Que se passe-t-il donc à Rennes ? Le cinéma Arvor n’a pas démenti sa réputation d’agitateur de l’espace public. Programmé pour quelques jours, le documentaire Les Jours heureux y est demeuré à l’affiche treize semaines ! Chaque soir, la salle du bas s’est remplie et mieux, un débat s’est ensuivi. Bilan : 3 500 spectateurs.
Un phénomène rennais ? On cherche à comprendre non sans trouver dans les contradictions du débat un véritable enjeu de notre histoire rennaise, bretonne et, au-delà, d’une inscription singulière de notre cité dans la citoyenneté. Les relais ont été syndicaux, politiques - le Mouvement de la Paix, Réseau Éducatif Sans Frontières entre autres -, sans compter le bouche-à-oreille pour un documentaire de nécessité. Après Ma Mondialisation et Walter, retour en résistance ou De mémoires d’ouvriers, le réalisateur Gilles Perret revient sur les années 1943-1944. Il retrace le parcours des lois édictées à la suite de ce texte au titre incroyable, Les jours heureux. Il nous conte son utopie folle qui, dans cette période sombre, devint réalité à la Libération… Il décrit le démantèlement opéré depuis sa création, questionne l’insatisfaction sociale actuelle, les Résumé > Les jours heureux, c’est un documentaire qui est resté treize semaines à l’affiche d’un cinéma rennais, chaque projection étant suivie d’un débat public passionné et passionnant. Consacré à la période de la Libération et au programme du Conseil national de la Résistance, ce film engagé a connu à Rennes un succès inattendu, qui en dit long sur le goût de la mise en débat dans la ville. À quelques semaines des élections municipales, l’événement prend un sens particulier. texte > GILLES CERVERA réponses à la Jivaro idéologique des politiques (Copé, Mélenchon, Hollande entre autres) et montre comment les valeurs universelles portées par ce programme pourraient irriguer l’aujourd’hui. D’où l’irrigation du débat rennais !
Les jours heureux évoque l’histoire de ces fondateurs, Moulin, Hessel, Aubrac en convoquant historiens, journalistes, analystes et spécialistes qui déplorent la déconstruction de ce programme par quelques-uns pour constater unanimement : « le programme du Conseil National de la Résistance est d’une actualité criante et il y a urgence à le rendre visible en le remettant sur le devant de la scène. » Intérêt commun supérieur aux intérêts particuliers, Sécurité Sociale, liberté de la presse, droit du travail figurent en toutes lettres dans ce texte. Le débat rennais, lui, a marché sur deux jambes, celle de l’histoire inouïe de ces hommes de 1943 préparant la sortie de guerre au nom de l’intérêt commun quand l’autre jambe se campe sur le « comment faire maintenant ». Citons en vrac, quelques paroles entendues ces soirs-là, et ce n’est qu’un pourcentage infime des expressions du débat de l’Arvor !
Cette agora multiforme met à jour un besoin d’engagement. Le film le réveille et constatons qu’à Rennes, ce désir ne demande qu’à émerger. Sans doute les Conseils de quartier et toutes les autres initiatives de démocratie participative sont-ils loin d’étancher cette soif. Sans doute y a-t-il à redessiner la démocratie de la parole et surtout les actes qui l’engagent. Sans doute aussi à soumettre à la question les acteurs politiques. Si l’on souhaite qu’ils gouvernent en cohérence, sûrement est-il nécessaire qu’ils ne cumulent pas, se désencastent et se relégitimisent par l’écoute réelle ensuivie d’actes. Ce forum n’a rêvé de rien d’autre que tenter, dans cette ville d’intelligence et de moindre intolérance, un gouvernement désendogamisé et désexpertalisé ! Laboratoire pour les municipales ! Un CNR de Rennes, toutes proportions gardées… Et François Astolfi, celui par qui ce film et le débat ont eu lieu avec autant d’acuité, de poursuivre dans l’Humanité : « Si les Jours heureux nous permettaient d’élaborer une nouvelle charte du CNR, ça serait super! Nous pourrions le présenter au prochain rassemblement sur le plateau des Glières. Le film, ce n’est que l’écume, la vague, c’est nous ! » Le débat n’a pas perdu de vue qu’il y a loin entre les enjeux mondiaux de 1944 et la possibilité d’une véritable jonction rennaise entre réalité globale et action locale, et surtout entre passions de droite, passions du centre et passions de gauche ! Les échanges sont loin d’être clos.