À Rennes, le plus grand quartier de grands ensembles est celui du Blosne, dont la construction s’est achevée en 1973. Par la suite, l’hôpital Fontenoy (1980) et le centre culturel Le Triangle (1985) sont encore sortis de terre, et le quartier a aussi bénéficié de cinq stations de la première ligne de métro Val (2002), mais plus aucun immeuble d’habitat n’a été bâti! Alors que la population de la ville de Rennes a continué de s’accroître et que celle des communes de l’agglomération s’est envolée, le nombre des habitants du Blosne a diminué de 30 % pour se situer aujourd’hui aux alentours de 18 000 personnes.
Le projet urbain participatif engagé par la Ville pour améliorer le Blosne voudrait inverser ce déclin en construisant, comme dans les autres quartiers, de nouveaux logements. Ils seraient plus adaptés à la baisse de la taille des ménages et dotés d’une qualité environnementale qui les rende attractifs. Voici déjà un premier parti-pris qui interroge: construire au Blosne ? Alors qu’au même moment, au niveau national, l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) postule que la rénovation passe par la destruction ! Et voilà un second propos qui dérange plus encore : construire de nouvelles tours !
Des tours ? Le projet présenté par Antoine Grumbach en dessine l’éventail des possibles : alignées le long des rues, animées de décrochements, agrémentées de larges terrasses, verdies de plantations, colorisées par le dessin de présentation, les tours qu’il imagine s’insèrent dans le quartier pour accueillir de nouveaux habitants, que l’on suppose attirés par la très bonne situation du quartier, ses espaces verts, ses équipements et sa connexion à la gare et au centre. Ces dessins sollicitent l’imagination, mais sans qu’on sache encore pour quel futur ils sont faits et s’ils ont même un avenir…
En définitive, dans l’immédiat, si on ne détruit ni construit, quels sont les premiers signes qui vont concrétiser la transformation du Blosne ? Derrière les formes figées des deux tours identiques Aunis et Navarre – que leurs habitants désignent fréquemment par leur adresse « Prague-Volga » - s’est engagée fin 2011 une profonde transformation qui a réintroduit dans le quartier les instruments emblématiques des grands ensembles : les grues. Les sociétés Espacil et Archipel, propriétaires de ces tours de logement social, ont fait appel au cabinet d’architectes Gefflot et Vitel pour travailler sur ces bâtiments, hauts de 17 étages et situés à proximité de la station de métro Le Blosne et de la place de Zagreb.
L’originalité de l’opération tient à la convergence entre deux objectifs : un meilleur cadre de vie pour les habitants et une diversification des fonctions assurées par ces bâtiments.
Concernant le premier point, le choix des architectes a été de créer dans le quartier un repère physique fort et d’articuler les aspects esthétique et technique. En effet, la transformation de ces tours sera très visible, bien plus que n’importe quelle campagne de ravalement : elles vont en quelque sorte « changer de peau », l’une noire et l’autre blanche, comme le négatif et le positif du même objet, à peine adoucies de quelques taches de couleur vive après les réactions interloquées des habitants à cette radicalité bicolore. L’application de cette nouvelle peau pourra ainsi les envelopper des techniques adaptées sur les plans phonique et thermique, dans le but de faire économiser aux habitants environ 30% de leur facture d’énergie.
Le deuxième aspect modifie la structure interne des deux tours, car les grands appartements d’origine sont souvent inadaptés à la taille actuelle des familles. Il s’agit donc de les faire évoluer de manière à pouvoir accueillir des locataires à la recherche d’un logement à leur mesure, sur le plan de la superficie comme sur celui du montant du loyer. C’est pourquoi l’une des tours va voir les 32 appartements des sept étages inférieurs transformés en 77 petits logements, destinés à une résidence sociale pour les jeunes qui ont des difficultés à accéder au parc locatif privé.
Toutefois, l’innovation la plus forte ne concerne pas l’habitat. C’est l’introduction, dans la tour Aunis rénovée, d’activités générant de l’emploi et du passage: une école d’aides-soignants – liée à la proximité de l’hôpital, l’Association des paralysés de l’Ouest, une crèche associative, etc. Au terme de cette rénovation, en 2014, plus de 100 emplois y trouveront abri. L’image du quartier devrait s’en trouver modifiée et la population sensiblement renouvelée.
Selon son évolution, cette transformation servira de test pour mesurer la capacité à faire évoluer les tours d’habitat du point de vue de l’amélioration du cadre de vie comme du point de vue de la mixité des fonctions. Le succès de cette expérience originale serait un atout de poids pour aborder la suite de la réalisation du projet urbain du Blosne et convaincre les Rennais que les grues ont encore du travail à faire. Avant, peut-être, d’en faire un exemple à l’échelle de nombre des grands ensembles…