>
 
Dossier
#16
Partout en France.
Un paysage en mutation
RÉSUMÉ > Si la France compte 1,3 million d’associations, près des quatre cinquièmes d’entre elles ne reposent que sur le travail des bénévoles. Pour les plus importantes structures, la crise économique et les changements sociaux modifient sensiblement leurs conditions d’exercice.

     Malgré la forte visibilité politique ou médiatique de quelques associations, le secteur associatif est un secteur mal connu, en France comme dans de nombreux pays : il échappe en effet pour une large part au système officiel d’observation statistique. Hormis les informations fournies au moment des créations d’associations ainsi que quelques données sur l’emploi salarié , les informations disponibles aujourd’hui sont issues de travaux réalisés par les chercheurs et les réseaux associatifs eux-mêmes.

     Le secteur associatif occupe pourtant une place importante dans l’économie et dans la société française :
     - un Français sur deux adhère à au moins une association ;
     - 30 % des Français âgés de 18 ans et plus, soit environ 15 millions de personnes, exercent une activité bénévole occasionnelle ou régulière :
     - près de 2 millions de personnes exercent une activité salariée dans les associations, à temps partiel ou à temps plein, et le volume de l’emploi salarié représente près de 6,5 % du volume total de travail public et privé dans le pays;
     -le budget cumulé du secteur associatif, de l’ordre de 70 milliards d’euros aujourd’hui, représente près de 3,5 % du PIB.
     Ces indicateurs d’activité sont, en outre, en forte croissance. Le secteur associatif connaît en effet, depuis trente ans, un remarquable développement. L’augmentation des financements des associations dans les dernières années est cependant moins rapide que la croissance du nombre d’associations : le développement du secteur s’effectue dans un contexte de forte concurrence entre associations pour l’accès aux ressources, ce qui explique pour une part importante le sentiment d’une raréfaction croissante de ces ressources.

Une majorité de petites associations de bénévoles

     Le nombre d’associations n’est pas connu avec précision car, si les créations d’associations sont enregistrées par les sous-préfectures, les disparitions d’associations sont, elles, très rarement déclarées. Il n’est donc pas possible de mesurer par déduction le nombre d’associations vivantes et actives. Les estimations situent cependant ce nombre à environ 1 300 000. Parmi ces associations, près de 220 000 ont recours à l’emploi de professionnels salariés, les autres s’appuyant uniquement sur le travail bénévole. Ces petites associations de bénévoles représentent ainsi au total plus des quatre cinquièmes des associations, mais elles fonctionnent avec des budgets limités et réalisent moins du cinquième du budget cumulé du secteur associatif.

    Une association sur quatre est aujourd’hui une association sportive ; les associations culturelles et de loisirs figurent également parmi les plus nombreuses : elles représentent respectivement 19 % et 18 % du nombre total. Les associations militantes (de consommateurs, de défense du cadre de vie, d’environnement, de parents d’élèves...) apparaissent également nombreuses dans le paysage associatif et représentent 16 % du nombre total. Les associations caritatives et humanitaires, qui ont la plus forte visibilité médiatique et politique, ne représentent que 4 % du nombre total.

Le médico-social = 38 % du budget total

     À l’opposé, les associations du secteur social et médicosocial (11 % du nombre total d’associations) et celles du secteur de l’éducation (4 %) apparaissent peu nombreuses, mais sont fortement professionnalisées. Leur action s’appuie sur le travail de nombreux salariés, les fonctions bénévoles étant essentiellement réservées aux dirigeants. Ces associations concentrent une grande part des ressources et des financements publics, les seules associations médico-sociales réalisent ainsi 38 % du budget du secteur associatif.

     Les budgets associatifs sont composés à parts équivalentes de ressources privées et publiques. La dernière enquête du Centre d’économie de la Sorbonne donne un ordre de grandeur des composantes des budgets associatifs pour l’année 2005. Les financements privés apparaissent pour l’essentiel constitués de la participation des usagers au service rendu par l’association par l’intermédiaire des cotisations ou des ventes. Les ressources tirées de la générosité, les dons et le mécénat ne représentent que 5 % du financement du secteur associatif.

     Les communes et l’État sont les deux premiers financeurs du monde associatif. Ces deux collectivités sont des financeurs généralistes : elles soutiennent les associations des différents secteurs d’activité. Les autres financeurs publics (conseils généraux, conseils régionaux, organismes sociaux) sont plus spécialisés : les associations qu’ils soutiennent relèvent en effet de leur propre domaine de compétences : l’action sociale pour les départements, l’éducation pour les régions, le médico-social pour les organismes sociaux.
     Les financements publics, qui en 2005 représentaient encore 51 % des financements du secteur associatif, sont de types multiples. Ils peuvent emprunter la forme d’un soutien sans contrepartie au projet de l’association : les subventions publiques représentent 33 % du budget cumulé du secteur. Les financements publics peuvent aussi être liés à une prestation de l’association commandée par la puissance publique : ces autres financements (commandes, appels d’offres, appels à projet, prix de journées) représentent 18 % du budget total du secteur.

