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Entretien
#39
Philippe Portier, le choc des deux laïcités
RÉSUMÉ > Philippe Portier est sociologue, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et directeur du groupe Sociétés, religions, laïcités au CNRS. Il a enseigné à l’Université de Rennes 1 jusqu’en 2007 et conserve des liens étroits avec Rennes et la Bretagne (sa famille est installée à Vannes). Dans cet entretien réalisé quelques jours après les attentats du 13 novembre, il revient pour Place Publique sur la notion complexe de laïcité, son évolution dans le temps et l’espace et son actualité brûlante. Philippe Portier a publié en 2015 « Métamorphoses catholiques » avec Céline Béraud (éditions MSH). Son prochain ouvrage État et religions sera publié aux Presses Universitaires de Rennes au printemps.

PLACE PUBLIQUE : La laïcité fait de nouveau beaucoup parler d’elle en France. Vous expliquez souvent que la laïcité contemporaine hésite entre deux pôles : la reconnaissance des religions et leur surveillance. Que voulez-vous dire par là ? 
PHILIPPE PORTIER : En réalité, la laïcité hésite peu : elle articule ces deux polarités. Et cela tranche avec une idée préalable de la laïcité qui était fondée sur la séparation, depuis la loi du 9 décembre 1905. Comme disait Victor Hugo : « L’État chez lui, l’Église chez elle ». On accorde à l’Église toute possibilité de se développer, mais en même temps, l’État refuse de la reconnaître comme institution de droit public. Ce modèle va subsister jusque dans les années 70. Ensuite, sans changer la loi, on assiste progressivement, à la faveur de la montée en puissance des revendications identitaires, à un État qui se met à reconnaître le religieux. Tant dans ses expressions publiques que dans ses expressions individuelles. C’est l’époque, par exemple, où le gouvernement accepte d’accorder des autorisations d’absence aux fonctionnaires au motif de fêtes religieuses. C’est un premier élément, qui va ensuite, à partir des années 90, se trouver complété par un autre dispositif, qui sans remettre en question le principe de la reconnaissance, l’infléchit dans le sens de la surveillance. 

Comment cette évolution se traduit-elle ?
​Un certain nombre de lois, d’arrêtés, de pratiques, interviennent alors, qui sont principalement dirigés contre l’islam, mais aussi contre les phénomènes sectaires au tournant des années 2000. Ces dispositions vont placer l’activité des forces religieuses sous le regard de plus en plus inquisiteur d’un État qui entend bien préserver la cohésion sociale. Ce qui caractérise notre époque actuelle, c’est précisément la volonté d’articuler la reconnaissance des expressions identitaires – et cela tranche avec l’universalisme de la IIIe République – et de mettre les religions sous le contrôle de l’État, et cela tranche cette fois avec le libéralisme de la IIIe République. De sorte qu’on parle souvent de laïcité, sans voir que celle-ci se trouve interprétée de différentes manières selon les époques. Notre époque s’inspire de la loi de 1905, qu’elle considère encore comme la clé de voûte de son modèle de régulation des cultes. Mais en lui donnant, à la faveur de nouveaux textes juridiques et de nouvelles pratiques politiques, une interprétation différente de celle des pères fondateurs. 

C’est ce qui vous a fait dire, devant le Comité consultatif rennais sur la laïcité qui vous a reçu en juin dernier, qu’après les attentats, « la laïcité était le repère dans l'absurde. Le mot fait consensus, non sa signification ».
Effectivement. On pourrait dire, tout de même, qu’il y a consensus sur des principes généraux. Je pense que la plupart des acteurs politiques seraient d’accord sur cette définition : la laïcité renvoie à l’idée de liberté de conscience, et en même temps, il y a lieu de mettre au premier plan la neutralité de l’État. Ce point pourrait définir une laïcité commune en France, acceptée par l’ensemble des acteurs. Le problème vient lorsqu’on demande à ces derniers de définir les concepts de liberté et de neutralité. C’est précisément à partir de ces définitions différentes que la laïcité devient un champ fracturé, séparé entre différentes chapelles.

