référent de l’Arche, au niveau international. Pour moi, c’est une école de vie! Je me souviens d’un colloque organisé en 1983 à l’Université de Fribourg. J’avais invité Jean Vanier à parler, et je devais le présenter. Plusieurs dominicains forts érudits étaient là. J’ai alors dit : « ici, j’ai de grands maîtres, mais j’ai d’autres maîtres dans ma vie, ce sont les personnes handicapées mentales, qui m’ont beaucoup plus instruit ». Je ne renie pas cette phrase.
PLACE PUBLIQUE > Est-ce que cette orientation explique votre engagement sur les questions de bioéthique au sein de l’Église catholique?
PIERRE D’ORNELLAS > Non, c’est autre chose: les évêques de France ont choisi de travailler ces questions. Ils m’ont élu pour piloter ce groupe de travail. J’avais enseigné pendant quinze ans la morale fondamentale, j’ai donc plutôt réfléchi autour de la liberté et de la conscience. Mais tout de suite, je me suis mis au travail, j’ai découvert le monde passionnant de l’éthique dans les sciences biomédicales.
PLACE PUBLIQUE > Vous avez rappelé à l’instant votre formation d’ingénieur : dans quel domaine avez-vous étudié?
PIERRE D’ORNELLAS > Dans les machines thermiques, à l’École des Hautes Études Industrielles, à Lille. Avec un camarade, j’ai même déposé un brevet sur un moteur de voitures, qui permettait de réduire de 30 % la consommation de carburant grâce à l’adjonction d’eau. Et ça marchait! Je suis toujours fasciné par les moteurs, c’est une invention géniale!
PLACE PUBLIQUE > C’est à cette période que vous avez souhaité devenir prêtre?
PIERRE D’ORNELLAS > Oui, pendant mes études. J’ai même failli arrêter dès la première année, mais mon père m’a convaincu de poursuivre, à juste titre. Après mon diplôme, à 23 ans, j’ai rejoint la communauté Notre Dame-de-Vie à Venasque, dans le Vaucluse. Ce furent deux années extraordinaires de prière. Le fondateur de cette communauté était fasciné par l’athéisme et la relation spirituelle de l’être humain à Dieu. J’y ai découvert Thérèse de Lisieux, qui n’est pas une petite sainte geignarde, mais une grande figure de l’humanité. Croyante, elle a fait l’expérience de l’athéisme! Et d’ailleurs, elle commence à écrire en 1896, l’année où les oeuvres de Nietzsche sont traduites en France. Il peut exister un dialogue fécond, mais rude, sur les questions essentielles, entre l’Évangile et le Gai savoir de Nietzsche, par exemple.
PLACE PUBLIQUE > Sainte Thérèse est donc une figure marquante pour vous, et vous avez d’ailleurs ouvert une maison Sainte Thérèse de Lisieux à Bruxelles au début des années 90, pour accueillir des séminaristes. Mais auparavant, vous avez côtoyé une personnalité importante, Mgr Lustiger, cardinal de Paris. Que retenez-vous de lui?
PIERRE D’ORNELLAS > J’ai été son secrétaire particulier de 1986 à 1991. Je suis arrivé à son côté au moment de la terrible affaire du carmel d’Auschwitz, qui fut une crise grave dans le dialogue interreligieux. J’ai accompagné le cardinal Lustiger à la seconde réunion de médiation à Genève, et j’y ai vu comme un condensé inouï de l’histoire européenne et de son drame. J’ai mesuré à cette époque l’amitié qui unissait ce cardinal, d’origine juive, au pape Jean-Paul II, qui avait été l’évêque du territoire polonais où se trouve Auschwitz. J’ai alors compris le lien intrinsèque entre le christianisme et le judaïsme, une « amitié spéciale » entre chrétiens et juifs. Être antisémite, pour moi, c’est être anti-chrétien!
PLACE PUBLIQUE > Il a pourtant existé un antisémitisme séculaire de la part de l’Église catholique!
PIERRE D’ORNELLAS > Il y eut l’élaboration d’une théologie de la substitution: là où les juifs ont raté, les chrétiens vont réussir ! Et puis aussi cette prière, considérant que les juifs étaient « déicides ». Mais le concile Vatican 2 a rappelé que ce ne sont pas les juifs qui sont déicides, mais tous les hommes. Voilà la vérité! Les juifs et les chrétiens ont les mêmes Écritures, pour une bonne part. Lorsque je prie les psaumes, je me dis que c’est la même prière que celle de mes frères de la Synagogue. Pour moi, c’est essentiel pour la paix.
