<
>
Contributions
#07
Notre société rejette massivement ses jeunes générations
RÉSUMÉ > Le texte présenté ci-dessous est la conclusion du livre de Patricia Loncle intitulé « Politiques de jeunesse, les défis majeures de l’intégration », publié aux Presses universitaires de Rennes en 2010. Cet ouvrage propose une analyse des principales caractéristiques des politiques de jeunesse en Europe aujourd’hui et une mise en perspective de ces actions avec les enjeux d’intégration sociale et politique auxquels les jeunes doivent faire face. Il repose sur des matériaux divers : des résultats de recherche comparatifs sur différents pays européens et sur différents territoires français. Parmi ces territoires, Rennes, le département d’Ille-et-Vilaine et la Bretagne ont été souvent examinés.

     La jeunesse peut être considérée comme une catégorie d’intervention publique symbolique, ce qui constitue tout à la fois la force et la faiblesse de ce domaine. En effet, la dimension positive tient au fait que cette population bénéficie d’une attention particulière de la part des acteurs publics qui n’hésitent pas à se mobiliser en sa faveur. L’aspect négatif réside dans le fait que les actions ne sont que rarement fondées sur des comportements réels et objectivables des jeunes (notamment en matière de délinquance et de santé) mais plutôt sur la volonté de légitimer les décideurs eux-mêmes qui recherchent, dans l’action auprès de cette population, des rapports métonymiques de dynamisme et d’enthousiasme ou bien des sources d’indignation ou de ressentiment. Cette caractéristique apparaît d’autant plus fâcheuse que les politiques de jeunesse sont un domaine peu construit de l’action publique (mal sectorisé et reposant sur des groupes professionnels peu organisés).  

     Pourtant, la jeunesse fait l’objet, depuis une décennie, de mises à l’agenda plus systématiques qui touchent progressivement l’ensemble des niveaux de décision. Qu’il s’agisse des territoires traditionnels d’intervention, comme les communes ou les départements, des territoires plus récents comme les régions ou les territoires de projet ou bien encore de l’Europe, on peut mentionner des mobilisations rhétoriques sans précédent.
     Là encore, cet aspect comporte des bénéfices. On peut de facto se réjouir, en évoquant les enjeux importants qui affectent la jeunesse, que cette population fasse l’objet d’une telle attention. Pourtant, ce processus soulève aussi des problèmes : en effet, cette multiplication des mises à l’agenda rend les politiques de jeunesse peu lisibles, polyphoniques. Aucune intercession n’est pensée, les ressources accordées restent maigres, on a plus souvent affaire à un habillage de politiques préexistantes qu’à une refonte et une systématisation de l’action publique.

     Cette situation devient largement préoccupante lorsque l’on considère, d’une part, les valeurs qui sous-tendent aujourd’hui la formulation des problèmes publics relatifs à la jeunesse et, d’autre part, les spécificités de leurs mises en oeuvre. De fait, les politiques de jeunesse subissent des inflexions majeures du point de vue de la formulation des problèmes publics : les jeunes sont plus systématiquement envisagés comme devant être insérés, réprimés et soignés. Cela apparaît d’autant plus problématique qu’aucun lien ne peut être réellement établi entre les contenus de l’intervention et les comportements réels des jeunes.
     Cette évolution se double de spécificités de mise en oeuvre qui renforcent l’inquiétude : les politiques de jeunesse apparaissent essentiellement contractuelles (et, par conséquent, portées par de nombreux acteurs aux objectifs pas toujours concordants, voire franchement contradictoires, et sans résolution de la question de leur leadership) ; elles sont portées par des professionnels qui n’ont jamais été très organisés mais qui apparaissent plus que jamais en butte à la mauvaise définition de leurs cadres d’intervention ; enfin, elles sont soumises – souvent plus que d’autres politiques du fait de leur caractère optionnel – à des inégalités de mise en oeuvre qui les font dépendre largement des configurations locales d’acteurs dans lesquelles elles trouvent place.
     Ces constats sont encore renforcés lorsque l’on examine les réponses apportées dans le domaine de la participation des jeunes en vue de renforcer leur intégration politique. On peut souligner à quel point les expériences développées concernent essentiellement les jeunes déjà politisés, prennent des formes très convenues et supposent des degrés d’implication plutôt superficiels. Ces caractéristiques apparaissent d’autant plus embarrassantes que l’examen d’études de cas européennes et françaises montre que les expériences les plus ambitieuses se développent là où les traditions d’intervention en faveur de la jeunesse sont les moins ancrées et les plus modestes. Enfin, la confrontation des discours et attitudes des élus et des jeunes les uns vis-à-vis des autres a quelque chose de navrant lorsque l’on considère les incompréhensions qui se dégagent ainsi que les difficultés de mise en dialogue qui semblent insurmontables et ce, même dans un territoire caractérisé avant tout par la bonne volonté des acteurs et par le foisonnement des initiatives.
    Plus largement, les expériences dans l’ensemble des pays se révèlent largement incapables de s’appuyer sur les productions culturelles des jeunes et de faire de ces derniers des acteurs véritablement impliqués dans leurs communautés d’appartenance. On assiste ainsi à une sorte de gâchis ou, à tout le moins, à une déperdition importante dans ces processus.