Lesquelles ?
Je vais vous répondre, mais avant, je voudrais souligner que la question du respect des religions qui se déploie autour du thème de la laïcité a ressurgi dans les années 1990-2000. Auparavant, depuis les années 60, il y avait des controverses portant sur un objet partiel, le financement des écoles privées. Mais la question de la laïcité ne faisait plus guère problème en tant que conception du lien social. La gauche, à partir de 1984, avait adopté le principe d’une laïcité pluraliste, tandis que la droite finissait par considérer qu’elle faisait partie des valeurs communes de la République. À partir des années 1990, on entre dans un autre état du débat public, où l’on voit que la laïcité, qui était jusqu’alors un objet marginal, ressurgit comme un enjeu global, comme une question posée à la conception même du lien social. 

C’est l’affaire du voile ?
Oui, mais aussi l’affaire de la construction des mosquées, de la viande halal… Elles renvoient toutes à l’articulation entre l’identité nationale et l’altérité, entre la pluralité, d’un côté, et la cohésion, de l’autre, à notre façon de faire du commun dans une société marquée par un éclatement des identités, au nom des différences. Dans ce contexte, la laïcité redevient un objet central qui vient structurer notre débat public. 

Autour de quelles conceptions différentes ce débat va-t-il s’organiser ?
Il y a d’un côté, une laïcité « inclusive », qui estime que la liberté de conscience est d’autant plus assurée que chacun peut affirmer librement ses différences, non seulement dans l’espace privé, mais aussi dans l’espace public, voir l’espace public d’État. C’est par exemple, la revendication pour certains fonctionnaires, de porter des signes religieux ou de demander des aménagements d’horaires ou de menus spécifiques dans les restaurants administratifs. C’est un premier élément qui appelle une définition très particulière de la neutralité :  la « neutralité-bienveillance ». La neutralité consiste alors pour l’État à être un « État-scribe », selon la formule d’Émile Durkheim, qui transcrit les demandes de la société dans la loi. Cette approche est aux antipodes de la deuxième conception, marquée cette fois par un tropisme exclusiviste, où la laïcité exclut le religieux de l’espace public. Ici, la liberté de conscience est nettement plus disciplinée : est libre celui qui agit selon la raison. Toute démonstration d’affirmation religieuse qui irait à l’encontre de la raison ne pourrait pas être reconnue dans cette liberté revendiquée. 

Par exemple ?
Le débat autour du voile et de la burqa a souvent été porté par un discours sur le caractère discriminant de ces « prisons de tissu » à l’égard de femmes qui renonceraient ainsi à leur liberté et au principe d’égalité. Dans ce contexte, l’État neutre n’est pas celui qui accepte l’expression des différences, mais celui qui les encadre, au nom même du respect de la raison. Être neutre, c’est alors s’abstraire, pour l’État, de toute reconnaissance du religieux, dès lors que celui-ci apparaît contraire aux requêtes de la liberté et de l’égalité. Du coup, la loi de 2004 sur le voile et surtout celle de 2010 qui interdit la dissimulation du visage sur l’espace public affirment une telle neutralité d’abstention 

Entre ces deux polarités que vous venez de décrire, où se situe le curseur ?
Il peut y avoir des positions intermédiaires, mais on voit bien que le débat public, tout en acceptant le concept de liberté et de neutralité, se focalise autour d’interprétations différentes de ces deux notions. J’ajouterai que contrairement à ce que l’on entend parfois, le dernier modèle que je viens de décrire n’est pas un modèle du retour à la IIIe République, car celle-ci reposait sur une séparation stricte des deux sphères : l’État n’intervenait ni dans les pratiques ecclésiales, ni dans celles des individus croyants. À cette époque, les amendements demandant l’interdiction de la soutane dans la sphère publique ou les processions de rue ont été systématiquement refusés. Il s’agit d’une idée très libérale de la laïcité, selon laquelle la loi de 1905 entend bien protéger les libertés privées, qui peuvent se déployer sur l’espace public social (mais non dans l’espace public étatique, il est vrai). C’est une grande différence avec la situation actuelle. Aujourd’hui, nous sommes en dépassement de la loi de 1905. 110 ans plus tard, la laïcité est marquée par un contexte d’incertitudes qui réclame une cohésion renforcée des individus autour d’un même corpus de valeurs. 