PLACE PUBLIQUE > Dans une société qui se déchristianise, la terminologie propre aux catholiques est-elle toujours audible? « Seigneur », « Royaume » sont des expressions bien peu républicaines et démocratiques !
PIERRE D’ORNELLAS > Là, vous me provoquez! Il y a une recherche à mener pour que le langage de la société et la manière d’exprimer l’Évangile se rejoignent dans le dialogue. Par exemple, je perçois la prise de conscience que nous sommes tous vulnérables. La vulnérabilité psychique, avec les suicides dans les entreprises, ou celui des jeunes notamment ici en Bretagne, commence à faire débat. J’ai dit un jour dans une assemblée internationale que « Jésus est tout petit », et un de mes amis non chrétien m’a répondu: « Alors si c’est çà, çà change tout! ». J’ai senti que je disais quelque chose du « dogme » sur Jésus qui rejoignait une préoccupation très contemporaine sur la vulnérabilité. Assumer sa fragilité, c’est la vraie liberté. La fragilité n’est pas une faiblesse! Cet effort de l’Église sur son langage est capital, pour qu’elle puisse parler au monde. C’est tout l’enjeu de Vatican 2.
PLACE PUBLIQUE > Est-ce que l’élection du nouveau pape François, dont le style se veut plus simple, va dans ce sens-là?
PIERRE D’ORNELLAS > Je le pense, même si ce n’est pas encore très visible. Mais prenez les propos de Jean-Paul II sur le travail extraordinaire de la raison que doivent faire les chrétiens. Son encyclique sur Foi et raison, c’est comme une petite paire de claques aux catholiques ! Qu’ils engagent davantage leur raison pour que leur foi entre en dialogue avec la raison contemporaine? Le discours de Benoit XVI au Collège des Bernardins à Paris5, qui était de haute volée, va dans ce sens. Il évoquait le moine, qui relie en lui la lettre de l’Ecriture Sainte et les « belles lettres » que produisent les hommes. Le moine en tire un chant pour louer Dieu. Et qui écrit de « be les lettres »? Les coeurs pauvres, pas forcément les gens savants. Je viens de vivre une rencontre forte à Lourdes, avec 12 000 personnes, dont des blessés de la vie. L’Église doit entendre ces pauvres de la société contemporaine, qui s’affrontent à la vie et cherchent Dieu, humblement.
PLACE PUBLIQUE > Pensez-vous que pour y parvenir, l’Église doive dépouiller son rituel ?
PIERRE D’ORNELLAS > L’être humain est fait pour le beau, et il n’est pas faux de dire que la beauté sauvera le monde. La célébration liturgique doit être belle, à l’image de la sobriété des moines. Ce n’est pas une beauté décorative, mais celle qui dégage une harmonie sincère, là où la ruse n’a pas sa place. Ce n’est pas parce qu’il y aura plus ou moins d’encens que ce sera plus ou moins beau. Dans tous les cas, lorsque c’est superficiel, ce n’est pas beau. Quand nous avons transformé le stade rennais en immense vitrail pour les célébrations de la Pentecôte en 2012, je crois que c’était beau… L’acte artistique, c’est un don qui permet, à partir de la matière, de donner à voir du beau.
PLACE PUBLIQUE > Quelle a été votre réaction à la pièce controversée de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, qui a été jouée à Rennes fin 2011?
PIERRE D’ORNELLAS > Je ne l’ai pas vue, mais j’avais demandé le script au directeur du TNB, François Le Pilhouer. J’y ai vu un homme qui s’adresse au Christ face à la souffrance de son père, et lui demande « et toi, tu fais quoi ? ». Il s’approche de la figure du Christ, au fond de la scène, si bien que son oreille arrive à la hauteur de la bouche à demi-ouverte du Christ. J’ai incité un étudiant, plutôt « anti », à voir la pièce plutôt que de manifester dans la rue. En discutant ensuite avec d’autres, qui trouvaient des correspondances intéressantes entre la pièce et des passages de la Bible, notamment la révolte de Job ou du « serviteur souffrant » d’Isaïe, cet étudiant a compris qu’il n’avait pas les ressources culturelles chrétiennes suffisantes pour prendre la mesure de la véritable interrogation posée par la pièce. Pour moi, cette pièce n’est pas une provocation, je comprends que des gens se révoltent contre Dieu.
PLACE PUBLIQUE > Quel regard portez-vous sur le christianisme en Bretagne?
