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Dossier
#16
Des bénévoles de «Solidarités nouvelles face au chômage» parlent
RÉSUMÉ > À Rennes, comme ailleurs en France, les associations se plaignent de la difficulté d’assurer la relève et de rajeunir leurs instances de responsables. Pourtant des jeunes s’engagent dans le bénévolat. Nous donnons la parole à trois jeunes femmes de moins de 30 ans qui expliquent ce qui motive leur engagement dans l’association Solidarités nouvelles face au chômage.

Clarisse : « L’occasion d’un dialogue direct »

     CLARISSE HUTIN : « Pour raisons professionnelles, je suis arrivée à Rennes il y a 4 ans, en ne connaissant personne. Même en travaillant dans la fonction publique territoriale, je ne me sentais pas assez en contact avec les habitants et je manquais d’occasions de dialogue direct.
     Je suis sensible à la situation de chômage de personnes de mon entourage mais pas facile de les aider. Alors j’ai cherché sur Internet une association où je pourrais faire du bénévolat. Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) a répondu à mon attente d’une part de rencontrer des personnes volontaires qui demandaient à être aidées, et d’autre part d’avoir des temps d’engagement bien précis et délimités avec une possibilité de flexibilité des horaires. Je fais partie de l’asso depuis deux ans et demi.
     Je ne connaissais pas le milieu associatif. Pendant mes études, je m’étais cependant investie dans le bureau de l’association franco-allemande de ma promo où j’avais pris l’habitude du travail en commun.
     À mon arrivée à SNC, j’avais une seule crainte : être trop jeune pour apporter quelque chose aux demandeurs d’emploi. Je me suis sentie très vite à l’aise dans le groupe d’accompagnateurs, sans doute parce que j’ai senti - beaucoup plus qu’au travail ou pendant mes études - qu’on partageait les mêmes valeurs. Petit à petit, j’ai eu l’impression de mieux comprendre les personnes qui se retrouvent au chômage; j’apprends beaucoup aussi sur moi-même et sur la relation humaine.
     Je me dis que si les choses se passaient partout comme dans notre groupe, la société changerait. Pourquoi a-t-on du mal à dialoguer vraiment au travail ou dans le quartier de La Poterie où j’habite ? Je trouve dommage de devoir attendre que ce soit la ville qui organise un repas de quartier ou une journée des voisins ! Il y a un manque de répondant pour le dialogue spontané.
     Je connais assez bien l’Allemagne et je trouve que dans ce pays, pendant leurs études, les jeunes ont plus de temps que nous pour réfléchir à ce qu’ils veulent faire. Chez nous, la pression pour les diplômes à obtenir est très forte et la réflexion personnelle est peu valorisée.
     Bien sûr ma participation à SNC m’a fait aussi évoluer. Je ne suis pas syndiquée car je trouve les syndicats parfois trop réfractaires au changement ou défenseurs d’intérêts catégoriels, mais j’ai participé à différentes manifestations et je suis toujours intéressée par les interpellations de SNC national sur les enjeux politiques plus généraux. »

Morgane : « Le besoin d’être active et utile»

MORGANE LE GOFF : « Fraîchement diplômée en psychologie du travail et à la recherche d’un emploi, j’ai ressenti le besoin d’être active, de sortir de chez moi et de mettre à profit ce que je savais faire, en l’occurrence des CV et des lettres de motivation. D’autant plus que cela ne pouvait qu’enrichir mon expérience. J’ai découvert l’action que menait SNC sur Internet.
     L’action de SNC est très importante à mes yeux car elle offre un espace d’écoute bienveillante aux demandeurs d’emploi tout au long de leur parcours de retour à l’emploi, parcours fait de hauts et de bas. L’accompagnement proposé est gratuit, sans limite de temps et sans injonction de résultats à atteindre. Je sais ce que c’est que d’être au chômage et je pense que cette prise en compte sincère de la parole de l’autre permet de garder le cap, de maintenir l’énergie nécessaire pour poursuivre ces remises en question. Je trouve cette action noble et je la soutiens d’autant plus que ces espaces existent de moins en moins dans notre société, notamment dans la sphère professionnelle.
     Nous sommes en binôme lors de l’accompagnement du demandeur d’emploi et c’est pour moi très important car nous nous enrichissons du regard de l’autre. Le groupe des accompagnateurs se réunit une fois par mois ; cette dimension collective est essentielle. Nous ne sommes pas les mieux placés pour dire ce que cet accompagnement apporte aux demandeurs d’emploi, cependant, il semble qu’ils apprécient cette rencontre libre et non prescrite, où ils se sentent respectés et où ils sont reçus dans un climat de confiance positive.
     Mon engagement à SNC dure depuis 2006 ; parfois, mon entourage me conseille de penser davantage à moi, à mes loisirs mais ces rencontres, ces échanges, cette ouverture aux autres est essentielle pour moi.
     Je voudrais ajouter deux choses. En parlant du bénévolat des jeunes, il ne faut pas en faire un problème de génération avec des oppositions. Dans notre groupe rennais de SNC, des accompagnateurs retraités, qui sont là parfois depuis 15 ans, ont parfaitement su nous accueillir et nous donner une place dans l’action collective.
     En tant que jeune, mon engagement associatif m’apporte de la stabilité dans un parcours professionnel entrecoupé de périodes de chômage. La vie associative fait partie d’un engagement citoyen ; c’est un espace entre la vie personnelle, privée et la vie professionnelle. »

Sabine : « Agir pour plus de justice et de solidarité »

Sabine Mourin : « J’ai passé plusieurs années en Afrique et je pense que c’est là que j’ai acquis, dans le contact avec la population, l’expérience d’une réflexion sur le long terme, sur la vie en général, sur le sens de ce qu’on fait. C’est là que s’est dégagé le but dans ma vie : développer mon ouverture aux autres et travailler à plus de justice et de solidarité.
     Ma démarche associative est liée à un engagement politique, à des valeurs. Je fais l’analyse que le système dans lequel on vit favorise le profit au détriment de l’homme. L’ensemble des travailleurs voient aujourd’hui leurs emplois et leur pouvoir d’achat menacés. Il s’agit pour moi d’accompagner ceux qui le souhaitent, mais j’ai conscience que cela ne suffit pas. Une profonde transformation politique de notre société est nécessaire.
     Mon orientation professionnelle oeuvre dans le même sens : je travaille dans une association nationale à vocation solidaire et militante.
     J’ai choisi d’intégrer SNC pour le but que cette association s’est fixé : la lutte contre le chômage, et pour ses méthodes : l’accompagnement et l’action institutionnelle, par exemple les interventions avec le service public de l’emploi. Les demandeurs d’emploi sont ici respectés et ne sont pas culpabilisés. Les accompagnateurs leur offrent une écoute attentive et active. Les groupes sont une ressource pour les accompagnateurs. Les actions menées par SNC auprès des pouvoirs publics à une échelle nationale me paraissent essentielles : il faut savoir dépasser les particularismes locaux pour agir collectivement à une échelle globale.
    Pour les projets du Pacte civique national auquel adhère SNC, j’aimerais que l’on dépasse le discours pour mener des actions collectives. Nous avons besoin d’une véritable transformation sociale. »