Il existerait donc un phénomène de balancier, historiquement ?
On constate en effet que depuis les années 1960-1970 jusqu’aux attentats de 1995 dans le métro parisien, le balancier penche du côté d’une laïcité inclusive, où l’on accepte volontiers de reconnaître les différences. Ensuite, on peut dire que les dynamiques de la violence – attentats, émeutes de 2005 dans les banlieues – vont provoquer des réactions en faveur d’une politique de cohésion plus affirmée. 

On voit bien que ce débat s’enracine dans les territoires, comme on dit. Est-ce que l’échelon local vous paraît pertinent pour analyser ce phénomène de laïcité ?
Les villes ont une grande capacité de jeu, même dans un État relativement centralisé comme le nôtre. Le droit, ce n’est pas qu’un cadre national, mais aussi des possibilités d’application au plan local, à partir de latitudes données par la loi centrale elle-même. Les collectivités peuvent également développer des pratiques à côté (praeter legem) ou, parfois même, contre la loi (contra legem). Que faire, par exemple, lorsqu’un maire décide de financer la construction d’une mosquée ou d’une synagogue ? Il y a là quelque chose en principe d’interdit par la loi de 1905, qui prévoit dans son article 2 que « la République ne subventionne aucun culte ». 

Le cadre juridique a donc évolué…
En fait, lorsque les maires ont pris ce type de décision à partir de la fin des années 70, elle s’est accompagnée d’une sorte d’incertitude juridique. À côté de la loi ? Contre la loi ? Il se trouve que l’affaire a été peu à peu réglée par le droit lui-même. Et que des pratiques qui seraient apparues comme contraires à la légalité sont aujourd’hui des pratiques admises. À la fois par la loi centrale : une ordonnance de 2006 admet que des maires peuvent accorder des baux emphytéotiques à des associations cultuelles, ce qui est une manière de contourner l’article 2 de la loi de 1905. On pourrait également citer l’intervention de la jurisprudence, avec toute une série de décisions, notamment celles de juillet 2011, qui permettent aux maires non seulement de financer des constructions d’ordre culturelles, mais aussi cultuelles, en fonction de ce que la jurisprudence qualifie d’« intérêt public local ». Il existe donc tout un encadrement juridique qui permet au maire de mener sa propre politique locale. 

C’est ainsi qu’est né à Rennes le premier centre culturel islamique de Rennes, dans le quartier du Blosne, en 1983.
Effectivement. À ce propos, je tiens à souligner que l’échelon local est un très bon observatoire des pratiques de renouvellement de la laïcité. Il existe des laïcités locales qui reproduisent le schéma national que je décrivais à l’instant. Avec, toutefois, du côté des laïcités locales, une bien plus grande ouverture à la laïcité inclusive que ce qu’on peut observer au niveau national, où la distance par rapport au terrain facilite la tenue de discours de rétraction et de refus de l’appartenance religieuse. Dans le cadre d’une enquête menée par le laboratoire auquel j’appartiens, nous constatons que l’échelon local est un échelon de compromis, très pragmatique, permettant aux religions de recevoir diverses formes de reconnaissance venant du pouvoir local. Elles peuvent être financières ou symboliques. 

