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Contributions
#19
RÉSUMÉ > Suite de notre rubrique de flânerie subjective à travers les rues de Rennes. En se baladant, nez au vent, Gilles Cervera capte les détails. Des détails qui n’en sont peut-être pas…

Un départ de chantier. Il faut bien commencer par le début ! Par les fondations ou les pieux fichés profond. Ici, au Blosne, loin de Monumenta qui a transfiguré en juin le Grand Palais avec les couleurs de Daniel Buren. Ici, ces colonnes sans Palais Royal alentour, sont celles du Centre Alain Savary de Rennes, où nombre d’Associations logent! Où l’oeil du passant s’est offert gratis une esquisse des colonnes de Burennes !

Peintre du dimanche, voilà bien l’expression! Les serres du Thabor se dédoublent de toile en toile, sorte de mise en abyme aux couleurs franches et warholiennes! Le soleil est au rendez-vous, sur les chevalets tout du moins ! Le kiosque restauré à la perfection explose de percussions dominicales et s’ensuivent des applaudissements nourris. Les peintres sur le motif retiennent la lumière que les promeneurs, assis près des fontaines, voient voltiger en embruns roses !

En passant, dans les ciels gris plombés de ce début juin, cherchons la fantaisie dans des recoins de ville. Ainsi cet aveu pétant : « Je suis »! En caractère gras ! Verbe être ou verbe suivre? Sûr et certain qu’à Rennes, dans ces dialogues par mur interposé, c’est le cogito ergo sum qui s’affiche près du Pont Saint-Hélier…

Ces triangles des toits qui s’emboîtent signent, au-dessus du cadastre complexe, des superpositions, des imbrications, des maisons sur les maisons et un velum pour le moins accidenté ! D’hier à aujourd’hui, les maisons sur les toits d’immeubles maintiennent cet héritage. Les architectes continuent d’écrire ainsi la ville. Les fenêtres sur les façades font des points et des virgules. Les toitures sont des strophes lancées vers le ciel. La colombe ne s’y trompe pas.

C’est normalement un rituel de fin de chantier, plutôt enfoui dans la mémoire des bâtisseurs. Ici, le bouquet final a pris beaucoup d’avance. À la Brasserie dont le chantier est bien amorcé, le bouquet de toit était là bien avant les premiers coups de pelleteuse. L’arbre a poussé, bouleau valeureux qui domine la situation! Ses racines nourries de pas grand-chose, le joint disjoint d’une terrasse et un peu de poussière a suffi dans l’encoignure! L’arbre a choisi une des plus belles tours témoins de l’ancienne industrie. Dominant mais éphémère! Son plus beau point de vue rougira-t-il à l’automne?

C’était le nom de l’épicière de mon enfance. Une cahute briochine où il n’y avait pas où se tourner entre les bidons de lait et les cageots de poire. Une cliente à la fois, au maximum avec son enfant, en le tenant serré! Les scoubidous et les cordes à sauter étaient accrochés aux poutres ainsi que les arrosoirs, seaux, cuvettes et autres utilités. À Rennes, j’ai retrouvé son nom! Son enseigne en fond de venelle non loin de l’octroi de Paris! Ce Deroin d’ici avait-il à voir avec celui de là bas?

C’est le titre d’un surprenant roman de Maylis de Kerangal, prix Médicis en 2010. Sur la Vilaine un pont naît, à Baud-Chardonnet. Le pont pour permettre l’extension de la ville. Le fleuve est au commencement de la ville. Il contribue à sa décision. L’abreuvant, permettant le commerce, la circulation, les foires et marchés. Le fleuve a protégé la ville contre les invasions. Ses miasmes ont provoqué les épidémies de typhus ou de paludisme. Il a fallu s’en défendre, le maîtriser. Maîtrise des maîtrises: le pont! Le souverain n’était-il pas pontife? Le pont défie la nature, s’impose à elle par un nouvel enjambement. La Vilaine à nouveau consent un énième franchissement. Du gué jusqu’au pont d’aujourd’hui, l’habitant n’arrête pas d’avancer. Circulez, un nouveau pont à voir !