La recherche se trouve-telle bien à Rennes ? Rien de provocateur dans cette interrogation à double sens. Plutôt l’envie de faire le point sur cette activité souvent mise en avant dans les discours officiels vantant une « ville en intelligence ». Plusieurs actualités récentes nous y ont d’ailleurs incités. À commencer par le chantier de l’emblématique Cité internationale, qui accueillera début 2016 des chercheurs étrangers venus passer quelques mois dans les laboratoires rennais. Autre élément, plus « scientifique » celui-là : la publication, en décembre dernier, d’une étude approfondie de l’Agence d’urbanisme, l’Audiar, qui a ausculté dans le détail les forces – mais aussi les faiblesses – de l’enseignement supérieur et de la recherche dans la métropole rennaise.
Que nous apprend cette enquête, dont nous publions une synthèse ? Que la recherche publique et privée ne manque pas d’atouts sur ce territoire, grâce à des équipes d’excellence dans des domaines de pointe. On pense notamment au numérique, aux sciences du vivant, mais aussi à la chimie, l’agroalimentaire ou les mathématiques… Mais, et c’est le point de vigilance à ne pas négliger, cette matière grise peine parfois à se faire entendre en dehors des frontières hexagonales, voire régionales, alors même que le terrain de jeu, dans de nombreuses disciplines, est désormais a minima européen.
Lorsque Place Publique a décidé de consacrer le dossier de ce numéro à cette thématique, il y a déjà plusieurs mois, la fusion entre les universités Rennes 1 et Rennes 2 était toujours à l’ordre du jour. Nous y voyions d’ailleurs un argument supplémentaire pour ausculter la recherche à l’aune de ce rapprochement prometteur. Mais début janvier, patatras ! Le président de Rennes 2 a été désavoué par ses troupes sur les conditions de la fusion, jugées défavorables à leur camp pour ne pas respecter une stricte parité avec l’université voisine. La suite est connue : la démission en bloc du conseil d’administration a entraîné celle du président Gombert et la nomination d’un administrateur provisoire, qui doit préparer de nouvelles élections dans les prochaines semaines. Difficile, toutefois, d’imaginer encore possible une fusion au 1er janvier prochain, comme le prévoyaient les textes initiaux.
Et la recherche, dans tout cela ? Justement, de nombreux observateurs se félicitaient de voir ainsi encouragé le dialogue entre des disciplines complémentaires, avec les sciences dures, bien représentées à Rennes 1, et les sciences humaines et sociales, fleuron de Rennes 2. En appartenant à une seule et même université, les champs de la coopération s’en seraient trouvés facilités. Évidemment, le statu quo qui semble à présent l’emporter ne ruine en rien les coopérations déjà à l’oeuvre, et elles existent. On peut seulement regretter d'avoir raté une opportunité historique d’aller plus loin. Or justement, l’histoire, souvent tumultueuse, de l’université rennaise nous apprend que de telles occasions ne sont pas si fréquentes. Le risque est donc bien réel de ne pas retrouver de sitôt les conditions d’un tel rapprochement.
Bien entendu, les arguments de ceux qui critiquent la course à la taille pour la taille méritent d’être entendus. Et les exemples étrangers – notamment américains – cités dans notre dossier prouvent qu’en matière de recherche, le nombre d’étudiants inscrits dans les facultés ne signifie pas grand-chose. Critère beaucoup plus décisif : celui des moyens financiers alloués à cette recherche. Un vrai sujet, mais qui, en France, ne se décide guère à l’échelon local. Même s’il convient de souligner les efforts consentis par les collectivités pour améliorer, à leur échelle, les conditions d’accueil des chercheurs. La future Cité internationale Paul Ricoeur l’illustre clairement.