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Initiatives urbaines
#12
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Eso-Rennes (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique.

Le privé prend une place toujours croissante dans la fabrique urbaine. En Corée, par exemple, le groupe Samsung vient de s’engager à mettre sur pied une ville utilisant principalement les énergies éolienne et solaire et pouvant accueillir quelque 20 000 personnes. Pour cette ville verte, le groupe a investit près de 5 milliards d’euros, la construction devant démarrer en 2021. Prévue pour être bâtie sur une zone marécageuse située à 200 km de Séoul, dans la région de Saemangeum, la ville accueillera des centres de recherche qui seront comme on peut s’en douter axés sur les énergies vertes et des logements destinés aux employés et à leurs familles. Ce projet intervient alors que la Corée du Sud entend réduire de manière considérable sa dépendance énergétique (actuellement de l’ordre de 97 % !) Autre cas, en France, avec une opération de « naming » pour l’Arena de Montpellier qui va être rebaptisée Park&Suites Arena. La nouvelle salle multifonctions de 14 000 places, gérée par la Sem Enjoy Montpellier, portera jusqu’en 2023 le nom de Park&Suites, groupe national d’hôtellerie d’affaires d’origine montpelliéraine. Ce partenariat, dont le principe a été adopté par les collectivités locales actionnaires d’Enjoy Montpellier, sera officialisé en juillet, après une délibération du conseil régional. Le contrat de naming comprend de nombreuses modalités techniques, de partenariat et, en particulier – nerf de la guerre ! - une contribution financière moyenne de 750 000 euros par an, la moitié du budget annuel en communication de Park&Suites… Le partenariat démarrera officiellement le 1er juillet 2011 et va bien au-delà du seul naming, puisque Park&Suites apporte aussi 500 000 euros pour entrer au capital d’Enjoy Montpellier, la « marque » de cette agglomération décidément bien en phase avec le management d’entreprise…

Un grand nom pour reconquérir la citadelle d’Amiens

C’est Renzo Piano le célèbre architecte italien qui vient de remporter le concours visant à la réhabilitation des 18 hectares de la citadelle d’Amiens, un projet de 160 millions d’euros visant à valoriser le site et à donner plus de cohérence à la trame urbaine. Celui qui a été un des concepteurs du centre Georges-Pompidou à Paris était à l’occasion de ce concours, le rival de Jean Nouvel, mais son dossier a été jugé par la communauté d’agglomération, maître d’ouvrage de l’opération, comme « le plus pertinent pour ouvrir le site de la Citadelle au plus grand nombre et favoriser l’implantation du programme universitaire de l’Université de Picardie Jules-Verne ». Présenté comme le chantier phare de l’actuelle majorité socialiste d’Amiens Métropole, la reconversion de la citadelle représente un lourd investissement nécessaire pour assurer la réhabilitation de l’ensemble où seront transférés à partir de 2015 les pôles « humanités », « sciences humaines et sociales » et l’IUFM, actuellement basés au sud de la ville. Le projet est plus largement le point fort d’une entreprise de désenclavement social et résidentiel entre la ville et ses quartiers nord, ce qui a déjà poussé Piano a prévoir de valoriser la réserve foncière disponible de 5 hectares afin d’y installer un nouveau quartier d’habitation à l’horizon de 2020.

Offre colocation gratuite contre animation !

Jolie idée de Toulouse qui vient de lancer une opération intitulée « Kaps », pour « Koloc’ à projet solidaires ». Celle-ci a permis à dix étudiants d’intégrer des appartements en colocation aux loyers très bas, en échange de leur implication dans des projets éducatifs ou culturels au sein de leur quartier. Les « Kapseurs » ont été sélectionnés parmi 80 candidats par l’association de la Fondation étudiante pour la ville (Afev). Pour une place dans un T4 situé dans le quartier toulousain de Bagatelle, en compagnie de deux autres étudiants qu’il ne connaissait pas avant, l’heureux élu paye entre 141 et 182 € de loyer. Le Crous assure l’entretien des habitations et fournit une partie du mobilier. En échange de ces faveurs, les bénéficiaires du programme montent des projets à destination des enfants du quartier. Cette démarche, destinée selon la ville à créer « une vraie mixité sociale », pourrait être étendue à la rentrée prochaine.