PIERRE D’ORNELLAS > Une chose m’a frappé à mon arrivée à Rennes en 2006: le tissu breton est irrigué par les valeurs du christianisme. Cela se voit par rapport à la mort, et aux réseaux de solidarité. Il y a une force de l’âme bretonne. Le christianisme donne une douceur à cette force, qui se déploie non pas en violence, mais en solidarité et en foi.
PLACE PUBLIQUE > Dans un récent ouvrage, Le mystère français, Hervé Le Bras et Emmanuel Todd évoquent la notion de « catholicisme zombie », moins visible mais bien présent, pour expliquer certaines caractéristiques politiques de la Bretagne: plus modérée, plus européenne. Qu’en pensez-vous ?
PIERRE D’ORNELLAS > Je vais les lire! Pour moi, il y a deux figures symboliques considérables en Bretagne: Sainte Jeanne Jugan, qui a fondé les Petites Soeurs des Pauvres, symboet Jean-Marie de Lammenais, le grand éducateur, fondateur de l’Institut des Frères de l’instruction chrétienne de Ploërmel. D’ailleurs à Ploërmel, on voit l’oeuvre scientifique d’un frère: ici encore, foi et raison coexistent. Un autre duo est aussi parlant : c’est Félicité de Lamennais, le frère de Jean-Marie, et Chateaubriand. Le romantisme du second et la recherche du premier sur la liberté de conscience, ouvrent sur un vrai dialogue. D’ailleurs, si Jean-Marie de Lamennais est béatifié, ce que je souhaite, il faudra réhabiliter la pensée de Félicité, qui a en partie inspiré le catholicisme social. Ces quatre figures, parmi d’autres, caractérisent la Bretagne6.
PLACE PUBLIQUE > Que pensez-vous des manifestations de piété populaire encore présentes en Bretagne, comme les pardons et les pèlerinages ?
PIERRE D’ORNELLAS > Là, on touche à une question fondamentale: l’expression de la religion dans l’espace d’une société. Je ne dis pas espace public à dessein, car ce mot est piégé. Aucune société au monde n’existe sans expression de la religion aux yeux de tous. Vouloir la confiner dans une expression privée, c’est une erreur sur la société elle-même. La structure même de la religion c’est de rassembler, c’est l’étymologie du mot ecclesia. Ce n’est pas de l’ostentation ni du corporatisme, mais la conscience individuelle a toujours été liée à l’appartenance à une famille.
PLACE PUBLIQUE > Voilà qui nous amène à l’actualité du mariage pour tous. Vous aviez appelé à manifester contre le projet de loi…
PIERRE D’ORNELLAS > Non, j’ai appelé au débat, et à se manifester auprès des parlementaires, ce qui n’est pas la même chose ! J’ai lu les rapports parlementaires. Je constate que le débat n’a pas eu lieu: deux logiques se sont exprimées. Premièrement: Le mariage, la filiation, qu’estce que c’est? Deuxièmement: « la protection juridique de deux personnes qui s’aiment ». Face à cette affirmation, on n’a pas répondu aux questions essentielles. Par exemple, la question du psychisme de l’enfant a été posée. Sans réponse ! Je crains qu’il y ait une faute politique d’appréciation. J’ai participé de près aux débats sur la bioéthique, qui traitaient aussi de questions sensibles. Pourquoi se sont-ils déroulés de façon paisible? Parce que le débat a été organisé pour tous. La politique, c’est l’art de sentir en vérité ce que le peuple vit. Hélas, nous avons assisté ces derniers mois à un dialogue de sourds. J’ai d’ailleurs publié un texte en février dernier intitulé « Raison, où es-tu? » dans lequel je rappelle que « l’Église catholique sera toujours du côté de la raison humaine, du dialogue et du débat sereins pour que soit comprise et dite la nature du mariage et de la filiation, dans le respect de toute personne, en particulier de celles qui souffrent ».
PLACE PUBLIQUE > Justement, comment l’Église peut-elle se faire entendre?
PIERRE D’ORNELLAS > De plus en plus, nous devons être les hérauts de la beauté et de la grandeur de l’altérité sexuelle, du mariage et de la famille. Je sens qu’il faut redécouvrir la signification de l’altérité sexuelle. Est-ce qu’avoir un corps a une signification? Cette altérité est tout à fait unique car elle place chacun face au mystère de l’autre, inconnu: elle oblige à recevoir l’autre dans sa différence, non à le prendre. Si le débat était allé jusque-là, peut-être aurait-on pu avancer. De même, la question de la filiation: quelle est l’histoire de celui qui entre dans la scène du monde? Quel est le rapport entre la chair et l’esprit, ce que les psychiatres appellent le psychisme? Pourquoi lorsque quelqu’un est en difficulté, son premier réflexe est d’appeler « Maman »? Est-ce un stéréotype qu’il faut déconstruire? Ou bien est-ce que cela a une signification? Ce sont toutes ces questions, et d’autres, qu’il faut aborder.