Est-ce une question d’orientation politique du pouvoir local ?
C’est moins une question entre la droite et la gauche, qu’entre la droite extrême et les autres partis. Dans la plupart des municipalités de gauche et des municipalités de droite, on a affaire à des pratiques de compromis qui accordent une reconnaissance forte aux religions. Avec cette réserve : les municipalités tendent à faire tenir aux représentants des religions, notamment les plus récemment installées (l’islam, en l’occurrence), des discours qui s’intègrent à l’ordre constitutionnel général. On notera cependant une sorte de crispation au cours de ces dernières semaines. L’Association des maires de France, à l’instigation de François Baroin, son président (LR), et d’André Laignel, son vice-président (PS), a fait adopter un document appelant à une laïcité extrêmement restrictive (pour la liberté « publique » de religion). Cette initiative a été désavouée cependant par un grand nombre d’élus de terrain 

Qu’en est-il, ici, à Rennes ?
Il existe dans cette ville une forte ouverture à la question religieuse et à la reconnaissance des forces religieuses. Cette tendance s’est confirmée avec le temps, mais elle trouve son origine dans la municipalité démocrate-chrétienne Fréville qui entretenait des relations étroites avec l’Église catholique. Peu à peu, ce discours d’ouverture au religieux, à partir d’un tropisme catholico-centré, s’est étendu à toutes les autres religions. À partir de l’élection du socialiste Edmond Hervé en 1977, se met en place à Rennes une politique d’acceptation et d’accompagnement du pluralisme religieux. Et cela à mesure que la ville elle-même s’ouvre à la pluralité religieuse. Edmond Hervé accompagne cette évolution, à la fois parce qu’il s’inscrit dans la continuité avec une éthique sociale favorable à Rennes à l’idée de reconnaissance, et parce qu’il pense la démocratie à partir du schéma de la pluralité, considérant la démocratie comme un espace politique qui permet à chacun d’être reçu dans sa différence. Enfin, il y a aussi le fait que la ville est structurée, dans ces années 80, par des associations qui sont souvent marquées par la présence de chrétiens de gauche. Cela joue en faveur d’une « bonne entente » du politique et du religieux au niveau local. 

C’est ce contexte particulier qui explique la création des premiers centres culturels islamiques rennais ?
Oui, en dépit de certaines résistances du voisinage. Sur ce point, la politique rennaise est posée dans ces années-là et elle ne changera plus. Ce climat rennais particulier ne se retrouve évidemment pas dans toutes les villes, même si, comme je le disais, la tendance est tout de même celle-là ! Prenez Saint-Denis, par exemple. Cette ville de banlieue parisienne, marquée par une culture communiste, ne tient pas du tout le même discours que Rennes. Elle cultive un discours de « laïcité de méconnaissance ». Il en va ainsi plus encore dans une ville comme Vandoeuvre à côté de Nancy, dont les pratiques du maire socialiste sont très restrictives. Cela tranche avec les discours de reconnaissance qu’on observe à Rennes ou Bordeaux, par exemple. Il existe en effet à Bordeaux depuis longtemps des relations de bon aloi entre le monde catholique et le monde politique, qui se sont ensuite développées avec les religions nouvellement installées. Dans ces villes, on voit tout de même qu’en dépit de l’acceptation de la pluralité, le catholicisme demeure au centre du système de relations entre le politique et le religieux. 

Et ailleurs, en Europe, comment cette question de la laïcité estelle vécue ?
Le modèle français n’est pas universel… En effet, les systèmes de laïcité reflètent toujours des constructions nationales particulières. Tous les États modernes ne se sont pas construits de la même manière, loin de là ! Le passage à l’état démocratique des pays du nord de l’Europe ne s’est pas fait comme en France, dans la séparation de l’Église et de l’État. L’État est resté associé à l’Église dominante, au point que les évêques disposent d’une place dans le protocole des royautés du Nord, que des cours de religions sont donnés dans les écoles, et qu’en échange, les États financent l’Église nationale. On voit également en Angleterre que certains évêques siègent à la chambre des lords, disposant ainsi d’un pouvoir politique reconnu par l’État. En revanche, dans les pays du sud de l’Europe, il y a eu plutôt tendance à la séparation. Ce fut le cas en Italie à la fin du 19e siècle, en Espagne dans les années 1930. 