     La triple mise en évidence opérée ici apparaît essentielle pour mesurer le décalage (…) entre les défis d’intégration sociale et politique de la jeunesse et les réponses publiques apportées à cette population : (…) alors que (…) les jeunes souffrent d’un défaut d’accompagnement structurel vers l’âge adulte, la plupart des réponses apportées aussi bien du point de vue de leur diagnostic que de leur contenu supposent de la méfiance (la répression, la lutte contre les comportements à risque, les multiples procédures de contrôle pour ouvrir le droit aux dispositifs), du repli (faible envergure et parcimonie des financements), des inégalités d’accès (dans les mises en oeuvre territoriales), des tentatives formelles de résolution des problèmes (les expériences de participation locale).
     Il ne semble pas que les actions publiques développées en direction des jeunes soient en mesure de répondre aux défis soulevés par les questions d’intégration sociale et politique. Un certain nombre de politiques sont certes déployées pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes mais on a vu que ces politiques restent peu efficaces et peinent à atteindre leur cible principale : les jeunes sans qualification. Plus largement, les actions qui pourraient renforcer l’intégration sociale des jeunes apparaissent timides et se déplacent vers plus de répression et de soin. De plus, les actions visant à soutenir l’intégration politique des jeunes apparaissent déconnectées des autres politiques publiques et très peu susceptibles d’intégrer les jeunes les plus éloignés du monde politique. Dans les différentes sphères d’intervention publique, on peut souligner des difficultés généralisées des décideurs pour toucher les jeunes peu qualifiés ou éloignés de la prise en charge publique.

     Au-delà de la mise en évidence de ces problèmes, l’analyse de ces déplacements révèle la nature des projets collectifs contemporains des acteurs publics à l’égard des jeunes dans un contexte de recomposition et de repli des États-providence. Ce faisant, elle permet de saisir la place aujourd’hui accordée aux jeunes dans la société, le type de soutien qui leur est concédé et, plus largement les inflexions que cela entraîne dans notre modèle de protection sociale. Un jeune qui ne bénéficie plus du principe de protection sociale globale mais d’une aide fragmentée et partielle en matière de santé ou d’insertion professionnelle connaît un sort assurément plus incertain et des risques sociaux d’une ampleur nouvelle. Quel avenir peut-on imaginer à ce type d’évolution ? Comment peut-on encore garantir l’appartenance des individus des jeunes générations aux communautés locales et nationales s’ils ne bénéficient plus ni des principes de solidarité, ni de garanties sur la protection de leur citoyenneté sociale et politique ?
     Face à ces constats, quels sont les éléments structurels qui pourraient permettre d’influer sur les enjeux d’intégration sociale et politique des jeunes ? L’équipe de recherche européenne dans laquelle je suis investie, et en particulier Andreas Walther, a tenté d’amorcer des réponses.
     [Patricia Loncle décrit ensuite la grille d’analyse des « hard and soft policies ». Les politiques « douces » en faveur de la jeunesse sont fondées sur les besoins individuels et visent la réalisation personnelle. Les politiques « dures » sont fondées sur les fonctions sociales. Elles visent notamment à fournir des allocations pour faciliter l’insertion professionnelle et à améliorer l’employabilité.]

