Tony Hsieh, fondateur charismatique de l’entreprise de commerce électronique Zappos (vêtements et chaussures), s’intéresse à la ville de demain. L’homme d’affaires a investi ces dernières années tout un secteur en friche à Las Vegas, parcelle après parcelle, pour y installer ses salariés. Depuis, il est passé à la vitesse supérieure en y lançant le projet de création d’une véritable petite ville dans la ville autour d’un concept très « bio », basé sur une économie collaborative et une démocratie participative poussée. Au programme : des écoles, des entreprises et des parcs de loisirs. Elle vient aussi d’accueillir un incubateur complet de start-up dans les domaines de la publicité, de la mobilité décarbonée et des sondages d’opinion. Le projet se chiffre à près de 400 millions de dollars répartis entre les acquisitions foncières, les commerces, l’éducation et un fonds d’investissement. De quoi redonner une image plus sérieuse à la capitale du jeu ! Il est vrai que ces méga-projets sont beaucoup plus faciles à lancer aux États-Unis où la part prise historiquement par les opérateurs privés dans la création de morceaux de ville (edge-cities) est nettement plus forte qu’en Europe. Reste la gouvernance, plus étonnante : Tony Hsieh s’est en effet laissé convaincre par un consultant de gouverner « sa » ville selon les principes de l’holocratie, une manière de supprimer toute hiérarchie en affectant à tous les entrepreneurs et salariés un domaine spécialisé de responsabilité. Ce qui permet, en théorie, de se passer d’administrations intermédiaires.
L’imagination des étudiants en architecture est sans limite ! En Norvège, Martin Mc Sherry, s’est ainsi attaqué à la question de la faible disponibilité foncière dans les grandes villes, en proposant de réaliser des cimetières verticaux à Oslo où l’espace disponible pour cet usage se fait de plus en plus rare. Une tour, modulable et évolutive dans le temps, pourrait permettre de stocker des cercueils en proposant à chaque étage des lieux de recueillement pour les familles. Le projet, qui pourtant reprend l’idée fort ancienne des nécropoles (comme celle de Tipasa), a sans surprise soulevé de vigoureuses critiques. Pourtant, ce type de réflexion est loin d’être isolée, en raison de l’exiguïté de l’espace urbain, que l’on retrouve aussi en Australie ou en Inde. Elle ouvre un débat intéressant et renouvelé sur la place de la mort dans nos sociétés urbaines : sommes-nous prêts, derrière des objectifs poussés de rationalisation de l’usage de l’espace, à nous affranchir de tout lien avec la mémoire des défunts ? À défaut d’y répondre, les gestionnaires norvégiens de cimetières n’ont pas attendu, et accélèrent les choses en injectant dans les cercueils des substances destinées à accroître la vitesse de décomposition des corps.
Dans un registre plus joyeux mais pas moins éphémère, mentionnons ce projet locatif de « Kub » inventé par la société Greenkub et développé tout récemment à Montpellier. Face au déficit d’offre de logement pour les étudiants et à l’appétit de certains propriétaires pour rationaliser l’usage de leur jardin, la société française a proposé ce concept de cube-studio préfabriqué, meublé, recyclable, facilement implantable dans un jardin (ou une cour) d’au moins 150 m² en 48 heures. Le tout, en partenariat avec le groupe immobilier Foncia dans des agglomérations françaises où le logement étudiant se faire rare. Un produit finalement assez proche des locaux professionnels développés dans l’ancien hangar de karting sur l’Île de Nantes. Si l’astuce de cette initiative tient à l’absence de demande de permis de construire, rien n’est cependant dit quant à son équipement en sanitaires, eau, électricité et connexion Internet. Pas si facile, la ville réversible !
Retour aux États-Unis, où New York cette fois s’inspire d’un scénario digne du film Minority Report. Big Apple va en effet déployer un système de sécurisation de ses quais de métro pour anticiper les risques d’accidents et de suicides. Ce système est basé sur des lasers et des caméras thermiques balayant constamment de manière invisible les voies. En cas d’interruption du faisceau, la « signature thermique » permettra de savoir s’il s’agit d’un corps… ou d’un sac plastique pour éviter un déclenchement intempestif des alarmes. Le projet en reste néanmoins encore au stade du test.