Comment expliquer ces différences ?
Par la nature de la religion dominante ? Les pays du nord sont marqués par l’extrême dominance du protestantisme. Le catholicisme, à l’époque, refuse la modernité et il est donc très difficile pour un État qui prétend être moderne, de rester associé à une Église à ce point réfractaire. En revanche, rien de tel avec le protestantisme. C’est au contraire un allié formidable de la modernité politique et économique. On a donc affaire à deux types de construction de l’État, qui renvoie à deux types de laïcité. Du coup, un pays comme la France développe une attitude anticléricale, voire irréligieuse, qu’on ne trouve pas dans les pays du Nord. Nous sommes encore marqués par cela. Il est probable que notre attitude à l’égard de l’islam demeure influencée par cette tradition de longue durée, elle-même travaillée par l’anticléricalisme. 

Avec les attentats revendiqués par Daech, cet équilibre est-il remis en cause ?
Je vais revenir sur l’actualité que vous évoquez, mais avant, je tiens à rappeler qu’il y a à la fois des phénomènes internes et des phénomènes exogènes qui tendent à rapprocher les modèles. Les phénomènes internes touchent essentiellement à l’individualisation des comportements religieux. Les pays d’Europe du Nord sont assez homogènes jusque dans les années 80, avec 90 % de la population déclarant appartenir à l’Église luthérienne. Mais depuis les années 90, on voit une partie de ces populations norvégiennes, suédoises, danoises, se séparer de l’Église pour mener leur propre itinéraire spirituel. On voit aussi apparaître des minorités d’immigrés qui ne partagent pas la foi commune. Du coup, dans ces pays, il est très difficile de maintenir un modèle d’association entre une seule Église et l’État. 

Et les facteurs externes ?
Ce sont ceux qui touchent à la circulation des modèles juridiques, avec l’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme qui accepte de moins en moins les différences de statut entre les individus à raison de leur appartenance religieuse. C’est ce qui s’est passé pour la Suède qui a pris prétexte d’une décision de la Cour pour entamer un processus de séparation. On assiste un peu partout à la mise en place d’une égalisation tendancielle des cultes, qui n’est pas sans rappeler le modèle français. Mais depuis les attentats, dans la plupart des pays, à la faveur également de la montée des populismes, on voit apparaître l’idée qu’il faut développer des mécanismes de surveillance à l’égard des communautés musulmanes. Et cela s’accompagne souvent d’un discours extrêmement favorable aux « racines chrétiennes » des pays considérés. Sur le plan juridique, on assiste à une égalisation des statuts, et sur le plan culturel, à une affirmation très forte de la culture chrétienne à partir de laquelle doit se construire la cohésion sociale. C’est ce qui rend la question si complexe. 

N’y a-t-il pas une difficulté supplémentaire qui tient à la structure même de l’islam en France ?
Les études nous montrent bien que l’islam de France n’est pas en rupture avec la société globale et s’inscrit dans un cadre démocratique tout à fait accepté. Le problème se pose en revanche pour des « poches » de jeunes musulmans qui échappent à ce schéma, comme l’a bien montré l’enquête de Gilles Kepel dans son ouvrage 93. Il remarquait bien que dans certains milieux, l’atmosphère première était religieuse avant d’être civique. Par ailleurs, il est plus compliqué de gérer l’islam aujourd’hui que le catholicisme ou le protestantisme hier. L’islam s’est structuré à partir d’origines nationales différentes sans instance centrale, il y a un éclatement fort du champ musulman en France. Le pouvoir a essayé, depuis la fin des années 80, de structurer cet islam de France. De ce point de vue, le Conseil Français du culte musulman (CFCM) est une réussite institutionnelle, mais sans résultat administratif ou politique : il peine à donner des injonctions susceptibles d’être appliquées sur l’ensemble du territoire national. On le voit bien avec l’émergence de micro-institutions qui s’organisent de manière autonome autour de « petites mosquées ». Cette absence de médiation religieuse peut accompagner ce phénomène d’éloignement d’une partie de la jeunesse musulmane de l’ordre républicain. C’est pourquoi le gouvernement cherche par tous les moyens, en particulier depuis les attentats, à mieux former les imams, à mieux contrôler les mosquées afin de renforcer les pouvoirs des autorités musulmanes sur cet éventail de plus de 2000 mosquées en France.