     Selon nous, l’un des problèmes réside dans le fait que les soft policies sont sans doute les politiques les plus participatives et les plus à même de résoudre le fossé existant entre les décideurs et les jeunes (à condition de considérer ces derniers sérieusement comme des acteurs potentiels du système de décision, condition dont on a vu qu’elle n’était pas encore franchement acquise). Pourtant ce n’est pas, loin s’en faut, à travers les soft policies que les enjeux les plus importants d’intégration sociale et politique peuvent être résolus : en effet, elles sont la plupart du temps déléguées au secteur du youth work – porté très largement par des bénévoles dans de nombreux pays européens – et mises en oeuvre au niveau local.
     Il faudrait peut-être, pour résoudre le décalage entre les jeunes et les décideurs, que les hard policies puissent incorporer les caractéristiques des soft policies (participation et empowerment, tout en conservant des capacités de financement importantes, ce qui est rarement le cas). Cela nécessiterait également une décentralisation des compétences : d’une part, pour permettre aux jeunes de participer de manière adéquate – on a vu que de nombreuses critiques pèsent sur les formes centralisées de participation – et, d’autre part, pour permettre aux collectivités locales d’être en responsabilité de l’ensemble du continuum des politiques de jeunesse. Cependant, si ce mouvement est bien amorcé pour la France, il est confronté aux difficultés déjà évoquées d’intercession, d’harmonisation des objectifs et d’inégalités de mise en oeuvre.

     La situation française apparaît en effet singulièrement défavorable aux jeunes tant du point de vue du fonctionnement institutionnel que du fait de la perception que se font les jeunes de leur place dans la société française. Sur ce sujet, nous nous trouvons dans une situation similaire à celle décrite par Serge Paugam à propos de la perception de la pauvreté et où la France semble singulièrement désavantagée par rapport à un certain nombre d’autres pays européens :
     « Le recours accru à l’assistance qui caractérise ce dernier [le type de pauvreté disqualifiante] s’explique par trois facteurs principaux : un niveau élevé de développement économique associé à une forte dégradation du marché de l’emploi ; une plus grande fragilité des liens sociaux, en particulier dans le domaine de la sociabilité familiale et des réseaux d’aide privée ; un État-providence qui assure au plus grand nombre un niveau de protection avancé, mais dont les modes d’intervention se révèlent en grande partie inadaptés. Ce processus conduit à une diversification accrue des pauvres, puisque ces derniers sont nombreux, issus de catégories sociales diverses, à faire l’expérience de la précarité et du chômage qui les refoule, peu à peu, dans la sphère de l’inactivité et de la dépendance où ils sont assimilés à d’autres pauvres ayant connu des trajectoires différentes. » (Les formes élémentaires de la pauvreté, p. 176-177).
     Les jeunes français se trouvent en effet placés dans une situation où ils se perçoivent comme « disqualifiés » :
     D’une part, la France ne bénéficie pas d’un secteur de politique de jeunesse fort comme un certain nombre de pays européens relevant des régimes d’État-providence universalistes ou de certains pays relevant des régimes d’État-providence centré sur l’emploi (l’Autriche ou le Luxembourg). À ce titre, la France connaît des interventions publiques faiblement sectorisées et dispersées entre de nombreux ministères. Cet éclatement est renforcé par les inégalités de traitement territorial (…).