Rouler dans les airs, une folie ? C’est pourtant bien ce que propose le célèbre architecte Norman Foster avec son projet de SkyCycle à Londres, qui devrait surplomber les lignes de métro pour contribuer à désengorger un peu la capitale britannique. Le projet est étonnant : près de 200 kilomètres de pistes cyclables sont ainsi prévus, avec une importante capacité d’accueil (plus de 10 000 cyclistes pourraient emprunter ces voies d’une quinzaine de mètres de large). Le principe de ces pistes est assez simple et ne serait pas si révolutionnaire que cela dans le paysage urbain : elles seraient réalisées juste au-dessus des voies de métro en étant soutenues par des pylônes et permettraient ainsi aux usagers un gain de temps considérable sur certains trajets (évitant feux de signalisation et sens uniques). Rien n’est cependant précisé quand aux entrées et sorties possibles le long de ces pistes. ...et des parkings intelligents Dans un registre plus technologique, la métropole londonienne se met aussi à la gestion intelligente du stationnement, en développant sur le territoire du district de Westminster un dispositif de smart parking. On commence désormais à mieux connaître le principe de ces systèmes « intelligents » qui s’appuient sur une série de capteurs électroniques implantés dans le bitume et capables de détecter la présence ou l’absence de voitures sur les places de parking. Les données sont transmises aux automobilistes via leurs smartphones. De quoi permettre de trouver une place très facilement au lieu de passer en moyenne un quart d’heure à en chercher – tout en réduisant d’autant son bilan carbone ! Le coût de ce genre de système demeure important (près de 700 000 euros) mais ne serait pas supporté par une augmentation du tarif des stationnements. La généralisation de ces systèmes dits intelligents, rationalisant à l’extrême l’usage des villes, laisse cependant songeur : le plaisir de vivre en ville, dont une enquête internationale récente a montré qu’il ne cesse de croître dans les grandes métropoles, ne peut se passer de vivre aussi des expériences fortuites…
Il y a quelques années, Dreamlands, une exposition au Centre Pompidou de Paris, présentait la manière dont l’univers onirique et ludique s’était emparé de la ville et permettait de comprendre l’évolution des formes urbaines, uneidée déjà lancée en son temps par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas dans un ouvrage sur Luna Park, New-York Delire. Cette ludification des espaces urbains se retrouve à l’oeuvre dans nombre de projets contemporains dont le tout récent Rubik’s Cube monté sur les façades de l’Ars Electronica Center par un étudiant espagnol en architecture, à Linz, en Autriche. Celui-ci a transposé ce célèbre jeu d’assemblage de facettes de couleurs différentes, sur le système d’éclairage électronique (LED) du bâtiment et propose à tous les passants de s’entraîner à partir d’une télécommande, à la manière du piano musical des marches de métro. Au-delà de la prouesse technologique, cette initiative contribue à atténuer la rugosité de l’expérience urbaine par le biais d’une attraction ludique et « participative ».
C’est un peu dans cette même veine que se situe ce nouveau projet d’auberge de jeunesse dans le 10e arrondissement de Paris accueillant dans ses murs une boîte de nuit géante ainsi qu’un bar. Dans ce projet, la première innovation consiste à avoir réussi à mobiliser un partenaire privé sur l’essentiel de l’opération, le groupe britannique Generator, dans un secteur jusqu’ici majoritairement géré par des associations. Ni l’équipement, ni cette prise en charge par un groupe privé ne se feront ressentir sur les tarifs, les chambres les moins chères restant largement dans la moyenne (12 euros la nuit). La structure, si elle permet à la capitale française de renforcer son potentiel d’hébergement sur ce segment de population, très insuffisant à l’heure actuelle, est aussi porteuse de mixité dans les populations fréquentant l’auberge de jeunesse. L’intérêt de cette interpénétration des circulations urbaines a déjà été démontré dans le cas des foyers de jeunes travailleurs, par exemple.