La contraction des ressources publiques

     Au cours de la période récente, les financements publics ont connu d’importantes mutations, restructurations sous plusieurs effets :
     - la décentralisation, d’abord, a contribué à baisser mécaniquement la part de l’État et à augmenter celle des collectivités locales dans le financement du secteur associatif ;
     - le contexte de déficits publics a accéléré la baisse des financements de l’État, et ceux des collectivités locales - principalement des conseils généraux et des conseils régionaux
     - se sont progressivement substitués à ceux de l’État.
     En outre, du fait de l’évolution du cadre réglementaire européen, la montée en charge des collectivités locales dans le financement des associations accélère le processus de transformation des subventions en commandes publiques, qui sont souvent préférées par les acteurs locaux. Cette transformation a pour conséquences de limiter les associations à un rôle d’exécutant des politiques publiques et d’inhiber leur force d’innovation sociale, laquelle a pourtant inspiré de nombreuses politiques publiques tout au long du siècle.

À la recherche de financements privés

     La crise économique de 2009 a accéléré toutes ces tendances. Les données actuellement disponibles ne permettent pas encore de mesurer la baisse des financements publics du secteur associatif - ce serait une première dans l’histoire du monde associatif -, mais il apparaît clairement que ces financements publics sont appelés à se contracter.
     Cette contraction des ressources publiques implique que les associations doivent se tourner vers la recherche de ressources privées pour compenser la baisse de leur budget et continuer à mettre en place leurs projets. Si les dons et le mécénat devraient augmenter, ils ne peuvent constituer une solution à la contraction des finances publiques en raison de leur faible poids. Aussi les associations sont-elles de plus en plus souvent conduites à développer des ressources liées à une activité commerciale, lesquelles proviennent souvent, dans les faits, d’une augmentation de la participation des usagers aux services rendus. Cette évolution peut conduire progressivement les associations à s’orienter vers la satisfaction des besoins sociaux de publics plus solvables et à se rapprocher du modèle économique de l’entreprise.

Des bénévoles sélectifs et exigeants

     Le travail bénévole connaît un rythme de croissance considérable, et les différents travaux conduits auprès des associations et des Français permettent de conclure, à rebours des discours convenus sur la crise du bénévolat, qu’il est en plein essor. Pour autant, il traverse sans aucun doute aujourd’hui une profonde mutation.
     Le comportement des bénévoles a considérablement évolué. En premier lieu, les bénévoles d’aujourd’hui sont sélectifs et exigeants. Aussi certains secteurs attractifs comme l’action humanitaire et la culture recrutent-ils plus facilement, au détriment d’autres secteurs relativement délaissés.
     Les nouveaux bénévoles souhaitent être davantage impliqués dans la définition et la conduite du projet de l’association ; c’est probablement pour cette raison que les petites associations les attirent plus facilement que les très grandes. Enfin, ils sont aujourd’hui plus mobiles que leurs prédécesseurs. Ils sont nombreux à souhaiter maîtriser leur « parcours de bénévole » en diversifiant leurs expériences. Autant de facteurs que les associations ne parviennent pas aujourd’hui à gérer et à anticiper.
     Par ailleurs, la nécessité d’un bénévolat qualifié s’accroît avec la forte professionnalisation du secteur associatif. Or, dans un contexte pourtant favorable à l’engagement bénévole (les Français se disent de plus en plus disposés à s’engager ), les associations ont du mal à trouver parmi les candidats les qualifications dont elles ont besoin. Ce décalage est particulièrement aigu en ce qui concerne les fonctions de dirigeants bénévoles.

Des emplois, mais partiels et précaires

     Dans un contexte de croissance du chômage ou de faible niveau de création d’emploi dans le pays, l’emploi salarié associatif fait à première vue bonne figure: il a augmenté d’une façon régulière et importante dans les dernières décennies. Au-delà de ce constat, une approche des formes particulières de cet emploi conduit à nuancer et à préciser cette première lecture.
     Le travail salarié dans les associations est caractérisé par l’importance du travail à temps partiel, occasionnel ou saisonnier. Il est également très marqué par la fonction d’insertion professionnelle du monde associatif : cela exexplique pour une grande part l’importance des emplois de type CDD et la proportion très élevée d’emplois de statut précaire (stagiaires).
     Enfin, bon nombre d’associations rencontrent de réelles difficultés en matière de gestion de leurs ressources humaines salariées. Le degré de technicité de beaucoup de prestations augmente et le besoin en compétences s’en trouve accru; les associations ont cependant du mal à recruter et à conserver les salariés ayant les compétences adéquates.

     Le secteur associatif est aujourd’hui confronté à un certain nombre de difficultés, pour beaucoup liées au contexte économique et social. Des contraintes pèsent sur ses financements alors même que les besoins des populations augmentent sous l’effet de la crise. Si un certain nombre d’évolutions sociétales comme l’amélioration du niveau d’éducation ou la volonté croissante d’engagement des citoyens sont favorables à son développement, il doit aujourd’hui relever un certain nombre de défis.
     Pour ce faire, le secteur dispose d’indéniables atouts : une grande proximité avec les populations, une forte capacité à détecter rapidement les problèmes émergents, à explorer des solutions inventives, à mobiliser les énergies et les ressources bénévoles.
     Il doit aussi cependant surmonter un certain nombre de faiblesses dont il est bien conscient, et notamment améliorer les modalités de sa gouvernance, opérer les rapprochements et les regroupements pour faire force.