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Initiatives urbaines
#08
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Reso (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’ Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique.

Nouveaux noms, nouvelles marques: les (grands) habits neufs du marketing urbain

C’est une déferlante du grand dans les agglomérations françaises ces dernières semaines, autour de changements de nom ou de fusion de périmètres. Ainsi, la communauté de l’agglomération troyenne devient le Grand Troyes, nouvelle dénomination qui tient compte de l’extension du périmètre de l’agglomération. Longtemps tabou, le terme de Grand Troyes reste encore aujourd’hui conflictuel, par peur d’une hégémonie de la ville-centre, à l’heure où, pourtant, l’agglomération a accueilli un 12e membre en 2009 (Saint-Germain) et s’apprête à en intégrer au moins deux autres (Buchères et Saint-Léger-près-Troyes). Puis, le Grand Chartres devrait voir le jour en janvier 2011: Chartres Métropole passera de 7 à 33 communes avec un périmètre proche de celui du Scot, après la fusion avec les deux communautés de communes de l’Orée de Chartres, du Val de L’Eure et de la commune de Barjouville qui faisait cavalier seul. Ce Grand Chartres permettra – c’est encore moins original – de « marier la ville et la campagne ». La communauté intégrera ainsi de nouvelles compétences comme la gestion et l’entretien des vallées ou encore l’entretien des chemins ruraux. Le Grand Avignon n’est pas en reste et projette de devenir encore plus grand, avec un processus de fusion de la communauté d’agglomération d’Avignon et de la communauté de communes des pays de Rhône et Ouvèze.
Même effervescence du côté de la fabrique des images de marque : pour se promouvoir, la région urbaine de Saint-Nazaire s’est dotée d’une marque et d’un réseau. Audacity va fédérer les acteurs économiques de Saint-Nazaire et de sa région autour d’un engagement commun: la promotion et le développement économique. Entreprises, chercheurs, collectivités, établissements d’enseignement, tous les acteurs économiques de la région nazairienne sont donc invités à rejoindre le réseau et à devenir « Audacitizen »! Elle suit Marseille qui s’est doté d’une marque « Marseille on the move » pour mieux s’exporter, mieux valoriser son attrait touristique national et international et ses équipements de congrès et d’hôtellerie…

Lorsque les villes se débarrassent de leurs bouchons

À Lyon, marcher c’est gagner du temps (de vie) et de l’argent: le collège Vendôme vient de réhabiliter la marche à pied et de faire aussi quelques économies, en supprimant le car qui transportait les demipensionnaires entre l’établissement et la cantine. Avec l’aval des parents d’élèves et du collège, le conseil général – qui s’acquittait de 44 200 € chaque année pour mettre des cars à disposition de l’établissement – a donc choisi de faire marcher les 200 demi-pensionnaires le long des 600 m qui séparent la cantine du collège, accompagnés de six personnes issues d’une entreprise spécialisée dans l’insertion.
Plus technologique, le projet de « Straddling bus », le bus écolo anti-bouchons, présenté par un groupe chinois. Il « enjambe » la route (comme une machine à vendanger) pour réduire les embouteillages, le bruit et la pollution dans les grandes métropoles. Cette technologie futuriste verra le jour dans un quartier de Pékin, où les travaux débuteront à la fin de l’année, Le « bus chevauchant » haut de 4,5 m et large de 6 m circulera sur des rails placés des deux côtés de la chaussée, au-dessus des voitures présentes sur la route. Le système qui peut atteindre les 60 km/h, devrait permettre de réduire de près de 30 % les effets des embouteillages sur les axes principaux, atténuant quelques-uns des problèmes de circulation dans les grandes agglomérations chinoises. Au-delà de cet avantage majeur, le bus fonctionne à l’énergie électrique rechargée par des panneaux solaires et pourrait transporter 1 200 personnes. Mieux : la construction des équipements nécessiterait peu de temps: un an pour 40 km, contre 3 ans au mieux pour un métro classique.
Chassez les bouchons, ils reviennent toujours! On sait que l’affluence de bicyclettes produit de nouveaux types de congestions, mais ce sont des bouchons d’un genre nouveau auxquels s’est attaquée une organisation spécialisée dans les happenings urbains, Improv Everywhere, les bouchons de… piétons. La « Tourist lane », ligne tracée au sol avec de la peinture, sépare les trottoirs intensément fréquentés entre touristes nonchalants et New-Yorkais ultra-pressés qui évitent ainsi de se percuter. Initiative curieuse qui questionne malgré tout les nouveaux défis lié à la croissance des mobilités douces.

