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Entretien
#29
Nolwenn Lam Kermarrec, Promotion filiale
RÉSUMÉ > Depuis le début de l’année, Nolwenn Lam Kermarrec pilote la branche Promotion du groupe immobilier fondé par ses parents il y a bientôt 30 ans. À 39 ans, cette jeune femme décidée, formée au design, porte un regard attentif sur la fabrication de la ville et sur le management d’une entreprise familiale. Elle partage ici ses valeurs, ses coups de coeur et ses points de vigilance. Avec simplicité et conviction.

PLACE PUBLIQUE : Nolwenn Lam Kermarrec, quel est votre parcours ?
NOLWENN LAM KERMARREC :
J’ai 39 ans, je suis mariée, j’ai deux enfants, trois beaux-enfants ! Et un parcours professionnel très éloigné de mon schéma actuel. Très tôt, j’ai souhaité m’orienter vers une carrière artistique. J’ai quitté Rennes juste après mon bac, à 18 ans, pour réaliser une prépa aux grandes écoles d’art et intégrer l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’arts, l’une des cinq grandes écoles d’art françaises.

C’était une volonté de quitter le giron familial, de voler de vos propres ailes ?
Cela ne s’est pas exprimé ainsi ! Je savais ce que je voulais faire, et j’ai mis en place les moyens pour y arriver. Une amie de la famille que nous aimons beaucoup nous a inculqué très tôt un principe qui nous a marqués : objectif-délais-moyens ! Je souhaitais travailler dans la communication visuelle, le délai n’était pas essentiel, mais le moyen d’y parvenir était pour moi d’intégrer les meilleures écoles, qui se trouvent à Paris. J’ai donc suivi une très belle formation. À l’issue de ces quatre ans, j’avais abordé la partie technique et graphique. J’ai eu la possibilité de prolonger de deux années, et j’ai rejoint la faculté Paris 13 pour suivre une licence et une maîtrise des sciences de l’information et de la communication.

L’entreprise familiale n’est toujours pas dans votre ligne de mire, à l’époque…
Non, après la fac, j’effectue un stage chez Vivendi, à la grande époque du groupe de Jean-Marie Messier ! Ça s’est très bien passé, et ils m’ont donné un coup de pouce en me permettant de rentrer en contact avec l’agence de design CB’A, qui venait de refaire l’identité visuelle de Vivendi. Ce fut un vrai coup de coeur, et j’ai intégré CB’A en janvier 2000, pour faire de la direction artistique, créer des supports de communication ayant trait à l’entreprise et non au produit. Ensuite, j’ai rejoint l’agence Desgrippes & Gobé pour un remplacement, et ils ont proposé de me garder. Mais à l’époque, mon futur mari Sylvain Lam travaillait en agence de communication à Paris, et il a eu l’opportunité de rejoindre le groupe Kermarrec à Rennes.

Vous y étiez un peu pour quelque chose, non ?
C’était son projet ! Mais c’est vrai que du coup, nous avons fait le choix de quitter Paris. En réalité, je n’avais jamais vraiment quitté Rennes durant toutes ces années d’étudiante : j’habitais face à la gare Montparnasse et je rentrais presque tous les week-ends ! Je ratais pas mal de soirées, mais c’était un lien nécessaire (rires). Lorsqu’on vit à Rennes, on ne se rend pas forcément compte sa qualité de vie : il faut l’avoir quittée pour le mesurer. Il y a eu cette volonté chez moi de retrouver cette ville, qui a plein d’atouts, aux portes de la Bretagne, avec cet ancrage, mais aussi une ouverture sur l’extérieur, la proximité de la mer… Du coup, nous nous installons à Rennes en 2005, c’est un choix de couple avant tout.

Avec quel projet professionnel pour vous ?
Je crée ma propre activité, l’Atelier Design. Je ne reviens pas pour rejoindre le groupe familial ! Mais bien sûr, j’ai travaillé pour l’entreprise Kermarrec, avec la mise en place des identités visuelles par métier, par exemple. Nous étions les premiers à Rennes à afficher cette expertise métier dans notre secteur. Ainsi que le marquage des bâtiments : j’ai été missionnée pour réaliser toutes les plaquettes des opérations de promotion immobilière. L’immeuble Sirius, rue de Châteaugiron, a été le premier d’une longue série. Je n’ai jamais perdu le fil avec le groupe.

