PLACE PUBLIQUE> Quels sont les objectifs de l’association Jardin (ou) Verts?
LAURENT PETREMANT > Partant du constat que nous détruisons ce que nous connaissons mal, l’association sensibilise au respect de l’environnement, à l’échelle de proximité qu’est le voisinage. Elle souhaite favoriser le développement d’une nature au plus proche des habitants et lancer une dynamique sociale avec « des jardiniers-relais ». Ces derniers dans les îlots résidentiels contribuent au « vivre ensemble » avec leurs voisins au travers d’actions communes. Citons le partage d’un broyeur, les rencontres « parlons jardins entre voisins », le partage de la biodiversité entre voisins et l’accueil de l’abeille au jardin. Dans les îlots collectifs, ces jardiniers-relais contribuent au « vivre ensemble » par les jardins échangés et les jardins partagés, en pied d’immeuble par exemple
PLACE PUBLIQUE > Vous évoquez les jardins partagés et les jardins échangés, quelle distinction faites-vous entre les deux?
LAURENT PETREMANT > Le jardin partagé est une parcelle, publique ou privée, cultivée par plusieurs personnes par subdivisions ou de façon commune, selon l’entente entre les jardiniers. Une idée anglo-saxonne qui a le vent en poupe, reprise à Rennes par l’association Vert le jardin 35 et relayée par notre association. Pour créer une dynamique, il nous faudrait un animateur chargé d’informer et d’accompagner les habitants intéressés. Le jardin échangé est un projet lancé par l’association nazairienne Lien Elemen Terre qui m’a épaulé sur Rennes. L’idée est de créer un réseau entre des personnes qui disposent d’un jardin et ne peuvent pas s’en occuper, faute de temps ou par incapacité physique, et des personnes désireuses de jardiner. Il s’agit pour nous de rapprocher le demandeur de l’offrant, dans une démarche de proximité de voisinage, afin de créer du lien, mais aussi de limiter la consommation énergétique. Pour le moment, il y a plus de demandeurs que d’offrants. Depuis novembre 2011, nous avons constitué quatre binômes. Par exemple, une habitante expliquant ne pas avoir la main verte a confié son terrain à un jeune couple recherchant un potager.
PLACE PUBLIQUE > Quel est le principe du jardin échangé?
LAURENT PETREMANT > Le personne cultive la terre dans le respect de ce que l’offrant accepte: surface, type de production… Il s’agit principalement d’un potager cultivé de façon naturelle, sans apport de produits phytosanitaires ni engrais de synthèse. Un jardin cultivé dans le respect de la biodiversité, avec des arrosages limités. La personne qui cultive, achète généralement ses plants, mais cela peut aussi être un achat commun. Le partage de la production se fait, en bonne intelligence, selon les besoins de chacun. Ce principe favorise l’échange de connaissances. Des liens se créent et bien souvent, les offrants ne veulent accueillir qu’une seule et même personne.
PLACE PUBLIQUE > Pour votre association, le jardin peut devenir un élément clef de la biodiversité?
LAURENT PETREMANT > L’idée est de contribuer à offrir un meilleur équilibre entre prédateurs, en diversifiant la faune et la flore. Dans un jardin, on peut diversifier les milieux, même à petite échelle, de types terrasse, pelouse, potager, prairie fleurie, sous-bois, zone humide… Si cet équilibre est possible, il y a cependant un bémol: l’écosystème urbain est déstructuré et simplifié de par les ruptures qui existent dans la ville; les voiries et les bâtis empêchent les continuités.
PLACE PUBLIQUE > Que préconisez-vous pour favoriser un partage du jardin avec la microfaune?
LAURENT PETREMANT > En partageant la biodiversité entre voisins, on peut contribuer à la création d’un maillage de corridors biologiques qui favorise le déplacement des espèces. Notre volonté est d’améliorer l’écosystème en limitant le fractionnement de l’espace, facteur d’érosion de la biodiversité. Par exemple, les jardins sont souvent des parcelles closes et certaines espèces ont besoin de connexion au sol. Je pense aux hérissons qui mangent les limaces. Il est possible de créer des points de pénétration sous les clôtures. Connecter les parcelles privées des jardins entre elles, mais aussi les îlots de jardins avec l’espace public, aide cette microfaune à migrer pour trouver les réserves de nourriture nécessaires. On peut participer à l’opération de végétalisation des fonds de trottoir sur le domaine public, soutenue par le Service des Jardins de la Ville de Rennes. On peut créer des refuges à biodiversité et aménager son jardin, voir son habitat, pour accueillir les oiseaux, les papillons, les abeilles solitaires et même les chauves-souris. À notre échelle, nous pouvons constituer des corridors biologiques dans la ville, et de la ville vers la campagne.
PLACE PUBLIQUE > Quel est l’intérêt de partager la biodiversité en milieu citadin?
LAURENT PETREMANT > Tout l’intérêt est de contribuer à l’équilibre des écosystèmes. Plus on augmente les surfaces vertes plus les phénomènes de photosynthèse peuvent abaisser, de quelques degrés, la température d’une ville. Partager la biodiversité développe l’observation de la nature, permet de comprendre ses cycles et de les respecter. C’est une prise de conscience de la richesse du milieu naturel. Pourquoi ne pas cultiver des plantes sauvages savoureuses, par exemple? Par la biodiversité, on augmente les surfaces perméables. Limiter le grignotage des sols fertiles évite la rupture d’une parcelle à l’autre et assure la continuité des sols, ce qu’on nomme aujourd’hui la trame brune. La richesse du sol favorise la richesse de la diversité. Avec les toits végétalisés, les toits apicoles, c’est la notion de trame verte en pointillés qu’on installe. Par ailleurs, les espaces inoccupés que sont les greniers, les clochers… peuvent devenir des refuges pour les prédateurs. Citons les faucons crécerelles chasseurs de pigeons et d’étourneaux. Un département disparaît dans l’urbanisation, tous les quatre ans, plus on cherchera à équilibrer l’écosystème en ville, mieux on contribuera à l’équilibre global.