Des professionnels souvent paternalistes

     D’autre part, les interventions sont construites de longue date mais elles sont dominées par des valeurs (répression, santé, insertion, contractualisation) qui sont peu propices à un travail en interaction avec les jeunes. Ce dernier point est renforcé par le fait que la France, comparée à d’autres pays comme l’Angleterre, la Belgique ou l’Allemagne où les intervenants sont essentiellement bénévoles, dispose d’un grand nombre de professionnels de la jeunesse qui restent souvent dans une relation paternaliste avec les jeunes et/ou qui sont de plus en plus souvent des soignants. Ces professionnels, eux aussi, peuvent rencontrer des difficultés à promouvoir l’empowerment des jeunes dans la mesure où ils se considèrent comme leurs porte-parole et se sentent dépossédés lorsqu’ils ne jouent plus un rôle d’intermédiaire.
     Enfin, la crise actuelle des financements publics se ressent fortement dans le domaine de l’intervention publique en direction des jeunes : celle-ci vient affecter largement les politiques d’envergure d’accès à l’emploi, de formation, d’éducation. De ce fait, ces politiques subissent des restrictions budgétaires importantes à tous les niveaux de la mise en oeuvre mais touchent de plein fouet les jeunes les plus en difficulté qui coûtent le plus cher et qui sont les plus longs à accompagner. Or, cette crise n’est pas compensée par des conceptions fortes d’appartenance à la communauté et de solidarité interindividuelle comme dans les pays à régime d’État-providence libéraux ou sous protecteurs. Par conséquent, une frange non négligeable de la jeunesse risque de se trouver à l’écart de la prise en charge publique et isolée de leur communauté d’appartenance.

     Le risque que nous mentionnons d’un point de vue institutionnel est aggravé par une désillusion importante des jeunes Français qui se traduit sous plusieurs formes : des jeunes issus de l’immigration qui se sentent trahis ; des jeunes, en général, plus pessimistes à l’égard de leur avenir, moins enclins à avoir confiance ou à favoriser la solidarité intergénérationnelle.
     S’agissant des jeunes issus de l’immigration, un certain nombre de voix commencent à se faire entendre pour dénoncer les évolutions répressives : l’ouvrage de Sadri Khiari en fait partie qui souligne, avec une certaine verve et non sans provocation, les sous-entendus du traitement médiatique des jeunes, sa fausseté, ses raccourcis et son paternalisme sous-jacent. L’auteur cite ainsi l’Appel des indigènes signé le 24 janvier 2005 par un collectif de responsables associatifs et ayant eu un retentissement très important auprès des jeunes issus de l’immigration :
     « Discriminés à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation. Indépendamment de leurs origines effectives, les populations des “quartiers” sont “ indigénisées”, reléguées aux marges de la société. Les “ banlieues” sont dites “ zones de non-droit” que la République est appelée à “reconquérir”…» (Pour une politique de la racaille, pp. 9-10). Laurent Mucchielli dévoile Le scandale des tournantes (2005) et remet en cause « les nouveaux habits de la xénophobie » qui s’appliquent au traitement de ces phénomènes. Eric Marlière relaie les jeunes des cités et s’exclame La France nous a lâchés ! Il prévient aussi :
     « L’expérience de l’injustice» chez les «jeunes des cités » semble, au regard des enquêtes menées dans les «quartiers», atteindre aujourd’hui son point culminant. Les émeutes ne sont que la partie visible de l’iceberg ; les sentiments d’injustice, d’abandon, d’absence d’avenir et la perception cynique des institutions sont omniprésents au quotidien. » (La France nous a lâchés, p. 23).
     Il nous semble que ce sentiment de rejet indéniable chez les jeunes des banlieues est présent à différents égards auprès de l’ensemble des jeunes français.
     À propos des manifestations anti-CPE de 2006, François Dubet prévenait déjà qu’à son sens le « mouvement anti-CPE est la réplique, dans les classes moyennes, de celui des “banlieues” » . Au-delà des difficultés d’insertion professionnelle déjà évoquées, les causes du désarroi des jeunes étudiants sont sans doute à rechercher dans les conséquences de ce que Cécile Van de Velde nomme « les rails de la jeunesse française » (2008, p. 216). Selon l’auteure :
     « Le modèle républicain français s’est construit sur la centralité de l’école et la croyance en la «méritocratie scolaire» comme juste pourvoyeuse d’égalité des chances. (…) Le rapport au temps s’inscrit dans une logique d’urgence, où les choix apparaissent irréversibles, et les perspectives d’avenir déterminées par le niveau du premier emploi. Il en résulte une sensibilité particulièrement aiguë des jeunes aux questions de «précarité» et d’insertion. Plus qu’ailleurs, l’âge adulte y est codé comme l’âge de la stabilité définitive, d’abord négativement connotée, puis recherchée au fur et à mesure que la pression de l’âge se renforce. » (Devenir adulte, pp. 216 et 217).
     Nous pensons d’ailleurs que c’est dans ce phénomène qu’il faut rechercher la faveur accordée à la profession plutôt qu’à l’éducation chez les jeunes français par rapport aux autres jeunes européens. Il semblerait que pour les jeunes Français l’éducation n’arrive en second que si elle a fait la preuve qu’elle pouvait garantir l’accès à la profession.

