Au début du 20e siècle, l’avenue de la Gare que nous donne à voir cette carte postale, éditée par l’entreprise rennaise Mary-Rousselière, est loin de présenter l’encombrement qui est le sien actuellement au gré de travaux destinés à permettre l’arrivée de la seconde ligne de métro.
Elle constitue pourtant déjà, à cette date, un des axes essentiels de la capitale bretonne, orientant le développement de la ville vers le sud de la Vilaine dans une dynamique urbaine il est vrai encore très relative. Reliant la gare et sa large place, à peine perceptible ici, au centre de la cité, l’avenue dessine une longue perspective, bordée d’arbres, qui mène le regard jusqu’à la caserne Saint-Georges dont on aperçoit, tout au bout, la haute et majestueuse silhouette. À cette heure de la journée, peut-être d’un mois d’été, l’animation y est très réduite et sa largeur paraît bien démesurée au regard de la circulation présente. Les charrettes et carrioles qui la parcourent témoignent d’un temps antérieur à l’irruption de l’automobile dans une ville de province, proche de la campagne, dont on se plaît à souligner, parfois avec excès, le caractère assoupi.
Néanmoins, la modernité est bien présente ne serait-ce que par la gare, nouvelle porte d’entrée de la ville, inaugurée officiellement en avril 1857. L’aménagement de la place, qui la borde au nord, répond aux impératifs suscités par l’arrivée des trains dans la cité bretonne, à l’instar du Grand Hôtel sur la partie droite. La présence de colonnes Morris indique aussi que la place est jugée comme un endroit privilégié pour les annonceurs privés et municipaux. Surtout, on note la présence de lignes de tramways, tout récemment installées puisque les premières sont ouvertes en 1897. C’est à cette date, en effet, que les TER (Tramways Électriques de Rennes), spécifiquement urbains, commencent à circuler dans la ville.
Deux lignes partent alors de la gare : l’une rejoint l’octroi de la rue de Fougères tandis que l’autre va jusqu’au cimetière du Nord. Les courbes que dessinent leurs rails sur la chaussée indiquent que c’est sur la place que se situe l’évitement qui permet le croisement des voitures. L’installation de ces lignes a nécessité l’aménagement électrique de l’avenue et on remarque, notamment sur la partie droite, les fils conducteurs du courant et les poteaux qui les soutiennent.
Trois voitures sont présentes sur cette prise de vue dont l’une, bien engagée dans l’avenue, est à peine visible. Au tout premier plan, en partie coupée, on observe une « baladeuse », remorque qui se raccroche aux motrices en cas d’affluence. On y distingue clairement les bancs pour les passagers et les rideaux, ici pliés, qui servent à protéger de la pluie ou de la poussière. Quelques mètres plus loin, contiguë à une colonne Morris, se trouve une voiture automotrice, reliée aux fils conducteurs par deux longues perches, qui paraît à l’arrêt. À l’arrière, la silhouette d’un homme debout, sans doute le contrôleur, se détache. Sur le toit, une inscription publicitaire pour une boisson apéritive illustre la nouveauté de ce moyen de transport.
De cette longue perspective où la modernité urbaine des tramways peine à troubler la tranquillité d’une avenue où piétons et charrettes imposent leur rythme, se dégage l’atmosphère si caractéristique d’une ville de province à la charnière des deux siècles.