40 ans d’histoire…
de la complicité à l’indifférence
Les liens entre Rennes 2 et le quartier de Villejean font débat depuis longtemps. La question ne s’est pourtant pas posée lors de l’élaboration des deux projets. Lorsque la décision d’implanter la nouvelle faculté des lettres et sciences humaines est prise à la fin des années 50, les travaux de construction du grand ensemble ont déjà débuté et la réalisation de la faculté de médecine, de l’ENSP 1 et du centre hospitalier est prévue.
C’est le 23 février 1961 que le recteur Le Moal annonce dans Ouest-France la création d’une faculté des Lettres à Villejean. La municipalité de l’époque se mobilise face aux réticences de nombreux professeurs peu enclins à quitter l’ancien grand séminaire de la place Hoche : le centre-ville est beaucoup plus valorisant qu’un grand ensemble de périphérie en construction et la faculté des Lettres dispose dans son environnement de toutes les ressources à la fois culturelles et pratiques. Pour convaincre du bien-fondé de l’opération, la ville développe un argumentaire qui s’appuie sur les prévisions des effectifs à venir – 6 000 étudiants – et sur les besoins en équipements, bibliothèques, résidences universitaires, restaurants… La municipalité intègre également dans ses prévisions, signe des temps, le développement massif de la motorisation des étudiants. Le nouveau campus viendra finalement se greffer au quartier et au CHU en 1967. Il accueillera 6 200 étudiants dès la première rentrée alors que la faculté n’en accueillait que 2 700 place Hoche au moment de la conception du projet.
La création du quartier et celle de l’université ont été soutenues par une démographie en pleine expansion et la croissance économique des Trente glorieuses. Ces projets s’inscrivent dans un vaste programme de constructions universitaires et de grands ensembles d’habitations audelà des limites antérieures du périmètre urbain. Rennes sera une des premières villes à utiliser les outils d’urbanisme opérationnel proposés par l’État pour résorber les problèmes de logement. Villejean sera ainsi la première application à Rennes des Zones à urbaniser en priorité (Zup). Les constructions du quartier, répondant aux soucis d’urgence et d’économies de l’époque, présentent de ce fait un aspect standardisé qui correspond aussi au courant de pensée qui a inspiré cette architecture cubique et dépouillée.
Ces réalisations reçoivent à l’époque un accueil mitigé : le surnom de « Villejean la grise » marque le quartier jusque dans les années 80 où les premières réhabilitations vont apporter un peu de couleur. La nouvelle faculté ne tranche pas sur l’ensemble d’un point de vue architectural mais fait l’objet d’un article enthousiaste le 20 juillet 1967 dans le quotidien Ouest France : le journaliste souligne « le choix très calculé des couleurs (…), les portes tantôt ouvertement métalliques, tantôt imitant le bois (…), les plafonds d’où tombent des stalactites fuselées qui représentent un aspect de l’effort ingénieux et de la stylisation moderne auquel s’est appliquée l’imagination des bâtisseurs (…). On est dès l’entrée prévenu d’une certaine fantaisie ».
Le discours n’évoque pas la présence de la nouvelle faculté dans son environnement et renvoie plutôt à une démarche personnelle de l’étudiant dans le processus d’apprentissage. Il témoigne toutefois d’un intérêt pour le mouvement de démocratisation de l’enseignement supérieur à l’œuvre à cette époque, qui n’était pas forcément partagé par tous. Cet intérêt avait également pour origine le modèle des campus anglo-saxons, véritables villes universitaires, lieux d’études et de loisirs avec de nombreux équipements sportifs et culturels, symboles de l’université de masse. Le recteur Wolf dans l’immédiat après-guerre à Rennes, et avec quelques années d’avance, avait développé l’idée d’un grand campus unique inspiré de ce modèle. Ce projet n’a pas survécu aux résistances qu’il rencontra et aux priorités de la reconstruction.
Par contre, ce modèle inspira de nombreux concepteurs qui développèrent un discours intégrateur de l’université :
« La ville et l’université évoluent en parfaite symbiose (…), les équipements universitaires dont certains doivent rester largement ouverts à la population (bibliothèques, amphis, restaurants…) constituent l’élément dynamique de la ville. Cette intégration de l’université à la communauté urbaine favorise les échanges, permet la participation des étudiants à la vie sociale et suscite une certaine intensité de vie et d’animation dès les premières phases de réalisation » (l’architecte de Villetaneuse).