     Le graphique ci-dessus met notamment en évidence le fait que le classement des trois éléments identitaires les plus importants pour les jeunes Français diffère de la moyenne des jeunes Européens. Alors que ces derniers répondent dans l’ordre : la famille, les amis et l’éducation, les jeunes Français répondent : la famille, les amis et la profession. L’éducation n’arrive, quant à elle, qu’en 5e rang dernière la situation de famille.
     Il est sans doute également possible de rechercher dans ces parcours difficiles, le sentiment de mal-être qui touche les jeunes étudiants.
     Pour finir, nous souhaitons insister sur le caractère assez préoccupant de ce que révèlent les tableaux et graphiques suivants :
     Pour chacune des questions posées (tableau 1), le positionnement des jeunes Français apparaît largement préoccupant : ils sont tout à fait pessimistes face à leur avenir, ils déclarent avoir peu confiance dans les institutions de leur pays et estiment qu’ils n’ont pas à payer pour les retraites de leurs aînés. Ces positions ne sont probablement pas à rechercher dans une situation économique et sociale plus dramatique que celle des pays voisins mais, sans doute, plutôt dans le fonctionnement interne à notre société. François de Singly estime ainsi :
     « Là encore, c’est en France et au Japon que les jeunes sont les moins enthousiastes pour être solidaires avec les plus âgés. Est-ce une manière pour eux de prendre leur revanche sur ces générations qui les précèdent ? Estimant être privés d’avenir, ils leur en attribuent, semble-til, la responsabilité et en concluent qu’ils ne leur doivent rien. Un tel indicateur, outre le fait qu’il est inquiétant pour le traitement de la question des retraites, manifeste une crise de confiance intergénérationnelle. » (de Singly, 2008, p. 10).

Les plus mal lotis : les jeunes en difficulté et les jeunes d’origine étrangère

     Selon nous, ces positionnements renvoient aux inégalités dues à la familialisation de la prise en charge, d’une part, et, d’autre part, à la stigmatisation qui est opérée à travers, notamment, le durcissement des postulats de l’intervention publique en termes d’insertion, de répression, de soin. Ce qui est vrai pour l’ensemble de la jeunesse l’est encore plus pour les jeunes les plus en difficulté d’un point de vue social et qui subissent les effets de la familialisation ainsi que pour les jeunes d’origine étrangère en butte à des discriminations de tous ordres dans la vie quotidienne. Ceci est aussi symptomatique d’une société qui ne tolère plus et rejette massivement ses jeunes générations (la récente introduction des dispositifs mosquito est à cet égard particulièrement éloquente, Le Monde, 2 avril 2008).
     En nous focalisant sur ces dimensions, nous nous intéressons aux « modalités particulières par lesquelles s’expriment dans des sociétés différentes les rapports sociaux fondamentaux ». En effet, en reprenant nos éléments de départ – les liens des jeunes français au système éducatif et à l’entrée sur le marché du travail ; les rapports intergénérationnels et les tensions négatives qu’ils induisent en France ; les éléments structurels liés à une prise en charge publique caractérisée par de nombreuses failles – nous entrevoyons ce qui constitue la spécificité de la situation française. Nous mettons ainsi en évidence une convergence d’éléments institutionnels et sociétaux qui conduisent à une dévalorisation, une disqualification systématique et plus importante pour les jeunes français que pour les jeunes des autres pays européens.