Les touristes qui découvraient cet été la façade du Parlement transformée en écran numérique géant ne savaient peut-être pas que les artistes et techniciens à l’origine de cette performance travaillent dans deux « pépites » rennaises du numérique : la société Artefacto, spécialiste de la réalité augmentée, et l’entreprise Spectaculaires, virtuose des mises en lumières animées. à leur manière, ces deux PME incarnent un certain « esprit numérique rennais » : coopératif et innovant. Car même si, comme le déplore Hugues Meili, le PDG de Niji (lire son interview page 47), Rennes n’a pas réussi récemment à attirer des poids lourds sur son territoire, la métropole a su développer un écosystème favorable à l’éclosion de start-up prometteuses.

     Et cela ne date pas d’hier. Archivideo, qui vient d’être rachetée au printemps 2013 par Dassault Systèmes, a été créée en 1985, avec le soutien de France Télécom à l’époque ! L’entreprise, spécialisée au départ dans les images de synthèse, s’est faite connaître au niveau national grâce à ses modélisations urbaines en trois dimensions. La maquette 3D de Rennes Métropole, c’est elle ! Ce savoir-faire intéresse particulièrement Dassault Systèmes, leader mondial des logiciels de création 3D. Grace à cette acquisition, il va pouvoir renforcer sa plateforme 3DExperience, dans les domaines de la modélisation urbaine de grande dimension, le point fort d’Archivideo. « Nous apportons à Dassault Systèmes une réponse en termes de communication, ainsi que cette connaissance de la ville. Nos technologies sont complémentaires », souligne François Gruson, le fondateur d’Archivideo, qui devient conseiller stratégique chez Dassault Systèmes et continuera de s’occuper de recherche et développement. Point important dans cette acquisition, dont le montant n’a pas été rendu public : le centre névralgique de la PME demeure à Rennes, ainsi que l’essentiel de l’effectif (17 salariés).

     Cet ancrage territorial est partagé par Jocelyn Denis, le jeune fondateur de Digitaelo. Son entreprise, créée en 2004, affiche une croissance exponentielle dans le domaine du marketing relationnel digital: elle emploie actuellement 55 salariés pour un chiffre d’affaires de près de 6 millions d’euros (+ 81% par rapport à 2011 ! ). Son système d’envoi automatisé de SMS séduit déjà plus de 2500 clients professionnels. Prochaine étape : le déménagement de ses équipes de Bruz à la Courrouze, au premier trimestre 2014, dans une ancienne halle industrielle de Giat industries en cours de restructuration. Digitaleettait d’assurer leur croissance. Une croissance qui se lit d’ailleurs dans les chiffres du territoire. La technopole Rennes Atalante a fait ses comptes : « Les entreprises de la filière numérique représentent 76 % des emplois de la technopole. Elles ont contribué à hauteur de 76 % de la croissance d’emplois en 2011 en créant 560 emplois nouveaux », souligne Rennes Atalante dans son dernier bilan emploi. « Le numérique et sa diffusion dans tous les secteurs de l’économie reste stratégique pour le territoire, il est conforté par la mise en place de nouveaux outils structurants tel que l’IRT B-com », ajoute son président, Claude Labit.

     Alors, en ces temps d’incertitude économique, ces quelques exemples prouvent qu’il est encore possible d’innover et de créer des emplois. La recette, Erwan Mahé la résume à sa manière : « Il faut savoir écouter les gens, comprendre leurs envies, être généreux. C’est la clé pour l’avenir, qu’il soit numérique ou autre », Le directeur du développement d’Artefacto, également enseignant à l’école des Beaux-Arts, est convaincu que « Sinon, le territoire va s’assécher. Nous avons ici des graines qu’il faut transformer en « fleurs », un terrain qu’il faut transformer en beau jardin. L’hybridation a de l’avenir... ». Hybridation, le mot est lâché. Plus que jamais, le futur du numérique, à Rennes comme ailleurs, doit être cherché dans la multicompétence, au croisement des savoirs, des usages et des techniques.