<
>
Dossier
#21
Vivre avec 300 € par mois : l’expérience de Pauline
RÉSUMÉ >  C’est le témoignage de Pauline, jeune Rennaise de vingt-cinq ans. Elle avait fortement marqué les personnes qui participaient à une rencontre de retraités d’Ille-et-Vilaine. Elle a accepté de poursuivre l’échange avec Place Publique à l’heure où une étude révèle que 23% des 16-25 ans vivent dans la pauvreté.

PLACE PUBLIQUE> Comment peut-on vivre avec 300 euros ?

PAULINE
> C’est le montant de l’indemnité que je perçois comme stagiaire de la formation professionnelle. Ces ressources correspondent pour moi à la fois à une contrainte économique et à des convictions. J’ai des habitudes de consommation et un mode de vie pour lequel j’ai fait le choix de la sobriété. Je ne suis pas dépensière.    

 

PLACE PUBLIQUE > Pouvez-vous préciser vos postes de dépenses ?

PAULINE >
Je me fixe des priorités. Pour le logement, j’ai une chambre dans un foyer de jeunes travailleurs (FJT) qui, avec l’allocation logement, me revient à 130 euros. Pour l’alimentation, je pratique souvent la récup’ des fruits et légumes à la fin des marchés. Avec tout le gâchis des denrées jetées dans les poubelles des hypermarchés, on peut subsister en prenant quelques précautions pour la sécurité et à condition d’avoir un moyen pour transporter les produits. Concernant mes déplacements, je bénéficie de la carte Korrigo pour les transports en commun et j’utilise le vélo ; je choisis le covoiturage ou le stop pour les trajets plus longs. À Rennes, l’offre culturelle gratuite ou à coût réduit est importante : la carte Sortir est intéressante pour les personnes à revenu modeste. Le tissu associatif dense me permet de rencontrer facilement mes amis.


 

PLACE PUBLIQUE > C’est un choix de vie ?

PAULINE >
Oui, pour moi, c’est un choix. Je me suis toujours adaptée. Je pense que dans l’absolu, ce choix serait possible pour tout le monde, mais je suis consciente que j’ai bénéficié de facteurs favorisants. Je n’ai pas eu d’épreuves très difficiles dans ma vie et je peux compter sur ma famille pour m’accueillir en cas de souci. Ce qui compte surtout, c’est la confiance en soi. Pour avoir cette confiance, l’entourage est très important. Les diplômes y aident aussi (je suis en IUT). Le plus grave pour une personne est d’avoir toute la journée une image dévalorisée de soi-même. J’évite de me laisser contaminer par la pub et les medias, j’essaie de me protéger des futilités et de m’accrocher aux choses qui sont essentielles, à celles dont on a vraiment besoin. Cette sensibilité n’est pas forcément partagée, mais je ne peux pas agir à la place des autres. Je trouve autour de moi certaines situations révoltantes, par exemple les grandes inégalités de salaire. Je suis d’accord pour admettre qu’il peut y avoir des différences selon l’effort personnel, mais les écarts sont beaucoup trop importants et il faut se rappeler que chacun n’a pas bénéficié des mêmes chances pour arriver à sa situation d’aujourd’hui.

 

PLACE PUBLIQUE > Les changements que vous souhaiteriez dans la société ?

PAULINE >
Je voudrais que l’on mette explicitement en débat les sujets principaux de façon neutre, sans manipulation, pour que chacun puisse se faire son opinion. Je souhaiterais qu’il y ait davantage d’entreprises à s’organiser en coopératives et que de haut en bas les bénéfices soient partagés entre tous. Une bonne idée serait qu’un revenu minimum soit assuré à tous et que chacun gagne ensuite en fonction du travail qu’il fournit. Il faudrait davantage de possibilités de choix pour organiser ses périodes de travail et par exemple ceux qui le souhaitent pourraient prendre des années sabbatiques. Je pense que la valeur travail est plus importante que par le passé. Il me semble qu’avant on acceptait plus facilement le travail qui se présentait alors que moi je cherche un travail qui me plaît car je ne souhaite pas rentrer déprimée le soir chez moi. Je suis exigeante sur l’équilibre entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle.

 

PLACE PUBLIQUE > Comment voyez-vous l’avenir ?

PAULINE >
Je sais que je fais partie d’une minorité ; ce que j’essaie de vivre n’est pas très voyant et ne fait pas partie des orientations majoritaires, mais j’ai confiance dans les évolutions culturelles qui sont fortes en profondeur. Je sens de plus en plus d’intérêt autour de moi pour réfléchir à cette question de nos modes de vie. Les jeunes y sont sensibles mais je ne sens pas vraiment de coupure de génération et je rencontre des personnes de tous les âges qui partagent mes convictions.