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Dossier
#17
RÉSUMÉ > Il y a tour et tour. Deux exemples pour illustrer les changements de style et d’époque. Une « vieille » tour : celle de Bretagne à Nantes, la plus haute de l’Ouest, emblématique des années soixante-dix. Marc Dumont en décrit ici les avatars. Très loin de là, la tour vrillée de Malmö en Suède. Cette Turning Torso audacieuse inaugurée 2005 mélange logements et bureaux.

La Tour Bretagne : premier gratte-ciel de l’Ouest

     1976 : l’Ouest obtenait son premier gratte-ciel ! Réalisée par l’architecte Claude Devorsine après 5 ans de travaux, la Tour Bretagne va marquer à partir de cette date le paysage nantais et, de fait, constituer la tour de grande hauteur la plus haute de l’Ouest. S’élevant à 144 m (étage inférieurs compris) pour un poids total de 80 000 tonnes dont 1400 kg d’acier, la Tour est venue répondre à l’exigence de disposer d’une offre conséquente de bâtiment tertiaire dans un secteur très exigu (à peine 1800 m²).
     En 1968, l’idée était alors de construire un parking sur six étages avec station-service. Les trois premiers niveaux auraient été occupés par un grand centre-commercial composé de 25 boutiques et de restauration rapide, le reste de la tour étant occupée par des bureaux occuperaient l’ensemble des étages supérieurs. Il faut dire que la place de Bretagne offrait des conditions optimales même si au départ c’était plutôt un parking souterrain qui était envisagé.
     La tour est caractéristique des années 1970, à l’image de la Tour Montparnasse – petit complexe nantais par rapport à la Capitale ? – avec une forme massive, carrée, strictement minimaliste et bien inscrite dans la logique du style international, illustrant aussi l’urbanisme de la démesure et des grands gestes architecturaux (grandiloquents plus qu’autre chose), de ces années-là;
     Reste que le rapport des Nantais à cette Tour est bien mauvais, les sondages montrent régulièrement qu’elle est bien intégrée à l’univers mental des habitants, mais pas moins détestée : froide, distante et surtout inaccessible.
     En 1971, la réalisation en a été confiée à une société d’économie mixte. Elle était censée témoigner du classement de la ville en « métropole d’équilibre ». Le centre commercial n’y sera finalement jamais réalisé. La chronique de sa construction et de sa vie quotidienne ont été un peu tumultueuses comme cet épisode de l’oubli du dépôt de la demande de permis de construire alors que les plans avaient déjà été réalisés, ce qui retarda la construction de deux ans. Ou bien le cas de ce restaurant du 29e étage qui a dû finalement fermer compte tenu du nombre de suicides....
     La tour de Bretagne dispose aujourd’hui de parkings souterrains. Les étages sont entièrement occupés par des bureaux, utilisés en majorité par des administrations qui pourtant à cause des loyers trop élevés sont toujours restés à moitié vide. Une déshérence accentuée depuis le départ des services de la communauté urbaine Nantes Métropole sur le site du Canal Saint-Félix ; la tour semble aujourd’hui chercher en vain un second souffle...
     D’où le fait que la terrasse du 32e étage, encore fermée, devrait rouvrir au public à partir de juin 2012, avec la réalisation d’un café-restaurant, dans le cadre de la programmation « Le Voyage à Nantes ». Débouché «miracle » ? Le Nid à 150 m de haut offrira une terrasse qui permettant de découvrir la ville à 360 degrés. Cet espace de convivialité, représentant le nid d’un gigantesque héron, est une création du plasticien Jean Jullien. Et le bar restera ouvert après le « Voyage à Nantes » : tout un chacun pourra faire le tour de la terrasse, qui sera recouverte d’un filet pour des questions de sécurité.

     Dans la ville suédoise de Malmö situé sur la côte du détroit de Öresund et à la pointe des démarches de développement durable – la ville a notamment visé l’autosuffisance énergétique à travers un grand projet de gestion intégrée –, on trouve le second plus haut gratteciel d’Europe, la Turning Torso, tour de grande hauteur emblématique du style déconstructiviste. Cette tour, conçue par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, atteint une hauteur de 190 mètres, et ce petit chef-d’oeuvre d’ingénierie se compose de dix étages de bureaux, 147 appartements (chaque étage dispose d’environ 400 m² de surface habitable), locaux de banquet, cave à vin, salles de conférence, salle de sport…
     La construction de ce gratte-ciel a représenté un considérable défi technique du fait de sa forme : la tour se compose de neuf cubes assemblés en spirale formant un bâtiment s’élevant dans le ciel en tournant sur lui-même d’un quart de tour. Le « Torso » indique l’inspiration de l’architecte Santiago Calatrava dans le mouvement d’élévation d’un corps humain. Calatrava, sculpteur de formation, architecte et ingénieur, est entre autres responsables de projets tels que le complexe sportif olympique d’Athènes et le World Trade Center Transportation Hub, qui est en cours de construction dans le cadre de Ground Zero. Il a aussi créé plusieurs ponts, les gares et les tours de contrôle du trafic aérien. L’architecte fonde son travail sur la perspective d’un sculpteur ; il s’est inspiré des animaux et des humains et leurs mouvements naturels. Il réalisera lui-même certaines oeuvre d’art présente dans la tour de Malmö. Au final, la Turning Torso combine sculptures et bâtiments classiques de l’immeuble de grande hauteur.
     Les chiffres de la tour donnent un peu le vertige, comme les 2 368 fenêtres de la façade principale, trois ascenseurs desservant les appartements se déplaçant à cinq mètres par seconde (donc 38 secondes pour passer du niveau du sol à 54e étage…), 4 400 tonnes de barres d’armature et de 25 000 mètres cubes de béton nécessaires à la construire…
     La tour atteint aussi des objectifs de moindre impact écologique : une liste de 10 matériaux dangereux à éliminer a été incluse dans le cahier des charges, elle a été construite avec des matériaux locaux, elle exploite l’énergie renouvelable, vise les économies d’énergie, inclus des systèmes de recyclage des déchets de cuisine, de « monitoring » par ses habitants de leurs consommation de chaleur et d’eau.
     Naturellement, mêlant bureaux et logement, la vue des habitants est imprenable : Falsterbo et Trelleborg, au sud, Helsingborg, au nord, l’ouest de Copenhague, et les plaines de l'Est.