Deux nouvelles villes près d’Istanbul

Les sismologues affirment qu’Istanbul et ses environs sont menacés dans les années qui viennent d’un puissant séisme, le long de la faille nord de l’Anatolie qui passe à une vingtaine de kilomètres seulement de la métropole, dont la population est estimée à 15 millions de personnes. Dans ce contexte, l’État turc envisage la construction de deux villes à proximité de la capitale : l’une des villes sera bâtie sur la rive européenne, le long du littoral de la mer Noire, et l’autre sur la partie asiatique. Ce projet pharaonique devrait commencer après les élections (législatives) du 12 juin, l’occasion de témoigner d’une véritable transformation de l’urbanisme après le terrible séisme de 1999. L’objectif est donc de déplacer les quartiers menacés vers ces nouvelles zones d’habitations. Quelle démarche pour inciter les habitants à partir ? A priori, le volontariat….

Se chauffer en ville, par tous les moyens

On connaissait le chauffage à partir des réseaux de chaleurs de déchetterie, voici une autre piste que viennent d’expérimenter simultanément Paris et Nanterre : celle des égouts. Les habitants des 650 logements de l’écoquartier Boule/Sainte Geneviève de Nanterre vont ainsi bénéficier d’un mode de chauffage original puisqu’ils vont profiter d’un système de récupération des eaux usées et de géothermie, qui fournira plus de 50 % de la chaleur des foyers. Techniquement parlant, la pose d’échangeurs thermiques sur le réseau d’assainissement offre la possibilité de récupérer la chaleur des eaux usées qui est valorisée à l’aide de pompes à chaleur. Le projet est évalué à 3,795 millions d’euros, financés par Cofely, filiale de GDF-Suez et Eau, et Force, filiale de Lyonnaise des Eaux, qui a mis en place le procédé Degrés Bleus, permettant de récupérer les eaux usées. Le dispositif est d’ailleurs déjà utilisé pour chauffer la piscine de Levallois-Perret ou la mairie de Valenciennes mais il n’a jamais été testé sur des logement collectifs», Même démarche à Paris, avec une grande première que cette école puisant sa chaleur dans les célèbres égouts. Cette énergie permettra de couvrir plus de 70 % des besoins annuels de chauffage du groupe scolaire Wattignies dans le 12e arrondissement (400 élèves en maternelle et primaire). La « matière première » y est disponible 24 h sur 24 : les eaux usées des lavelinge et lave-vaisselle circulent en permanence dans les égouts d’une mégapole comme Paris à une température moyenne de 15 degrés. Cette fois, la récupération de la chaleur passe par le passage des eaux des égouts sur une plaque en inox intégrant un fluide caloporteur, qui vient alimenter une pompe à chaleur installée dans le sous-sol du groupe scolaire, qui elle-même réinjecte la chaleur dans la chaufferie traditionnelle reliée aux radiateurs de l’immeuble. L’économie au final n’est pas banale : 30 000 € par an.

Les anciens lieux religieux voient décidément s’accentuer leur nouvelle vocation : ainsi à Tourcoing, des HLM vont remplacer l’ancien presbytère, dans le quartier de La Croix Rouge, avec sept appartements (du T2 au T3) et dixhuit maisons allant du T3 au T5, une opération qualifiée d’exemplaire par le maire, Michel-François Delannoy. Même évolution à Nancy où une église catholique sera transformée en centre commercial. Construite dans les années 1960 par Henri Prouvé, frère de l’architecte Jean Prouvé, elle va être vendue à un promoteur immobilier qui veut en faire un lieu dédié au commerce, une procédure extrêmement rare, selon le diocèse de Nancy-Toul. Face à la raréfaction des fidèles, l’église Saint-François d’Assises avait été mise en vente en 2007 par le diocèse : ni la commune, ni la communauté urbaine du Grand Nancy ne souhaitant reprendre l’édifice, un promoteur a acheté l’ensemble pour 1,3 million d’euros. L’édifice de béton avait été construit au moment d’une phase d’extension de l’agglomération de Nancy.