Vos parents ont créé le groupe Kermarrec il y a bientôt 30 ans, en 1985. Avec votre frère et votre soeur, vous avez toujours baigné dans l’immobilier ?
C’est vrai que l’entreprise a occupé une place essentielle dans notre parcours familial. Enfants, le week-end, nous allions faire le tour des opérations, dans la ZI Sud-Est ou Parc Rocade Sud ! À mon retour à Rennes, je retrouve naturellement avec plaisir cet environnement, mais j’arrive aussi avec un très beau client, le Club Med, pour lequel j’avais commencé à travailler chez Desgrippes. J’ai réalisé l’identité visuelle de tous les villages du Club dans le monde. J’avais également commencé à développer un réseau de clients à Rennes. Malgré tout, je ressentais une certaine frustration.

Laquelle ?
Je m’épanouissais dans la dimension artistique de mon métier, mais il me manquait une forme de défi intellectuel, la volonté de continuer à apprendre, à me mettre en danger. Je savais au fond de moi que je ne ferai pas cela toute ma vie ! C’est là que mon père se pose la question de la transmission de Kermarrec Promotion. Mon frère Hervé l’avait rejoint dès 1997 après une formation immobilière, et en 2007, il est devenu président des entités Kermarrec Immobilier et Kermarrec Entreprise.

Votre père pense alors à vous pour la partie promotion ?
Il interroge ses deux filles pour savoir si l’aventure nous tente. Ma soeur Gaëlle s’épanouit dans les ressources humaines, et décline la proposition. Moi, je réponds : pourquoi pas ? Je mets du temps à mûrir la décision. Je venais de créer ma boîte, du coup ce n’était pas forcément le moment idéal pour moi. Il me l’a proposé en 2006, et je suis rentrée dans l’entreprise en septembre 2007.

À quel poste, pour commencer ?
En tant que chargée d’opérations. Ce fut un apprentissage sur le terrain et avec l’appui des équipes en place. Avec la prise en charge de gros dossiers, notamment un immeuble d’habitation de 65 logements à Chantepie. Puis j’ai pris la direction des opérations en 2012, et la présidence de Kermarrec Promotion en janvier 2014.

On sent une grande sérénité chez vous aujourd’hui, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quelques années…
C’est vrai, ce fut un parcours du combattant ! On ne s’en rend pas suffisamment compte, mais j’ai mis du temps à accepter que j’étais légitime dans ce rôle-là, au-delà du fait que je m’appelle Nolwenn Kermarrec !

Comment on surmonte cela ?
En faisant ses preuves, et en entendant les autres vous dire que vous êtes à votre bonne place. J’ai cette culture de l’effort, mes parents sont du Léon, c’est un ancrage fort : la valeur travail est très importante chez nous. Nous cultivons des valeurs d’engagement, de respect de la parole donnée, de conquête aussi, mais raisonnée. Nous ne sommes pas des flambeurs !

Pourtant, vous avez désormais pignon sur rue, et votre siège social occupe un bâtiment très visible, rue de Châteaugiron, avec un éclairage spectaculaire le soir venu !
Ah, cet immeuble ! Il a fallu que nous nous fassions un peu violence (rires). Mais en fait, cette façade en inox, elle nous va bien car elle est belle, c’est vrai, mais aussi parce qu’elle reflète la ville. Ce n’est pas tant nous qu’on voit à travers ce bâtiment, que le reflet de la ville à travers lui. C’est ce qui nous a séduits dans le projet de l’architecte Valérie Tréguer. Cela traduit bien notre état d’esprit. Le pari de la lumière était aussi audacieux. Nous sommes partie prenante de la ville. Notre métier, ce n’est pas seulement de poser des bâtiments, mais d’être un acteur économique qui participe au dessin de la ville. Nous souhaitions que sur cette avenue, qui est une pénétrante au coeur de la ville, on ait cet immeuble signal qui puisse vivre la nuit et apporter une écriture urbaine différente.

