Mail François Mitterrand. Plein ouest. Direction finis terrae, via Saint-Brieuc. Donc le Mail, à son presque point de départ. Laissez à gauche l’immense carte à jouer par Jean Nouvel, cette confluence à venir.
Se rejoignent ici depuis tellement longtemps les deux flux d’Ille et de Vilaine que d’aucuns y dîneront bientôt sur des jardins certes privatifs mais néanmoins suspendus!
Restons sur le Mail. Au ras du sol ou presque! Regardons un instant ce porche dont la clé de voûte est là, témoignage industrieux ou artisan. Un petit blason tout humble, présentant une tenaille et un marteau.
Une partie de la boîte à outils sculptée dans le tuffeau.
Pas un blason aristocrate, sauf si l’on y range les vieux métiers, leurs coups de marteaux sur l’enclume, leurs odeurs de feu de forges qui traversaient encore il y a quelques décennies les coursives des villes. Désormais plus de tâche d’huile ou d’odeur de bois dans les centres ville. Plus de copeaux sur les trottoirs. Plus de cris, passe-moi le rabot, d’une arrière-cour l’autre…
Ici, sur le mail, reste de sculptés un fer à cheval au mur, la tenaille et le marteau datant d’une ville dont les princes étaient les artisans.
D’ici, les chevaux repartaient le sabot flambant neuf. Demeure l’enseigne de cet aristocrate: le maréchal- ferrant et de son château de Vulcain: la forge! Un joli blason de rien, d’un temps pas si ancien, face au chantier Nouvel!
Autre recoin. Parvis sud de la gare. Pour parer aux installations de marginaux, des grilles ont été posées. La nature a horreur du vide, c’est ce qu’on dit, qui, ici, se vérifie… Le parvis est réapproprié! Plus personne à se coucher là, à dormir entre deux trains, à inquiéter le voyageur qui passe.
Maintenant dans la poussière entre les dalles pousse l’herbe folle. La nature reprend ses quartiers dans l’interstice. Bientôt sur le parvis, les foins seront à faire, bien après ceux qui y faisaient du foin.
Gare toujours, le parvis nord. L’ensemble avait été pensé à niveau. La place était flanquée de fontaines dont les jets d’eau montent et descendent. Sanejouand avait impliqué au deux tiers une sculpture énigmatique. Un monolithe inquiétant ou lyrique, ce qui fait causer les gens. Les uns y allaient de leur envie de foutre par terre l’oeuvre, se prenant pour des Obélix de l’art contemporain, d’autres en allant vers les Champs Libres laissent libre le chant.
Et puis voilà maintenant que ce vaste placis est devenu une boîte d’allumettes à ciel ouvert. Pour contenir, contrôler, imposer, contraindre les flux et les flots d’autos et de bus, voilà des rangs d’oignons de tiges moches, des batteries levées qui envahissent tout, des tuteurs sans tomate.
Le parvis transformé en hippodrome, pas de cheval ici, mais, dans les bruits de l’eau, les valises qu’on roule et qui slaloment un peu. S’il revient, l’archi qui avait conçu cet espace, ne sera pas déçu! La forme de Sanejouand domine un alignement de baguettes, nous ne sommes plus dans la même dimension!
Bien après qu’on a fini de fêter l’anniversaire de Pompidou, les flux de bagnoles conditionnent donc encore le laid!
Quelle bonne idée ont parfois les publicitaires. Et je ne parle pas du grand mur Ripolin qui fait polémique dans le quartier Sainte Anne!
Pour frapper l’oeil, face à la station Jacques Cartier, les promoteurs ont peint en rose tyrien les grilles qui entouraient le jardin d’antan et sa maison.
Antan, l’an dernier car, jadis, c’est beaucoup plus loin!
Or ils ne sont pas si éloignés les temps où dans ces maisons de l’Alma les jardiniers jardinaient et les pavillons pavillonnaient. La ville se densifie, les espaces se comblent, la pression immobilière est forte et le promoteur ici, pour des raisons de com’, a tout peinturluré en rose!
On devrait retenir l’idée dans les quartiers. La roséole pourrait être contagieuse et le turquoise ou le céladon faire école! Nous devrions nous autoriser ainsi de quitter la rhétorique des grilles noires ou vertes, des volets (blancs) aux couleurs convenues.
Rêvons que tout Rennes s’affranchisse de son chromatisme planplan et invite la couleur !