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Initiatives urbaines
#39
Opération Arc en ciel
à Orgères : facade chaleureuse et zéro chauffage
RÉSUMÉ > L’opération Arc-en-Ciel menée dans la ZAC des Prairies d’Orgères détonne et étonne, en particulier le programme de quatorze logements intermédiaires et son pendant de dix maisons de ville. En rupture avec les approches monochromes qui ont longtemps prévalu, elle est menée par le bailleur social Neotoa sur un principe de construction passive défendu de longue date par l’architecte rennais Thierry Soquet, de l’agence Architecture plurielle.

     Il y a près d’un an, Neotoa remettait à Xavier et sa famille les clefs de leur location : un T4 aménagé au rez-de-chaussée d’un ensemble de quatorze logements groupés, situés en bordure des Prairies d’Orgères. « Nous habitons depuis dix-sept ans dans la commune, mais auparavant nous ne bénéficions pas d’un cadre de vie d’une telle qualité », commente Xavier. « Nous n’avons pas l’impression de vivre en appartement, mais dans une petite maison avec son entrée indépendante, son jardin et sa terrasse ». Offrir en extérieur un prolongement de l’espace de vie en logement collectif : pour l’architecte Thierry Soquet de l’agence rennaise Architecture Plurielle, il s’agit d’une nécessité absolue afin de permettre aux enfants de jouer ou à la famille de prendre ses repas à l’extérieur. « Sans cet aménagement, les familles iraient vivre en maison individuelle. Nous avons donc choisi de construire du logement intermédiaire avec de vraies terrasses, de 16 à 40 m2, bien orientées, d’où cette forme architecturale faite visuellement de petites maisons assemblées les unes sur les autres. Le toit du voisin est la terrasse de celui qui est au-dessus, ce qui permet d’avoir de grandes surfaces à vivre », ajoute l’architecte, qui place l’usage de ses réalisations en tête de ses préoccupations. Autres exemples : privilégiant la qualité de l’espace à vivre, il supprime le sas d’entrée ou encore, il préconise les ouvertures dans les salle de bains pour une meilleure luminosité. L’architecte insiste sur un autre principe fondateur : « Le plus dommageable pour une famille, c’est le manque de dépendances nécessaires pour stocker et ranger ». Un choix que Xavier, le locataire, salue. « Le local à vélos, le local pour ranger mon vélomoteur, mais aussi le cellier et le petit cabanon pour ma tondeuse, c’est bien pensé ! ». Autant de superficies supplémentaires que l’architecte a préféré à l’aménagement d’un hall d’entrée et une cage d’escalier fermés, choisissant d’installer des coursives en extérieur. Celles-ci desservent les deux étages, en évitant les vues chez le voisin de palier. Seul bémol pour les locataires : le ruissellement des eaux pluviales depuis les escaliers le long de la façade qui inonde parfois les boîtes à lettres, en cas de fortes pluies. C’est sans doute ici la limite d’une construction conçue sans gouttière, l’eau de pluie devant être absorbée directement par la parcelle. Pour autant, Xavier insiste : « C’est du détail, car vraiment nous nous plaisons beaucoup dans notre logement ! » Ce qu’il plébiscite avant tout, c’est la qualité thermique. « Nous n’allumons pour ainsi dire jamais les radiateurs électriques. L’isolation, c’est du 100 % ! ».  