PLACE PUBLIQUE > Pour terminer, revenons à Rennes. Vous vous êtes récemment exprimé sur le réaménagement de la place Sainte-Anne, appelant à un dialogue entre le futur centre des congrès du couvent des jacobins et la basilique Saint-Aubin. Que voulez-vous dire?
PIERRE D’ORNELLAS > Il y a un lien intrinsèque entre ces deux lieux. Il est historique: le Couvent (14e siècle) est construit à côté de la paroisse Saint Aubin (12e siècle) et sur l’emplacement de la ville romaine. Et il est symbolique: l’icône de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, qui était dans le couvent, a été transférée à Saint Aubin. Je rêve que la place Sainte-Anne soit un lieu de plusieurs cultures – elle me fait penser à la Place des trois cultures à Mexico –, avec des traces de la ville romaine, de l’époque médiévale et du néogothique de la fin du 19e siècle. Ce qui me semble important, c’est que dans ces trois cultures se profile le dialogue entre ce que la raison humaine peut exprimer dans un Centre des congrès, et ce que la foi chrétienne peut dire, à hauteur de raison, dans l’église Saint-Aubin.
PLACE PUBLIQUE > Quelles formes cela peut-il prendre?
PIERRE D’ORNELLAS > À Notre-Dame de Paris, j’ai suscité des expressions culturelles en accord avec la vocation du lieu, et les artistes y venaient spontanément, et gratuitement ! Qu’il y ait des initiatives dans cette grande nef de Saint-Aubin, pourquoi pas ? Elles pourraient se faire en partenariat avec la Ville. Encore faut-il que nous soyons au courant de la programmation du Centre des congrès, non pas pour intervenir, mais pour participer, en « bonne intelligence », selon la belle formule rennaise!
PLACE PUBLIQUE > Avez-vous le sentiment d’être écouté sur ce point ?
PIERRE D’ORNELLAS > Des intellectuels et des architectes m’ont encouragé. Du coup, je l’ai proposé très clairement à Monsieur Delaveau avec qui j’ai visité les fouilles du Couvent des Jacobins. J’ai conscience que cette proposition arrive en amont du projet, mais je crois beaucoup à l’architecture, et sans doute est-il urgent de travailler à l’échelle de la place Sainte-Anne, pour que le Centre des congrès et l’église soient reliés de façon belle et astucieuse. Je suis en train de constituer une équipe motivée.
PLACE PUBLIQUE > Une nouvelle église va sortir de terre dans le quartier de la Morinais à Saint-Jacques-de-la Lande. C’est un événement plutôt rare de nos jours. Où en est ce projet ?
PIERRE D’ORNELLAS > Le permis de construire a été déposé, avec un peu de retard sur le calendrier initial. L’idée, c’est : à ville nouvelle, église nouvelle. Nous sommes dans une architecture très déterminée, et il fallait trouver un architecte qui accepte de s’y couler. Cela a séduit le portugais Alvaro Siza, réputé pour ses bâtiments immaculés, très sobres. Je suis fier de ce projet ! Pour l’anecdote, lorsque je suis allé le voir à Porto, je suis tombé sur la rue d’Ornellas, à deux pas de son agence ! Plus sérieusement, ce sera une très belle réalisation: l’église, très simple et pure, sera le signe que « Dieu est Lumière ». Si elle pouvait être consacrée pour Noël 2014, ce serait un beau symbole!
PLACE PUBLIQUE > Serez-vous encore à la tête du diocèse à cette date?
PIERRE D’ORNELLAS > J’ai encore quinze ans devant moi! Je viens d’avoir soixante ans et un évêque remet sa démission à soixante-quinze ans. C’est le pape qui me nomme. Une fois que j’ai accepté d’être évêque, je suis d’une disponibilité totale. Ici ou ailleurs. Mais je suis vraiment très heureux d’essayer de faire découvrir la beauté et la joie de l’Evangile aux habitants de cette région, de la Métropole rennaise comme du monde rural. Il y a un enjeu de l’agriculture en Bretagne. Il est si beau de nourrir l’humanité! Je connais les souffrances des agriculteurs, mais la société devrait prendre conscience de la noblesse de leur métier. À Rennes, c’est différent, c’est la ville des technologies avancées. Il faudrait d’ailleurs que ces deux mondes dialoguent davantage.