Prononcer le nom de Martenot à Rennes, c’est désigner, avant la rue qui porte ce nom, les halles de la place des Lices.
Ces deux pavillons construits entre 1868 et 1871 étaient devenus nécessaires en raison de l'importance croissante que prenait le marché des Lices.
À cet endroit se crée, dès 1483, un petit marché, sur le terrain situé au bas de la Lice, ce champ clos, à l'extérieur des murailles de la ville, où se donnent alors tournois et fêtes. En 1622, le marché s'étend sur la place des Lices pour la vente de bois et c'est en 1705 qu'y apparaissent les produits alimentaires. À cette époque, il existe intra-muros un marché couvert connu sous le nom de la Cohue. Il accueille différents métiers qui s'étalent également sur une petite place attenante appelée le petit bout de la Cohue. Ce bâtiment est surmonté de salles servant aux réunions des États de Bretagne et aux fêtes publiques. Lors du gigantesque incendie de décembre 1720, qui ravage un cinquième de la ville intramuros, la Cohue est détruite et son activité commerciale se reporte alors sur le marché de la place des Lices. En 1828, la municipalité envisage diverses solutions pour agrandir le marché ainsi que de le couvrir,. Mais ce n’est qu’en 1868 que son aménagement est confié à l'architecte Jean-Baptiste Martenot.
Fils d'un modeste cordonnier, Jean-Baptiste Martenot est né le 26 juillet 1828, à Saint-Seine-l'Abbaye, dans le département de la Côte-d'Or près de Dijon. À 14 ans, il est employé chez un architecte de cette ville et va devenir élève de l'École des Beaux-arts. En 1850, il est admis à l'École nationale des Beaux-arts, à Paris, au titre de pensionnaire de son département de naissance.
Brillant élève, remarqué pour son intelligence, son dévouement et ses connaissances théoriques et pratiques, Jean- Baptiste Martenot, obtient en 1854, quatre médailles à quatre concours spéciaux de construction et se retrouve inspecteur des travaux chargé de la réunion du Palais du Louvre et du Palais des Tuileries (qui va être détruit par un incendie en 1871). Il est alors remarqué par le maire de Rennes, Ange de Léon des Ormeaux, qui le sollicite pour prendre la direction du Service municipal d'Architecture. Par arrêté du 18 février 1858, il est nommé architecte de la ville. Il le sera pendant 27 ans, son statut ne lui interdisant pas de réaliser également des travaux pour les particuliers.
Durant toutes ces années, Jean-Baptiste Martenot va transformer l'architecture de la Ville de Rennes. En janvier 1859, il présente les plans de son premier gros chantier, le projet d'un nouveau Lycée en remplacement du vétuste collège jésuite Saint-Thomas devenu Lycée impérial en 1808. Il entreprend une série de travaux de construction qui comprend le grand bâtiment sur la nouvelle avenue menant à la gare (avenue Jean-Janvier), l'aile entre le nouveau et les anciens bâtiments et plus tard la chapelle. Jean-Baptiste Martenot va marquer l'appellation de Lycée impérial en plaçant sur le fronton de l'entrée, un aigle, l'un des symboles de l'empire. Quelques années plus tard ce lycée accueillera le deuxième procès du capitaine Alfred Deyfus et prendra ensuite le nom de lycée Émile- Zola. Martenot va à partir de ce moment inaugurer à Rennes une série de constructions à l'architecture « tricolore », alliant le granit, le tuffeau et la brique.
Pour la construction des halles de la place des Lices, en 1868, il s'inspire des halles centrales de Paris, réalisées par l'architecte Victor Baltard, en associant – c’est nouveau – différents matériaux comme le granit, le fer, le verre et la brique.
Jean-Baptiste Martenot est à l'origine de nombreux édifices dispersés dans Rennes: les six octrois des entrées de la ville, le beffroi de l'hôtel de ville, les bâtiments du cimetière de l'Est, des groupes scolaires Papu, Duchesse Anne, mais aussi au jardin du Thabor. À la suite d’un différent entre Denis Bühler, architecte-paysagiste du Thabor, le conservateur du jardin et Jean-Baptiste Martenot, la ville de Rennes demande à Denis Bülher d'assurer uniquement l'aménagement des terrasses et des plantations et elle confie à Jean-Baptiste Martenot la construction des serres, de la volière, de l'orangerie, du kiosque à musique et la réalisation des grilles d'entrées.
Certains chantiers seront commencés d'après les plans de Martenot mais seront terminés par son successeur Emmanuel Le Ray, comme le Palais du commerce (actuelle poste centrale), l'église Saint-Aubin, l'ancienne faculté dentaire (place Pasteur), Pontchaillou. Comme son statut d'architecte de la ville ne lui interdit pas d'exercer pour les particuliers, Martenot a une abondante clientèle privée en ville mais aussi en dehors. On lui doit entre autres à Rennes l'hôtel de la caisse d'épargne sur l'avenue Jean-Janvier, l'hôtel Léofanti à l'angle est de l'avenue Maréchal-Joffre et du boulevard de la Liberté, ainsi que le bâtiment qui fait l'angle avec la rue d'Isly de l'autre coté de ce boulevard mais aussi un hôtel particulier, rue de Paris, face aux grilles du Thabor, où se trouve maintenant une partie du service des bâtiments communaux, et qui lui avait été commandé par Ange de Léon des Ormeaux, le maire, le même qui l'avait sollicité pour venir à Rennes. On lui doit aussi des bâtiments industriels avec une partie des ateliers de l'imprimerie Oberthür.
Mais une des plus importantes études ou projets élaborés par Jean-Baptiste Martenot est probablement la captation des eaux de la Minette et de la Loisance, deux affluents du Couesnon. À l'époque, il n'existe à Rennes que trois ou quatre puits publics et l'eau reste rare et très chère. Le manque d'eau et les conditions d'hygiène font de Rennes une des villes des plus déshéritées; on y meurt beaucoup des fièvres typhoïdes et de diphtérie. Les puits contiennent une eau empoisonnée par les infiltrations provenant d’égouts mal conçus qui se déversent directement dans la Vilaine.
En 1863, Martenot élabore un projet de captation des eaux du bassin granitique de la région de Fougères, dans le Coglais. Les travaux ne vont commencer qu'en 1880, sous l'impulsion du maire, Edgar Le Bastard. Jean-Baptiste Martenot n’effectue pas les travaux, mais ce sont ses rapports qui aboutiront au choix de cette captation pour l'alimentation en eau de la ville. La canalisation est longue de 42 km avec 32 m de dénivellation et aboutit dans un lieu de stockage, le réservoir des Gallets, une véritable cathédrale souterraine. L'arrivée de l'eau à Rennes, place de la Motte, est inaugurée en 1882, aux cris de « Vive Le Bastard! Vive Martenot! »
En 1895, après 37 ans de services, Jean-Baptiste Martenot, fait valoir ses droits à la retraite. Il décède à Rennes, le 30 mars 1906 à son domicile de la rue de Bel-Air, qui prendra le nom de Martenot le 25 juillet 1906, par délibération du conseil municipal.