     L’architecte Thierry Soquet propose ici un système de ventilation double-flux avec un appoint électrique : « Quand les habitants occupent leur logement, ils produisent de l’énergie, en cuisinant par exemple. Le seul complément en termes de chauffage doit pouvoir répondre à des froids extrêmes sur plusieurs jours ». Une réduction substantielle de la consommation d’énergie rendue possible par les choix de conception qu’impose l’architecte : « La construction passive est une nécessité environnementale. Nous sommes capables aujourd’hui de construire des bâtiments passifs à des coûts abordables ». Le procédé mis en œuvre est un mixte de boisbéton. « Le béton offre une inertie au bâtiment, mais aussi un traitement de l’acoustique à bon marché. Nous utilisons le béton a minima, là où il répond le mieux à nos attentes ». Une ossature béton et un remplissage en bois à la fois pour les murs de façade, la toiture, la charpente, mais aussi le dernier niveau, tel est le principe de construction que l’architecte a mis en œuvre pour ce projet de semi-collectif. L’isolation se fait par l’extérieur avec une laine de verre composée à 50 % de matériaux recyclés : « Nous allons bien au-delà de la réglementation thermique RT 2012 qui a pour objectif de limiter la consommation d’énergie primaire des bâtiments neufs et qui est, à mon sens, simplement une valeur de référence plancher », souligne Thierry Soquet. Un acier laqué recouvre l’ensemble, pour un coût moindre.

    Quant aux façades, elles offrent des couleurs lumineuses, décriées ou applaudies par les riverains. Pas question du noir ou du gris habituel : « La nature est remplie de couleurs, pourquoi s’en priver ! », affirme l’architecte qui explique avec humour avoir passé son enfance au milieu des bois, dans une maison en béton construite par un père maçon.  

     Ce parti architectural original doublé d’une démarche environnementale affirmée n’a pas manqué de séduire le maire d’Orgères, Daniel Dein. « Il souhaitait développer sur sa commune des programmes singuliers et originaux », commente Yohann Landry, responsable du pôle développement et commercial du bailleur social Neotoa, en évoquant la genèse de ce projet urbain. « Territoires & Développement, aménageur mandaté par la commune d’Orgères, a lancé un appel d’offres pour la ZAC des Prairies d’Orgères. Il nous a été demandé de donner deux noms d’architectes avec lesquels nous souhaitions travailler. Nous avons répondu en décembre 2009, en proposant les agences Dupeux-Philouze et Architecture Plurielle ». Début 2010, la seconde est retenue pour l’originalité de la proposition. « La construction passive était une approche nouvelle pour Neotoa. La seule condition était que ce projet ne dépasse pas le coût alloué, mais Thierry Soquet est un architecte de terrain qui sait trouver des solutions avec les entreprises. C’est un passionné qui maîtrise parfaitement son sujet. Il est aussi technicien et suit son chantier de A à Z », commente Yohann Landry.

     Le nombre de logements de l’opération Arc-enciel était imposé : un programme de douze maisons commercialisées en accession libre et le collectif de quatorze logements intermédiaires en locatif social qui nous intéresse ici. À terme, s’ajoutera de chaque côté de ce dernier, un programme en Prêt Locatif Social (PLS), composé de cinq maisons duplex en bande. Une nouvelle ponctuation qui viendra en conclusion d’un parti architectural unique en son genre. Pour mettre en œuvre l’opération, des ateliers de travail mensuels ou bimestriels ont été conduits par Territoires & Développement avec les urbanistes en charge de la ZAC, l’agence Enet-Dolowy. Une pratique développée régulièrement par l’aménageur.

     Thierry Soquet cultive le bon sens, l’observation et la bonne connaissance des matériaux qu’il met en œuvre, avec une maîtrise technique acquise depuis plus de vingt ans, en particulier grâce aux partenariats développés avec le réseau des professionnels de la filière bois en Bretagne, l’association Abibois, dont il est membre. L’architecte sait enrichir son corpus d’écoconstructeur, au fur et à mesure des avancées technologiques qu’il fait siennes. « Pour cette opération de logements collectifs, nous avons eu carte blanche. Nous voulions offrir une grande perméabilité et non un front urbain, car à l’arrière existe un mail piéton doté d’arbres plus que centenaires. Préserver cette perspective et cette qualité pour l’ensemble des habitants était pour nous une priorité », conclut l’architecte, décidément attentif à l’environnement.