Les villes soignent leur littoraux, de New-York… à Saint Brieuc

Oui, les plages et fronts de mer restent du sérieux, en urbanisme, comme en témoigne New York qui enclenche la rénovation de son littoral, D’ici à 10 ans, parcs, esplanades, zones de ferries et autres logements agrémenteront les rivages de la métropole. Michael Bloomberg, maire de New York, a tout récemment annoncé ce projet qui s’étendra sur les dix prochaines années. Dans un premier temps, un plan sur 3 ans comprendra quelque 130 projets, dont le développement de plus de 20 hectares de parcs qui seront aménagés sur le littoral, 14 nouvelles esplanades, ou encore de nouvelles liaisons en ferriesentre l’île de Manhattan et les districts les plus éloignés. Ce plan devrait générer la création de 13 000 emplois temporaires dans le secteur du BTP, et de quelque 2 400 postes permanents. Parallèlement, un plan sur 10 ans baptisé Vision 2020 parachèvera l’objectif final de rénovation des 840 km de front de mer. Un souci, certes d’une moindre ampleur, à Saint Brieuc où des propositions d’aménagement du quartier de « la plus belle plage de l’agglo » viennent d’être présentées. En septembre 2010, les ville de Plérin et Saint-Brieuc Agglomération avaient effectivement engagé ensemble une étude visant à établir un schéma directeur du réaménagement de la station des Rosaires- Tournemine, et ce sont les proposition du cabinet Saga Cité, retenu, qui ont été rendues publiques. L’objectif est un sérieux réaménagement visant à en faire un espace de prestige et plus que jamais agréable. Plusieurs problématiques seront à résoudre à court, moyen ou long terme. Il faudra d’abord réfléchir aux problèmes de circulation et de stationnement, protéger le patrimoine existant, intervenir prioritairement sur le secteur d’entrée dans la station, aujourd’hui peu attractif, envisager la rénovation de quelques secteurs en déshérence. Une des pistes serait l’extension de l’esplanade principale, un grand immeuble d’habitation, des gîtes d’étapes…

Le tramway d’Alger, créé en 1892 et démentelé en 1959, se retrouve à nouveau sur les rails : avec près de deux ans de retard, le premier tronçon en cours de construction, vient d’être inauguré entre deux secteurs de l’est de la ville, a annoncé le ministre algérien des Transports Amar Tou. Alstom a vendu son Citadis, l’exploitant sera la RATP. Les travaux eux-mêmes avait été lancés en 2007 par Alstom, pour la partie système ainsi que l’italien Todini et l’algérien ETRHB pour la partie génie civil. Le tronçon de 7,2 km mis en service reliera des zones très peuplées de la capitale algérienne et devrait être emprunté par 10 000 à 15 000 personnes par jour, selon les responsables du projet. Alger n’est pas la seule d’ailleurs : Oran, Constantine et d’autres villes portent aussi des projets de tramways. Retour en France où le choix de noms de stations de tramway ne sont pas toujours une mince affaire… Brest explore une solution plutôt innovante en ouvrant un exercice de démocratie participative à cette occasion. Les Brestois ont eu en effet un mois pour choisir les noms de 18 des 27 arrêts de leur futur tramway, une initiative unique en France. Ils ont pu voter sur Internet pour choisir le nom de dix-huit des vingt-sept stations reliant la route du Conquet aux zones commerciales de Kergaradec et du Froutven, en passant par sept quartiers de Brest. Qu’on se rassure, impossible de voir en tête des noms exotiques : pour chacune, deux ou trois noms étaient proposés, soit un total de quarante propositions, entre lesquels les habitants ont eu à choisir. À l’origine de ces propositions, un groupe de travail représentatif des habitants des zones desservies par le tram. Entre octobre 2010 et février 2011, les conseils consultatifs de quartiers et les représentants de trois communes concernées ont planché sur la future toponymie des 14,3 km de ligne.