Des frémissements se font sentir dans les alternatives aux tours de grande hauteur. Si, en France ou aux Etats-Unis, les éoliennes en mer font des vagues, dans d’autres pays, elles sont largement utilisées, comme en Norvège où le parc off-shore est l’un des plus importants d’Europe. C’est pour exploiter ce potentiel qu’un cabinet d’architectes portugais, a imaginé un village touristique, baptisé Turbine City dont les résidences pour vacanciers seront situées en pleine mer dans de gigantesques éoliennes mises en réseau: les plus puissantes des 49 éoliennes prévues formeront un archipel. Situées à Stavanger, capitale du pétrole off-shore de la Norvège et surtout un des endroits les plus venteux d’Europe, les turbines intégreront dans leurs mâts des hôtels, un musée, des magasins et même des spas. Toutefois, si cette échéance fait rêver, le projet reste pour l’heure une utopie puisque les éoliennes en mer n’atteignent pas encore une capacité suffisante (8 Mégawatts) même si de nombreux projets de turbine, allant de 5 à 10 MW, sont à l’étude, notamment en Amérique.
En attendant, en Belgique, c’est un château d’eau datant de 1938 qui a été transformé en habitation par un cabinet d’architecture bruxellois, Bham design studio. Monument classé en 2004, utilisé comme tour de guet par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale, le château d’eau du village de Steenokkerzeel, au nord de Bruxelles, est aujourd’hui une maison de six étages disposant d’une terrasse panoramique. Une autre piste est explorée à Vienne avec la Bahnorama, la plus haute tour en bois d’Europe, dans le nouveau quartier de la gare centrale. Inaugurée en août, cette tour de 66 m fait, à sa base, 7 m sur 7. Simple poste d’observation (une plate-forme a été aménagée à 40 m de haut), elle est devenue l’emblème futuriste et écologique du développement du quartier en construction autour de la nouvelle gare centrale de Vienne. L’ascenseur, inséré dans les 160 m3 de bois, est lui en verre. La tour est toutefois provisoire puisqu’elle sera démontée dans cinq ans à la fin de la construction du nouveau quartier.
Rappelons (Place Publique Rennes n° 2) que la ville de Kirkenes en Norvège veut construite la plus haute tour en bois habitable au monde: haute de 17 étages (plus de 40 m), elle offrira une surface habitable de 10 000 m2 et accueillera des bureaux, une bibliothèque, un théâtre et des espaces dédiés à la création et à la recherche.
Peut-être de quoi inspirer Jean Nouvel qui vient de dessiner l’immeuble le plus chic de Rennes, entre la Vilaine et le mail Mitterrand. Ce bâtiment tout de verre et de métal, en forme de proue, drapé d’une double peau végétale, est pensé pour voir autant que pour être vu.

