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Contributions
#17
Le Triangle dans l’aventure de l’art contemporain
RÉSUMÉ > 25 ans ! Un quart de siècle que le Centre culturel du Triangle flirte avec l’art d’aujourd’hui. Un choix qui n’allait pas de soi pour un équipement de quartier, de quartier populaire. Un livre anniversaire résume aujourd’hui cette longue saga artistique. Il clôt aussi un cycle à l’heure où Yvette Le Gall part en retraite. Depuis le début, elle était la cheville ouvrière de la politique d’art contemporain au Triangle.

     Quartier du Blosne. Un soir de fin d’hiver tombe sur le Triangle. De drôles de figures s’illuminent, silhouettes enfantines dansant sur les toits. Ce sont les sculptures lumineuses de l’artiste Ron Haselden intitulées « Brothers et sisters ». Elles font partie de toute une série d’œuvres présentées ici pour les « 25 printemps » d’exposition d’art contemporain au Triangle. Il a fallu choisir au sein d’un foisonnement d’œuvres et d’interventions qui ont marquées ce dernier quart de siècle : Alain Bernardini, Philippe Bazin, François Dilasser, Marcel Dinahet, Georges Dussaud… Quelques exemples extraits de 208 expositions rassemblant 305 artistes. Chaque exposition étant suivie en moyenne par 1 500 visiteurs !

     Impressionnante vitalité dont rend compte aussi « Le livre des 25 printemps », sorte de « best-of » recensant dans une absolue chronologie, images à l’appui, 52 de ces « moments » artistiques consubstantiels à la vie du Triangle et souvent du quartier tout entier. Dès l’origine le Triangle, bel équipement moderne, s’est arrimé à l’art. Le choix n’allait pas de soi et d’ailleurs ne prétend pas faire l’unanimité. « Il y a débat permanent depuis le début sur le rôle de cet équipement », reconnaît Charles- Edouard Fichet, directeur depuis 2004. Pour résumer, s’agit-il d’une maison de quartier avec des activités comme le judo ou la mécanique. Ou bien le lieu d’un projet artistique « orienté vers la création et l’échange participatif avec la population à partir des oeuvres ». A la fin des années 80, le directeur Christian Druart « a su imposer avec courage la ligne artistique ». Le débat demeure, mais une chose est sûre : le Triangle est aujourd’hui parfaitement identifié à la danse, à la littérature et aux arts plastiques.

     La ligne artistique « contemporaine » s’est appuyée d’emblée sur un personne : Yvette Le Gall qui assure la continuité de la programmation depuis 1986. Cette Finistérienne a fait son éducation artistique, raconte-elle dans le livre, en admirant les statues polychromes dans les chapelles des Monts d’Arrée. Différentes rencontres ont affiné ses goûts et quand elle arrive fin 1985 dans cette toute nouvelle maison de quartier du Triangle, comme employée de la Ville, elle propose de programmer des expositions.
     Au départ, le rythme est de 10 expositions par an. A relire le programme, on voit une forte appétence pour la photographie. Gérard Fourel, Georges Quaglia, Bernard Cornu, Raymond Depardon, Georges Dussaud, Cartier- Bresson, Claude et Marie-José Carret, Yves Trémorin… « De la photo humaniste. Nous avions une forte préoccupation par rapport à l’image. Nous avons suivi le mouvement de l’art qui a rapproché la photo des beaux-arts. Pour aboutir récemment au sténopé » (Le monde par le trou d’une aiguille). Dans la même lignée, il faut noter la montée en puissance de l’art vidéo, décliné à maintes reprises ces dernières années.

     Mais la peinture et la sculpture sont évidemment très présentes sous toutes leurs formes. Des artistes de tous horizons, avec une attention particulière à ceux qui créent dans la région (François Dilasser, Gilles Mahé, Yvan Le Bozec, Marcel Dinahet, notamment). Le Triangle n’est pas « hors sol », il cultive sa relation « avec le territoire ». Situé Boulevard de Yougoslavie, il a programmé des expos autour de ce pays. « Nous ne sommes pas un centre d’art, mais un lieu permettant la jonction avec les gens, permettant peut-être de changer leur rapport au monde et à l’esthétique », insiste Yvette Le Gall. Pour autant, précise-t-elle, « ce n’est pas la population qui fait la programmation ».
     Exemples d’interventions hors les murs : Les jardins Agitato (2009-2011), proposition de Roberto Martinez. Des habitants jardinent sur des petites parcelles mises à disposition par la Ville dans le quartier. Citons ici, au début des années 90, le projet Voisinages : trois photographes immergés dans la population du Blosne. Et personne n’oublie dans le quartier, l’Album de famille en 1992, des centaines de photos collectées chez les habitants et exposées au Triangle. Ou encore, autre geste participatif, en 1997, le Donnez-moi une photo de vous à l’invitation de Marylène Negro…

     On serait ici incomplet si l’on ne mentionnait ce qui anime l’art : des conférences, des visites de scolaires ou de groupes, des colloques, notamment à la fin des années 80 autour du paysage. A l’heure de refermer ce beau livre d’image pour cause de départ en retraite, Yvette Le Gall tire un bilan qui vaut programme. « Un quart de siècle pour tenter de faire advenir le désir de voir chez le visiteur, pour transmettre l’état de vacuité nécessaire à la réception d’une oeuvre. Susciter la réflexion et le débat. Discuter avec les visiteurs pour accompagner leur regard, cultiver l’étonnement, source d’interrogations, de jubilations, de rejet parfois… »
     Elle partie, « l’art plastique reste naturellement présent au Triangle, dans les espaces intérieurs comme extérieur. Il ne fait aucun doute que nous poursuivrons le programme de photographie et de vidéo, depuis l’universel jusqu’au local», indique Charles-Édouard Fichet. « Simplement, les modalités d’exposition vont changer car portées par d’autres personnes ». Le directeur s’y engage : « On n’arrêtera pas le mouvement, il n’est plus possible désormais d’éteindre cette lumière de l’art ».