À sa manière, la revue que vous tenez les mains participe de la coopération Rennes-Nantes. Le premier numéro de Place Publique Rennes a en effet été lancé sur le modèle de la revue nantaise en septembre 2009, à l’occasion du colloque marquant le coup d’envoi du rapprochement entre les deux métropoles. Depuis cette date, les élus et les services des deux agglomérations ont multiplié les échanges et les partenariats. La quatrième conférence permanente Rennes-Nantes s’est tenue dans les nouveaux locaux rennais du Centre culinaire contemporain, le 6 novembre dernier. L’occasion de dresser le bilan des chantiers ouverts depuis quatre ans.
Cinq grands domaines de coopération ont été identifiés pour que cette démarche ne se cantonne pas à une dynamique institutionnelle, mais puisse s’enraciner dans le concret. De l’aveu même des participants, ce type de rapprochement n’allait pas forcément de soi au départ, même si les études les plus récentes de la Datar, notamment, consacrent les espaces métropolitains comme les lieux privilégiés de l’aménagement du territoire (lire encadré). Le chapitre de l’accessibilité et de la mobilité a d’emblée figuré au menu des travaux nanto-rennais, avec en toile de fond, les discussions sur la liaison ferroviaire entre les deux agglomérations. Sur un sujet aussi complexe, les résultats ne sont évidemment pas immédiats, mais en quatre ans, des avancées ont pu être enregistrées, soulignent les élus. Ils citent notamment la tenue annoncée, pour 2014, d’un débat public sur la nouvelle ligne Rennes-Nantes, qui devrait permettre de réaliser le trajet en 45 minutes, à l’horizon 2030. Une première étape à porter au crédit de leur mobilisation conjointe dans le cadre du Schéma national des infrastructures de transport.
La coopération dans le domaine de la culture a, sans surprise, donné lieu à de nombreuses réalisations conjointes. Une dizaine de programmations communes ou partagées ont ainsi été proposées au public des deux territoires. Citons par exemple l’exposition d’art contemporain RN137 dans le champ des arts visuels, en 2011, ou le partenariat entre le Château des Ducs de Bretagne à Nantes et le Musée de Bretagne à Rennes, de mars à septembre 2013, autour de l’évolution des migrations en Bretagne. D’autres initiatives devraient voir le jour, notamment un appel à projets pour inciter les acteurs culturels rennais et nantais à travailler en commun, afin d’encourager la mobilité des oeuvres et des artistes.
Le tourisme n’a pas été oublié, même si les deux métropoles se positionnent plutôt sur le créneau du tourisme d’affaires. L’idée consiste donc à renforcer la connaissance réciproque des deux destinations par leurs habitants, afin d’encourager des visites croisées. C’est l’esprit de la campagne de communication initiée depuis 2011, assortie d’une tarification spécifique et avantageuse pour les Nantais à Rennes et les Rennais à Nantes, autour d’événements emblématiques. Prochaine étape: la création d’une offre commune de produits touristiques à l’échelle d’une vaste aire incluant le Mont Saint-Michel/ Saint-Malo/Rennes/Nantes/Saint-Nazaire/La Baule. Des tests seront réalisés en 2014 et 2015.
À l’international, la coopération initiée avec le Québec pourrait déboucher sur des propositions de liaisons aériennes renforcées entre Nantes et Montréal.
Mais c’est sans doute dans le champ de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation que la coopération était la plus attendue. À cet égard, l’échec de la candidature commune des universités rennaises et nantaise au premier appel à projets des Initiatives d’excellence, dans le cadre du Grand emprunt, a laissé des traces. « L’enseignement supérieur constitue un enjeu stratégique majeur, la question du prochain appel à projets du Programme d’investissement d’avenir doit être une priorité essentielle », martèlent les élus des deux métropoles, bien décidés, cette fois, à ne pas rester sur le quai. « Nous voulons affirmer l’axe Nantes-Rennes comme l’épine dorsale d’un futur campus de l’Ouest Interrégional, avec les autres métropoles du Pôle métropolitain Loire-Bretagne », soulignent-ils. C’est le cas, notamment, avec Brest dans le domaine de la mer et des énergies marines renouvelables.
En matière économique, enfin, les vieilles rivalités paraissent désormais surmontées. Les deux collectivités tiennent stand commun sur les salons de l’immobilier d’entreprise (Mipim, Simi…) pour tenter d’attirer les investisseurs internationaux qui raisonnent à une échelle spatiale beaucoup plus large que les seules limites administratives territoriales françaises. De nombreuses entreprises nantaises ont des bureaux à Rennes, et vice-versa, notamment dans le domaine de l’aménagement, de la construction et des nouvelles technologies. Toutefois, l’une des revendications fortes exprimée par des chefs d’entreprises lors du premier colloque Rennes-Nantes en septembre 2009 demeure d’actualité : l’idée d’une simplification et d’une harmonisation des règles régionales d’accompagnement et d’appui en Bretagne et en Pays de la Loire avait été plébiscitée, à travers la mise en oeuvre d’une sorte de « guichet unique » interrégional qui permette d’obtenir une égalité de traitement quelque soit le lieu d’implantation du siège social de l’entreprise. Une proposition qui demeure pour l’instant lettre morte, même si des progrès ont été enregistrés dans le sens d’une meilleure coordination.
Quelles seront les prochaines étapes de la coopération Rennes-Nantes ? Après mars 2014, il reviendra aux nouvelles équipes issues des urnes de poursuivre, d’amplifier ou d’infléchir le dialogue inter-métropolitain. « La dynamique est solide et concrète, elle doit se renforcer. Et ce n’est pas seulement une dynamique institutionnelle », souligne Daniel Delaveau, président de Rennes Métropole. « L’axe Nantes/Rennes apparaît comme un pôle logistique majeur pour l’ensemble du territoire, un point d’appui pour le développement économique. Il faudra poursuivre : la tendance en période de crise, c’est souvent le repli sur soi. Or nous avons beaucoup d’atouts communs », renchérit Patrick Rimbert, maire de Nantes, qui fait observer qu’il n’y a pas de véritable capitale européenne sur la façade Atlantique. Ensemble, Rennes et Nantes rêvent d’endosser ce statut, même si pour l’instant les études de la Datar leur dénient ce titre.