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Dossier
#16
« Pour un équilibre humaniste
des territoires »
RÉSUMÉ > La Bretagne avec son organisation polycentrique, faite de centres urbains harmonieusement répartis, possède une armature équilibrée. Pour Bernard Poignant dans ce texte rédigé à l’intention de Place Publique, il s’agit de préserver cette armature tout en l’améliorant : en acceptant sa diversité, en renforçant sa cohérence, en cultivant la solidarité entre villes. En mettant en sourdine la concurrence entre les uns et les autres.

     La question de l’équilibre urbain des territoires de France se pose avec de plus en plus d’acuité y compris en région Bretagne. En effet, dans notre région, nous avons la chance d’avoir une armature urbaine équilibrée de nos territoires : de grandes agglomérations comme Rennes et Brest, des villes moyennes qui maillent la Bretagne : Quimper, Vannes, Lorient, Saint-Malo ou encore Saint-Brieuc. Entre ces territoires, s’organisent des Pays avec des communes de plus ou moins grande importance rassemblées en intercommunalité pour avoir plus de poids et de force. Cette organisation est étudiée des chercheurs et des scientifiques et porte un nom savant : le polycentrisme breton.
     Aujourd’hui, cette armature équilibrée peut sembler fragilisée notamment par les enjeux de la mondialisation qui peuvent mener à la concentration des activités. C’est la raison pour laquelle les acteurs bretons veulent travailler à cette question de l’organisation de leur territoire, de leur hiérarchie et de son équilibre urbains afin de réussir une mutation humaniste des territoires.

Cela concerne la vie quotidienne des Bretons

     Pourquoi vouloir engager cette réflexion ? Parce que cette problématique n’est pas anodine. Bien au contraire. Elle touche à la vie quotidienne de nos concitoyens. Se poser la question de l’organisation des territoires, en terme de concurrence, de cohérence ou encore de solidarité, c’est se poser la question de la mobilité de ses habitants domicile / travail / loisirs, mais aussi de l’accessibilité à l’éducation, l’enseignement supérieur voire de la recherche. C’est également se poser la question du client et du consommateur ou encore de la pression exercée sur certains territoires comme le littoral avec ses incidences sur l’habitat, la mixité sociale ou générationnelle.
     Plusieurs facteurs contribuent à cette problématique de l’organisation des territoires : la question démographique est une évidence (1), la concurrence plus ou moins existante entre les territoires (2) modulée par la nécessaire cohérence entre les territoires (3) et la solidarité nationale indispensable (4) en intégrant le choix des élus de travailler sur des stratégies territoriales adaptées à leur territoire (5). Tout cela avec un objectif précis : maintenir cet équilibre urbain en Bretagne.

1. Une question démographique à prendre en considération

     La Bretagne a connu d’énormes bouleversements démographiques depuis le 19e siècle. L’INSEE prévoit encore un gain de population de 20 000 habitants par an à l’horizon de 15-25 ans pour toute la région.
     Dans ce cadre, le défi du 21e siècle sera celui de la mobilité car ce sera alors la question de l’accessibilité aux emplois mais aussi à la culture ou aux loisirs. Face à l’augmentation du coût de l’énergie, les élus se doivent d’anticiper. La question des transports collectifs est une réponse mais elle n’est pas la seule. D’autres types de mobilité existent : co-voiturage, auto-partage, vélo, etc…. La diversité des modes de déplacements sera un atout pour nos territoires.

2. Une concurrence des territoires à amoindrir

     Elle pourrait être dévastatrice pour l’équilibre de la Bretagne si cette concurrence des territoires était institutionnalisée. Déjà dans certains secteurs, le gouvernement a joué avec le feu sur cette question et notamment dans le cadre de sa politique universitaire en organisant des concurrences parce que les financements ont été concentrés sur quelques structures. Pour éviter ce type de comportements qui ne correspond pas à notre culture, nous devons parler à l’intelligence des territoires.
    Pour exemple, le Finistère se caractérise par l’excellence maritime de Brest Métropole Océane. Il ne viendrait pas à l’idée de Quimper Communauté de se mettre sur cette orientation mais bien au contraire de soutenir cette collectivité dans ses choix maritimes. Parallèlement, le développement de Quimper communauté passe par une richesse de l’industrie agroalimentaire que les élus, les acteurs économiques et les partenaires institutionnels veulent encore plus développer avec la mise en place d’un cluster au niveau de la Cornouaille et d’un projet « grand public » à finalité pédagogique et aussi touristique. Ce projet nécessite un soutien des autres territoires.