Vous évoquez à plusieurs reprises les valeurs qui sont les vôtres. C’est un mot parfois un peu galvaudé aujourd’hui. Comment se traduit-il, chez vous ?
C’est difficile de répondre et de mettre en mots ces convictions profondes qui sont ancrées en nous. C’est clairement l’esprit de conquête ! Vous savez, l’aventure de mes parents est vraiment partie de rien : mon père s’est lancé dans le métier dans l’agence du quai Lammenais avec trois personnes, dont ma mère et une collaboratrice, Maryse Allaire, qui est toujours dans l’entreprise aujourd’hui. Il y a eu les conquêtes progressives des métiers, des territoires. Nous sommes présents à Brest, à Vannes, à Nantes, à Saint-Malo. Il y a eu le maillage dans les différentes communes de Rennes Métropole… Cela s’est fait progressivement, dans un développement maîtrisé, mais avec des vraies prises de risques. Nous sommes aussi très attachés au respect de nos engagements, dans un métier parfois décrié : c’est une valeur fondamentale pour nous. Aller au bout de nos engagements… C’est aussi la permanence, nous sommes inscrits dans la durée : nous faisons des paris, avec des retours sur investissement parfois longs.

Cela se traduit aussi en termes de management ?
Oui, c’est la reconnaissance interne. L’ancienneté, chez nous, est source de fierté. Nous avons un turnover assez faible. Il y a des « anciens », des figures fortes dans l’entreprise, qui ont la volonté de transmettre le savoir-faire et les valeurs aux nouveaux arrivants. Il existe chez nous des référents et une forme de stabilité appréciée en interne.

Vous venez d’adhérer à l’association Produit en Bretagne : pourquoi et avec quels objectifs ?
Le Groupe a effectivement rejoint l’association Produit en Bretagne et nous en sommes très fiers. Nous sommes fiers de participer à notre échelle au rayonnement de la Bretagne et souhaitions afficher cet ancrage. Nous créons des emplois en Bretagne, nous participons à la vie économique régionale, nos fournisseurs sont quasi exclusivement bretons, nos métiers ne sont pas délocalisables et puis on s’appelle Kermarrec et ça aussi on en est fier !

Quel regard professionnel portez-vous sur la fabrication de la ville, à Rennes et en Bretagne ?
Les débats actuels sur la minéralité, la densité, la hauteur, sont un peu des faux débats. Je crois que lorsque la ville est bien faite, elle peut accepter du minéral, de la verticalité. Cela dit, fabriquer la ville est sans doute ce qu’il y a de plus complexe. On voit bien, surtout dans le marché qui nous occupe aujourd’hui, que les attentes évoluent. On revient actuellement à des volumes à taille humaine, après la course aux grands ensembles. Il faut avoir la capacité de se réadapter. À Rennes, cette capacité de se remettre en question existe, en étant à l’écoute des acteurs économiques. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais le dialogue existe. C’est un peu du bon sens !

Voilà une autre expression que vous aimez bien !
Bien sûr ! Elle devrait nous habiter plus souvent. Il y a du bon sens à mettre en oeuvre de la part de chacun. Nous sommes là pour durer : il faut aussi nous faire confiance, à nous, professionnels de l’immobilier. Nous connaissons nos clients, leurs attentes, dans la durée. Il faut aussi que nous ayons parfois l’humilité de revoir nos projets en cours de route si l’on s’est trompé.

Quelles tendances observez-vous ?
On revient sur des formats de copropriété plus restreints, de l’ordre de trente à quarante logements. On constate aussi un engagement plus tardif des clients par rapport aux programmes neufs : c’est avant tout un problème de confiance, pas seulement financier. Le métier est plus difficile, c’est indéniable.

Dans ce contexte, l’agglomération rennaise présente-elle des particularités ?
On a énormément de chance d’être à Rennes ! C’est un territoire qui offre beaucoup d’atouts. La région est très attractive. Les difficultés économiques actuelles ne doivent pas occulter la capacité de mobilisation que l’on observe à l’échelle régionale. Il faut raisonner Rennes par rapport à cet ancrage régional : nous sommes une terre d’entrepreneurs, de réseaux, d’associations, avec des relais et une volonté d’aller de l’avant. Rennes prend des risques, et a raison !