À Villejean, lorsque les premiers habitants arrivent en 1965, bientôt suivis par les étudiants en 1967, le quartier n’est pas achevé. Les équipements culturels, sportifs et commerciaux sont minimes. De surcroît, les réalisations sont immédiatement sous-dimensionnées parce qu’elles n’ont pas tenu compte au moment de leur conception de l’afflux massif des étudiants. Dès le début, les sociétés privées de HLM ont réservé pour eux des logements, pratique qui s’est aussi rapidement développée chez les propriétaires qui leur ont fréquemment loué des chambres. Le campus apparaît lui aussi étriqué et coupé de ses bases de vie étudiante. La nouvelle faculté des Lettres a fait l’objet d’une attention moindre que son homologue des Sciences dont le campus a bénéficié de moyens supérieurs, mais qui se trouve en revanche déconnecté des zones d’habitat.
Paradoxalement, les difficultés de Villejean à sa création, en partie liées à la déconnexion des deux opérations, vont avoir un effet d’entraînement positif sur les relations entre les deux entités, quartier et université. Des éléments de cohabitation émergent car il existe des aspirations et des intérêts communs : une dynamique revendicative, du côté des habitants, autour du manque d’équipements et de problèmes de malfaçons dans les logements, et une dynamique plus largement politique du côté universitaire. D’autre part, même si les modes de vie sont différents, il s’agit dans les deux cas de populations jeunes, en rupture avec leur environnement d’origine, qui ont dû s’adapter, ce qui a favorisé l’ouverture de part et d’autre. En outre, beaucoup de personnels de l’université et notamment des enseignants habitent alors le quartier. Un certain nombre d’entre eux sont présents dans les mouvements associatifs qui s’y créent.
Une forte dynamique de revendication se développe dès 1967 avec notamment la création de l’ARV (Association des résidents de Villejean). Des manifestations rassemblant plus de 300 personnes ont lieu en 1968 pour protester contre les retards d’implantation des équipements et contre l’interdiction de circulation des marchands ambulants dans le quartier. Le combat le plus significatif sera la mobilisation contre la société qui gère la chaufferie collective et qui pratique des tarifs jugés excessifs. L’université, qui subit le même problème, va s’associer à ce mouvement.
Par ailleurs, les étudiants souffrent aussi du manque d’équipements : ceux qui habitent dans le quartier – dans les cités universitaires ou dans le parc locatif – ne trouvent guère de quoi s’y ancrer et les autres ont comme principal problème le transport. Un véritable réseau de bus a été créé en 1972, mais, d’après les habitants de l’époque, seule l’apparition des bus accordéons en 1977 résoudra les problèmes d’accessibilité du quartier, avant l’arrivée du métro en 2002.
Pour pallier l’absence de salles de quartier, les responsables respectifs de l’ENSP 4 et de la faculté des Lettres ouvrent régulièrement leurs locaux pour accueillir des conférences, des réunions ou diverses manifestations du quartier. La faculté des Lettres prête des salles pour l’organisation de spectacles dont l’initiative revient au quartier. Ces démarches réciproques et solidaires dans un environnement difficile renforcent le lien entre les habitants et les étudiants.
Un facteur supplémentaire va faciliter cette relation, c’est le contexte favorable aux engagements et aux débats politiques que l’on retrouve à la fois dans le quartier et dans l’université. Une partie des étudiants veut s’associer aux démarches du quartier. Cette volonté s’est manifestée par exemple au sein de l’Association générale des étudiants rennais (l’Ager). C’est pour répondre à une demande de l’Ager que les cités universit aires de Guyenne, du Maine et de Normandie ont été implantées au cœur même du quartier. Des étudiants étaient présents aux réunions des habitants et parfois dans les conseils d’administrations des associations. Certains se sont probablement d’autant plus tournés vers le quartier qu’ils y voyaient l’occasion de donner une tournure plus politique aux actions menées par les habitants. Dès le début de la crise économique en 1974 se crée à Villejean un comité de chômeurs ; les étudiants y participent. Les habitants s’intéressent aussi aux nombreuses revendications des étudiants, et certains se souviennent des discussions politiques improvisées lors des mouvements des années 68-70 dans le quartier et sur le campus.
Les commerçants présents commencent à intégrer les particularités étudiantes, et les nouveaux projets du quartier prennent en compte leur présence. Ils donnent naissance à la dalle Kennedy – dont la construction débute en 1970 – qui intègre une brasserie et des commerces adaptés à tous les publics, et par ailleurs, pour répondre au sous-équipement du quartier, une mairie annexe et un centre social qui ouvriront en 1971.