3. Une cohérence des territoires à développer

     Les réflexions engagées par les territoires dans les schémas de cohérence territoriale ont permis aux élus et aux partenaires d’échanger sur la nécessaire cohérence d’un territoire mais aussi sur l’obligation de coordonner ces cohérences de territoires.
     Ainsi, la question de l’économie des territoires est une donnée à intégrer. On sait qu’un territoire a besoin d’activités primaires comme l’agriculture et la pêche, mais aussi d’activités secondaires et productives notamment les industries agroalimentaires mais également des activités de service que ce soit dans le domaine du tourisme ou encore des services à la personne. Un territoire se doit de regarder tout cela pour ne pas se baser sur une seule activité car l’équilibre du territoire provient de la mixité qu’on peut dégager des économies fondées sur la richesse des espaces.

4. Une solidarité des territoires à promouvoir

     Promouvoir la solidarité des territoires c’est d’abord accepter le jeu de l’intercommunalité. Aucun gouvernement n’a voulu réduire le nombre des 36 000 communes. Pour avoir plus de force et de poids dans un monde mondialisé, pour améliorer la vie de nos concitoyens dans cette période de rareté des financements publics, un territoire se doit de mutualiser ses fonctions, ses compétences et se donner des objectifs communs. L’intercommunalité est finalement une réponse à la nécessaire solidarité entre communes périphériques dans un espace commun. Cela en complémentarité à la péréquation nationale qui ne doit pas s’éteindre.
     Mais la solidarité, c’est également le respect, par les partenaires et notamment l’État, des diversités physiques et géographiques des territoires. Pour la Bretagne, c’est le respect, par l’État, de la volonté des acteurs locaux de se développer à la pointe Bretagne. C’est l’acceptation, et surtout l’accompagnement des projets d’infrastructures indispensables au développement des territoires.
     Pour la Bretagne, j’en vois trois : le défi ferroviaire. La « bataille du rail » en Bretagne, objet de consensus, en est un exemple. Le développement de la Bretagne passe par le développement de l’Est mais aussi de l’Ouest breton. Le TGV à 3 heures de Paris est indispensable à cette attractivité.
     Le défi numérique qui devient également un enjeu pour le développement de tout notre territoire.
     Et enfin, le défi énergétique surtout lorsqu’on se situe à la pointe Bretagne.
     Car développer les territoires par l’activité économique et le maintien des emplois passe par cette solidarité des infrastructures indispensables à leur développement.

5. Des stratégies territoriales diverses et variées à accepter.

     La loi sur la réforme territoriale du 16 décembre 2010 tente à nouveau de peser sur les stratégies territoriales des communes et intercommunalités et oriente les dispositifs vers plus d’intégration intercommunale et de regroupement de territoires.
     La création de métropoles ou encore de pôles métropolitains a donné un souffle supplémentaire aux territoires qui souhaitent travailler et échanger ensemble sur les enjeux qu’ils estiment indispensables à leur avenir.
     Tout cela pèse sur l’évolution de l’armature urbaine bretonne. Et chaque territoire a sa propre stratégie. Pour exemple, la ville de Quimper et l’agglomération de Quimper Communauté ont souhaité, en 2008 reprendre leur stratégie de « moteur » dans le pays de Cornouaille. Cela s’est traduit par une élection à la présidence du pays mais également par la création, avec les intercommunalités de la Cornouaille, d’une agence d’urbanisme et de développement. L’objectif recherché était de mettre en cohérence les territoires notamment lorsqu’il a fallu contractualiser avec l’État et la région Bretagne. Plutôt que de négocier en ordre dispersé, ce travail a permis de rendre compte aux partenaires des priorités du territoire et notamment de la question du numérique essentielle pour le développement de la pointe du Finistère.
     Parallèlement à ce travail de cohérence et de consensus, l’agglomération de Quimper Communauté a souhaité renforcer ses propres compétences et son intégration. Par un travail sur le projet communautaire, il s’agit de se donner là encore des objectifs de développement.
     Enfin, Quimper Communauté tourne son regard vers les autres territoires. D’où la création de l’Entente avec Brest Métropole Océane qui va permettre de promouvoir et de défendre ensemble des projets indispensables pour l’ouest breton. D’où enfin, notre implication très forte dans le B15, devenant B16 depuis le passage de la communauté de communes de Concarneau Cornouaille en agglomération, structure informelle réunissant à l’initiative du Conseil régional de Bretagne les 4 conseils généraux, la Communauté urbaine de Brest et les communautés d’agglomération de la Bretagne.
     Avec modestie et lucidité, il semble que le modèle breton soit celui qui respecte le mieux l’autonomie des collectivités dans leurs choix de territoire. Fondée à la fois sur la solidarité entre territoires, sur le besoin naturel de ces territoires à être attractifs et complémentaires mais également sur leur indispensable union pour défendre leurs intérêts, cette armature urbaine équilibrée doit être maintenue. Pour l’instant, la Bretagne arrive à gérer cet équilibre territorial fait de richesses et de diversité. Gageons qu’elle réussisse ce nouveau défi