Comment votre groupe s’adapte aux mutations en cours ?
Nous développons la marque Kermarrec Habitation en franchise, à l’échelle nationale. C’est un vrai pari ! Ce tournant a été initié en 2009, à Vitré et à Dinan. En mars dernier, nous avons participé pour la première fois au Salon de la Franchise à Paris, en insistant sur notre positionnement, sur notre formation interne. Dans la promotion, nous sommes présents sur le projet du plateau des Capucins, le projet phare de Brest, avec Adim, structure de promotion du Groupe Vinci. Nous allons réaliser des logements libres et en accession intermédiaire. Nous croyons à ce projet. Mon grand-père a travaillé à l’Arsenal de Brest, c’est notre vision de l’accompagnement de la ville ! À Rennes, nous n’avons pas été retenus pour l’instant sur EuroRennes, mais nous travaillons à d’autres projets. Via Silva va arriver, Baud-Chardonnet démarre…

Vous n’avez pas participé à l’aménagement de la Courrouze. Quel regard portez-vous sur cette réalisation, parfois critiquée ?
À l’époque de son lancement, nous n’étions pas prêts. Je trouve que la zone tertiaire fonctionne bien. Mais je crains que la zone d’habitation ne mette beaucoup de temps à trouver son rythme de croisière. L’arrivée de la deuxième ligne de métro sera décisive. C’est ce qui est compliqué dans notre métier : il ne faut pas avoir raison trop tôt ! Mais en même, temps, le risque est inhérent à cette activité. C’est toujours un pari, pour nous comme pour les autres promoteurs.

Peut-on parler d’une « touche Kermarrec » dans les projets d’aménagement auxquels vous participez ?
Elle existe à chaque fois ! Nous sommes très attachés à l’architecture. J’ai un rapport particulier au design, de part ma formation. Le fait que je sois une femme, aussi, me fait porter un regard différent sur les projets. Attention, je ne me substitue évidemment pas à l’architecte ! Mais j’ai sans doute la volonté de placer un peu plus haut le curseur, lorsque c’est possible. Nous sommes dans un contexte compliqué, où le client est avant tout à la recherche d’un prix. Sur un projet comme l’immeuble Cara, rue Jean-Macé, on peut se permettre des audaces. Il s’agit d’un projet haut de gamme, avec un habillage de façade en lame de verre trempé. Elles sont translucides et motorisées devant les ouvrants et blanches et fixes ailleurs, c’est un projet architectural très ambitieux de Jean-Pierre Renault.

Ce projet, c’est votre « Cap Mail » à vous ?
Absolument ! C’est un projet d’une trentaine de logements, nous sommes en lancement commercial. Mais mis à part ce type de programme exceptionnel, la difficulté, c’est de trouver le moyen de décliner une spécificité, même dans des programmes présentant des contraintes financières fortes. Nous n’avons pas vocation à ne faire que du haut de gamme, nous devons répondre à tous les besoins.

À ce propos, quel regard portez-vous, en tant que promoteur privé, sur la singularité rennaise en matière de logement social, à travers le programme local de l’habitat ?
Les exigences du PLH sont parfois difficiles à mettre en oeuvre, surtout actuellement, car le profil des personnes susceptibles de bénéficier des mesures à caractère social s’est élargi. Il y a de la frustration chez des propriétaires occupants qui ne sont pas éligibles aux dispositifs d’accession sociale, et qui considèrent que dans un programme neuf en mixité, ils payent un peu pour les autres. Les gens ont de plus en plus de mal, dans un contexte qui s’est durci, à comprendre pourquoi, dans un même immeuble, avec des prestations similaires, il existe un tel différentiel sur le coût d’acquisition. Il faut être prudent sur cette mixité. Elle est souhaitable, mais c’est plus difficile à mettre en oeuvre sur un même palier. Elle fonctionne mieux dans des immeubles distincts. On revient à une notion de bon sens : il s’agit de faire en sorte que chacun s’y retrouve, sans créer de clivages, de l’incompréhension et de la frustration.

Ce n’est pas très politiquement correct !
Peut-être pas, mais c’est aussi la réalité : les modes de vie ne sont pas tous les mêmes. Lorsque les relations de voisinage se durcissent, elles peuvent déboucher sur des clivages, voire de l’agressivité. La ville de Rennes travaille avec la Fédération des promoteurs immobiliers afin de mettre en place un dispositif d’accession « abordable ». Nous souhaiterions qu’il entre le cadre des 50 % de logements à caractère social, afin de répondre à une clientèle de classes moyennes un peu « entre deux eaux » actuellement, qui n’a plus le pouvoir d’achat de l’accession libre telle qu’on l’envisage à Rennes, en raison du coût du foncier et de la hausse des coûts de construction. Nous aimerions capter cette clientèle, et retrouver cet équilibre et cette mixité, qui est importante pour la vie des quartiers.

