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Histoire & Patrimoine
#14
RÉSUMÉ > À l’Écomusée du Pays de Brocéliande, situé à Montfort-sur-Meu, on peut découvrir une « braye ». Cet outil servant à broyer le lin pour fabriquer du fil témoigne d’une activité textile familiale qui fut très présente dans nos campagnes aux siècles passés.

     La braye, ou broye, est une sorte de presse permettant de casser les tiges du lin. L’utilisateur prend de sa main gauche une grosse poignée de lin, et de l’autre la poignée de la mâchoire supérieure de la broye; il engage le lin entre les deux mâchoires et en élevant puis en abaissant à plusieurs reprises fortement la mâchoire, il détache le bois de la fibre. Ce travail a pour but d’extraire la filasse. L’opération exige beaucoup de soins. Incomplète, elle ne donne pas une belle filasse; trop prolongée, elle use la filasse.

     Apparue au 13e siècle, la braye est employée jusqu’au début du 20e siècle dans nos campagnes pour une utilisation familiale. À cette époque, le lin est encore filé par les femmes de la maison. La meilleure filasse, filée au rouet, est apportée au tisserand du village qui tisse, à la demande, des toiles qui servent ensuite à confectionner des jupons, des chemises ou encore des draps. La filasse de moins bonne qualité sert, quand à elle, à fabriquer des torchons et des sacs.
     Le chanvre est également broyé comme le lin à l’aide de la braye. Il est utilisé pour fabriquer les cordages et les toiles grossières.

     En Bretagne, le travail de préparation du lin et du chanvre se déroule lors de réunions plus ou moins festives selon les villages. Ce travail collectif se fait en famille ou entre voisins durant les longues soirées d’hiver. Les veillées peuvent comporter des danses, des chants, des contes ou encore des jeux. Leur fonction sociale est importante car elles permettent notamment les rencontres entre filles et garçons. C’est également un moment privilégié pour la transmission d’une littérature orale.
     La veillée de teillage, opération qui consiste principalement à piler puis broyer le lin, appelée brârie en gallo, réunit les hommes, les femmes et les enfants à différents postes. Les hommes manient le maillet puis la broye, les enfants leurs passent les poignées de lin prêtes à être broyées et les femmes s’occupent à filer la filasse. Faire le fil est une occupation exclusivement féminine. Les femmes filent à la veillée avec un rouet ou encore au fuseau lorsqu’elles gardent les troupeaux de vaches dans les champs.

     Durant cette période, le travail de la toile en Haute- Bretagne est essentiellement domestique et rural. Les tisserands, pour la plupart cultivateurs, cherchent dans le tissage des toiles, un indispensable complément de ressources, destiné à compenser l’insuffisance de la production agricole. Rares sont donc les familles qui ne travaillent pas la fibre textile aux heures laissées libres par la culture.
     Les différents métiers gravitant autour de l’activité textile, que ce soit ceux de tisserand, de cordier, de fileuse, de filandière, de blanchisseuse, s’exercent donc au sein d’un cadre familial et se transmettent bien souvent de génération en génération.
     Une enquête sur la culture du lin et du chanvre effectuée au milieu du 19e siècle, évoque le déclin de cette activité devenue complémentaire de la culture et de l’élevage. « Le département a toujours produit, en plus ou moins grande quantité, des chanvres pour les besoins domestiques et les usages ruraux, ainsi que du lin, presque tout employé aujourd’hui à faire des toiles pour l’usage de chaque famille. Mais antérieurement, la culture de celuici était plus que double de ce qu’elle est actuellement, et une grande partie en était vendue avantageusement en fil et en toiles. Ce commerce se faisait notamment dans les cantons de Saint-Aubin-d’Aubigné, Bécherel, Saint-Méen, La Guerche et Le Grand-Fougeray. » .

     Au 19e siècle, l’activité textile qui perdure dans le Pays de Brocéliande ne répond plus qu’aux besoins de la population locale tandis qu’aux siècles précédents de nombreuses personnes vivaient de cette seule activité. Le canton de Bécherel qui bénéficie d’un environnement propice à cette production (terres grasses et fertiles, nombreux étangs) connaît du 16ème siècle au 18ème siècle une période d’expansion économique pendant laquelle de grosses fortunes se sont construites grâce à la vente de fil et de filasse.
     Aujourd’hui encore, cette prospérité passée, se laissent admirer sous la forme de splendides demeures de granit. Les nombreuses maisons de tisserands et de marchands qui jalonnent la campagne du canton de Bécherel attestent de l’intensité de ces échanges commerciaux.