Les changements climatiques imposent décidément de plus en plus de contraintes aux communes. Depuis quelques années, se préparent ainsi le déménagement puis la disparition du quartier de la Bouillie à Blois, inscrit dans une de ces « zones noires » décrétées après la tempête Xynthia et qui va être amené d’ici 2018 à se transformer en déversoir protégeant la ville en cas de crue de la Loire. Tout récemment, ce sont les résidents de Soulacsur- Mer en Gironde qui ont dû subir de manière précipitée un déménagement de leur résidence située en front de mer. Construite il y a une quarantaine d’années, à plus de 200 mètres du rivage, la résidence s’est fait rattraper par le grignotage du trait de côte et se retrouve aujourd’hui quasiment les pieds dans l’eau et menacée d’effondrement par les grandes marées. Les résidents, délogés, seront indemnisés à hauteur de 50 % de leur nouvel achat. Les grandes agglomérations, comme Bordeaux, ne sont pas épargnées par ces risques. En témoigne la réalisation intéressante sur le site de Brazza par l’équipe composée de l’urbaniste libanais Youssef Tohmé, du paysagiste Michel Desvigne et du bureau Ingerop, d’un programme de logement collectif sur pilotis, dans le territoire de l’Opération d’intérêt national et à proximité de la grande opération d’urbanisme Ginko.
Et du côté de la transition énergétique, il faut souligner ce joli projet de la ville de Limoges qui invente un système d’éclairage urbain très intéressant. Celui-ci exploite les vertus réfléchissantes d’un revêtement fait de granulats synthétiques clairs, couplés à des dispositifs de LED (lampes à faible consommation d’énergie) dont la luminosité s’adapte en fonction du temps et de l’heure de la journée et réduit aussi l’éblouissement. L’agglomération de Limoges, primée à cette occasion par le ministère de l’Écologie et l’Ademe, compte bien s’appuyer sur cette distinction pour communiquer sur son image de ville à la pointe en ce domaine. De quoi rappeler que l’innovation urbaine passe aussi par le choix de matériaux novateurs.
Autre projet, plus paysager celui-ci, à Genève, dans son quartier le plus international avec l’agrandissement et la rénovation des 130 hectares du « jardin des Nations ». Ce secteur de la ville qui abrite près de 30 organisations internationales et 250 ONG recoupe au total trois communes dont deux périphériques à la capitale. Le projet vise à la fois à conforter un couloir de verdure mais aussi à déployer un certain nombre de programmes immobiliers directement liés à ces fonctions internationales. Le siège de l’Organisation mondiale de la santé verrait dès 2015 tout un ensemble de ses pavillons provisoires détruits au profit de la reconstruction d’un nouveau bâtiment.
Et, à Dubaï, c’est cette fois le constructeur français Alstom qui vient d’inaugurer un luxueux objet de mobilité avec ce « tramway diamant », à la fois design et suréquipé, truffé d’accessoires haut de gamme. Destiné à la clientèle fortunée des Émirats arabes unis, il dispose d’une « classe gold » et d’une autre réservée… aux femmes et aux enfants, le luxe n’effaçant pas les ségrégations dans le pays, ainsi que d’un système de climatisation ultrasophistiqué. Un segment de marché pas vraiment à l’ordre du jour dans les villes européennes…
C’est l’agence de Rem Koolhaas qui a remporté la construction du nouveau pont Jean-Jacques Bosc sur la Garonne à Bordeaux, pour un coût de près de 110 millions d’euros. Cet ouvrage est dédié à toutes les formes de mobilités mais sera aussi amené à accueillir des grands événements de la métropole, tout en appuyant une réflexion sur l’extension de son développement urbain vers ses périphéries. Le pont viendra relier deux berges aux ambiances urbaines et paysagères assez différentes, tout en cherchant à conserver la ligne élégante marquant localement l’ensemble des projets. L’agence a parié dans le cas précis beaucoup moins sur un geste architectural que sur la modestie et la discrétion de l’ouvrage, alors que l’un de ses concurrents avait proposé de le diviser en deux parties superposées, l’une réservée aux voitures et l’autre aux modes doux. Il faut dire aussi que la rigueur financière avait déjà menacé à plusieurs reprises la réalisation de ce franchissement