C’est une responsabilité qui incombe au promoteur ?
Bien sûr, c’est une responsabilité partagée entre le promoteur et la collectivité. Même si nous sommes un opérateur assez jeune dans le secteur de l’habitation, et donc encore peu confronté à ces problématiques, elles sont clairement de notre ressort.

On sent chez vous un point de vigilance sur ces questions de mixité…
Oui, il est indispensable de faire du logement social, mais il faut aussi éviter de créer de la frustration chez les habitants qui ne sont pas éligibles à ces mesures. Il faut aussi penser à ceux qui voient les trains passer sans pouvoir y accéder !

Vous avez évoqué tout à l’heure les points positifs du territoire rennais. On entend souvent des critiques à l’égard d’une certaine frilosité architecturale rennaise, moins audacieuse et colorée que chez sa voisine nantaise. Sont-elles justifiées, selon vous ?
Je pense que c’est un peu culturel. Ici, nous sommes une ville historiquement administrative, Nantes est un port, habitué au brassage, aux couleurs. Mais la prise de conscience est à l’oeuvre, le rattrapage aussi. À force d’entendre cette petite mise en concurrence, Rennes a certainement l’ambition – en tout cas je l’espère – de nous permettre de faire des réalisations plus osées. Je crois en cette capacité rennaise.

Est-ce que cela pourrait se traduire par des programmes sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Clairement, le programme Cara, dont je parlais tout à l’heure, est une bonne illustration de cette audace. Notre siège social, rue de Châteaugiron, traduit bien également cette ambition, et nous avons été soutenus par la ville. Il a d’ailleurs été récompensé par plusieurs prix, les Pyramides ainsi que le prix National du concours Lumière, qui était décerné pour la première fois à une maîtrise d’ouvrage privée. Neo2 également, c’est un concept de bureaux conçu en groupe de travail avec l’architecte Nathalie Becdelièvre avec un objectif environnemental ambitieux qui intègre entre autres une serre bioclimatique.

Le concept rennais de « ville archipel » évolue. Comment l’interprétez- vous ?
Nous avons totalement vocation à travailler sur l’ensemble de l’agglomération. Pas forcément de la même manière, car le contexte et les clients sont différents.

La hauteur, c’est une question taboue pour vous ?
Non, mais c’est une question compliquée à mettre en oeuvre en raison des coûts de construction et des charges. Il faut porter une attention très particulière à la verticalité. Les exemples à Rennes, hormis les Horizons, ne sont pas très probants car ce sont des réalisations d’un autre temps. C’est l’équation économique qui est compliquée actuellement.

Comment comptez-vous injecter la dimension « design » dans vos réalisations ?
Cela passe bien sûr par un travail avec les architectes. Il faut pouvoir proposer des réponses différentes, variées. Nous n’avons pas vocation à tout faire : notre métier est celui d’un chef d’orchestre, avec la volonté de tirer les projets vers le haut.

On vous sent désormais épanouie dans vos fonctions. Ça a pris du temps ?
Je le suis sans doute davantage que dans les premières années, c’est vrai ! Je suis quelqu’un qui s’épanouit lorsqu’elle maîtrise. Dans mon précédent métier, du design, j’avais la reconnaissance de mes pairs. Je suis passée d’une situation très confortable à un redémarrage à zéro. Maintenant, je sais que je suis à ma place, et c’est plus facile pour moi.

Cela génère une fierté familiale ?
Sans doute. Le pari le plus osé de mon père, c’est de m’avoir fait confiance, avec mon parcours. Le connaissant, je sais qu’il l’a fait car il croyait en ma capacité.

Vous arrivez à déconnecter en famille, à ne pas parler immobilier ?
Heureusement ! C’est important. Avec mon mari, lorsqu’on rentre à la maison, c’est pour être dédié à la vie de famille : à quatre et six ans, mes enfants sont demandeurs ! Ma position de femme est là. J’avais pris mes mercredis à une époque, ce n’était pas dans la culture de l’entreprise familiale. Mais il y a eu cette prise de conscience : la qualité du travail ne se mesure pas au temps passé. Et j’espère bien pouvoir retrouver prochainement du temps pour me remettre à la création artistique !