Les Capucins passent à la vitesse supérieure à Brest

Le grand projet d’aménagement brestois prend forme, autour du programme des Capucins situé rive droite sur l’ancien site industriel de l’arsenal: il devra être réalisé d’ici 2020 et proposer notamment 700 logements. La plupart des objectifs de transformation des modes de vie, de mixité sociale et de diversification de l’habitat s’y retrouvent: pas de circulation automobile dans l’éco-quartier, mais un parking permettant ensuite à des navettes électriques de relier le site au tramway. Une partie haute concentre l’habitat et les services alors que la partie basse laisse place aux activités de loisirs, culturelles et commerciales. Tout en revendiquant clairement une volonté de réconcilier deux parties de cette ville divisée entre le civil et le militaire, le projet souhaite aussi réaliser, pour les institutions et ses concepteurs, un trait d’union entre une architecture traditionnelle et une autre résolument contemporaine. Ecole d’architecture, cinémathèque, centre des arts… la compétition pour être intégré au programme est déjà rude.
Mais une des pièces maîtresse est celle du franchissement de la Penfeld, permettant de relier, à pied ou à vélo, les Capucins au bas de la rue de Siam: devant l’impossibilité de réaliser une passerelle, l’idée est née de construire un pont transbordeur. Courants au début du 20e siècle, ces ponts à transbordeur ont quasiment disparu du paysage: ils avaient pourtant l’avantage de faire traverser une rivière sans gêner le passage des navires. Un tablier métallique relie le sommet de piles très élevées. Les passagers prennent place sur une nacelle suspendue au tablier par des câbles et faisant la navette entre les deux rives. Une solution à Brest où la contrainte reste forte pour la circulation en Penfeld des bâtiments militaires? Débat ouvert!

Toute récente, l’étude publiée par Les Echos a fait largement parler d’elle, dévoilant une carte de l’attractivité des villes françaises assez différente de celles déjà publiées. Peut-être un peu limitée par sa méthodologie et les critères retenus, cette étude n’est pas moins importante pour souligner une réalité largement vérifiée par ailleurs: la place croissante prise par l’attente de service de proximité chez les urbains (Rennes et Nantes ne tirent pas vraiment leur épingle du jeu sur ce plan-là). Il faut dire que d’autres créneaux montants de la compétitivité s’affirment : ainsi, suite à l’annonce par les Nations unies de l’année internationale de la biodiversité, NatureParif, l’Agence régionale pour la nature et la biodiversité, organise un concours pour élire la « Capitale française de la biodiversité ». 80 villes sont maintenant en compétition, et la concurrence est très dure sur ce plan-là en particulier entre Lyon, Angers et Nantes. Une compétition dont la nature a sans doute de quoi se réjouir! La biodiversité urbaine ne cesse de croître, avec parfois des effets mitigés: si Nantes se félicite du retour de la loutre, Berlin ferme certaines rues à cause de corneilles agressives: les attaques de volatiles contre les passants deviennent si fréquentes que les autorités déconseillent certains trottoirs!

De la prospective, pour l’aménagement des métropoles

La compétition des tours ne faiblit pas: si la plus haute tour sud américaine sera ouverte en 2012, à Santiago du Chili, elle est battue par Bombay qui va construire la plus haute tour résidentielle du monde : 442 m (117 étages).
Difficile d’échapper aux limites de la démocratie participative urbaine surtout lorsqu’elle concerne un projet de l’ampleur de la Diagonale Cerda (Avinguda Diagonal) traversant la ville de Barcelone. Le référendum consultatif lancé par le maire à la suite de son projet de réforme n’a pas été un grand succès: seuls 10 % des Barcelonais ont voté et 80 % se sont déclarés contre l’opération. La municipalité visait à transformer cet axe de 11 km imaginé par l’urbaniste Cerda, pour les 150 ans de sa naissance. C’est la première fois que les Barcelonais sont consultés sur un projet de réforme urbanistique majeur.
Dévorer la ville, en livre! Succès croissant, pour le phénomène de bookcrossing dans toutes les villes du monde, consistant à déposer un livre n’importe où (dans un abribus, un lieu public…) pour permettre à d’autres personnes de le lire. Cette initiative des plus originales fonctionne depuis déjà longtemps, mais rencontre un engouement croissant grâce aux réseaux sociaux internet. Voilà une gigantesque bibliothèque urbaine à ciel ouvert et libre d’accès. Mieux encore que l’apéro Facebook, les fanatiques de ce doux sport urbain organisent des rassemblements de lecteur passionnés: qui a dit que lire était une activité solitaire?