Ces volontés trouvent aussi leurs limites : la faculté des Lettres est conçue comme un lieu d’étude et non pas comme un lieu de vie ouvert. Les initiatives pour ouvrir des espaces communs aux habitants et aux étudiants dans le périmètre du campus se heurtent à des barrières administratives. Un projet assez avancé prévoyait en 1978 l’installation de jeux pour les enfants et des ouvertures sur le quartier. Les problèmes d’entretien et de responsabilité n’ont jamais pu être résolus et le projet qui devait faire du campus un lieu attrayant pour les habitants a été abandonné. D’autre part, l’attractivité du centre-ville de Rennes n’a pas favorisé à Villejean le développement d’une vraie vie étudiante. L’histoire de la faculté des Lettres dans le centre-ville est restée forte et les flux d’étudiants s’y sont toujours déplacés en soirée et pour la plupart des activités extra-universitaires. Enfin, la population étudiante, par définition, se renouvelle sans cesse et ne cherche pas un ancrage durable dans le quartier. Toutefois, un lieu mythique de la vie étudiante villejeannaise s’est développé avec la brasserie « Le Flandre », située dans le centre commercial du même nom, où se retrouvent enseignants et étudiants aux intercours ou en fin de journée.
À partir des années 80, cette vie de quartier dynamique qui a créé une très forte identité à Villejean va changer de nature. Beaucoup de familles rejoignent des quartiers pavillonnaires à Rennes ou à la périphérie. Le quartier connaît toujours une certaine mixité sociale – à sa création, sa composition socioprofessionnelle correspond à celle de l’ensemble de la ville – mais sa population est en baisse et tend à se précariser. Ce mouvement sera plus lent que dans d’autres quartiers de Rennes – la qualité de vie dans le quartier est reconnue et les types d’habitat y sont divers – mais il va toutefois se confirmer. Les nouveaux venus arrivent dans un quartier terminé et qui a même connu ses premières réhabilitations. Les équipements qui manquaient ont été réalisés et les problèmes de transports sont résolus. L’arrivée du métro en 2002 met Villejean à quelques minutes du centre-ville. Ces nouveaux arrivants n’auront pas les mêmes préoccupations que leurs prédécesseurs. Ils auront aussi moins recours aux locaux de l’université, puisque les équipements du quartier les accueillent. Enfin, l’époque se prête moins aux grands débats d’idées, et la proximité politique qui s’est créée dans les années 70 entre étudiants et habitants n’existe plus de la même manière. Les personnels de l’université habitent moins le quartier. La nouvelle population, plus précaire, moins formée, n’est pas très à l’aise avec le monde de l’université.
Dans le même temps la population étudiante augmente fortement et sa présence va se ressentir dans le quartier et ses commerces. Les propriétaires dont les enfants ont grandi vont louer des chambres en plus grand nombre. La cohabitation va se généraliser avec des vacances d’appartements, liées à la baisse de la population. Mais la nature de ces relations va changer. Elles deviennent plus neutres, ce qui n’est pas contradictoire avec une bonne cohabitation. La présence étudiante est perçue comme un élément positif par tous les habitants, mais ce sont généralement ceux qui sont arrivés dans le quartier dans la première décennie de son existence qui sont le plus en demande de liens avec l’université et les étudiants. Ils sont plus familiarisés avec l’institution et souvent leurs enfants y ont fait leurs études.
À la fin des années 80, les campus universitaires voient leurs effectifs exploser alors que le cadre bâti reste celui des années 60 : à Villejean les effectifs sont passés de 6 200 à la rentrée 1967 à 14 600 en 1989. Rennes 2 va faire l’objet d’un projet de réhabilitation dans le cadre du plan « Université 2000 » lancé en 1990. Ce projet – contrairement aux précédents – va questionner le lien université – quartier avec, d’une part, les nouvelles réalisations liées à la restructuration du campus et, d’autre part, la perspective de l’arrivée du métro et du réaménagement d’espaces clés du quartier par la Ville : la nouvelle place Henri-Le-Moal, située à l’extrémité nord du campus, va constituer le nouveau point de liaison entre les deux entités. Elle raccroche l’université au quartier et supprime la frontière constituée par l’avenue Gaston-Berger. Celle-ci longe le campus sur toute sa longueur et passe devant l’entrée du hall B de l’université qui en constituait son principal accès, et devant lequel s’arrêtait l’ancien bus n° 8. Depuis l’arrivée du métro, tous les flux d’étudiants et d’habitants de la partie est du quartier arrivent sur la place Henri-Le-Moal. Elle s’ouvre sur le campus d’une part et en constitue désormais le principal accès, sur le quartier de Beauregard d’autre part, et surtout sur l’axe Cours Kennedy – dalle Kennedy qui conduit au cœur de Villejean. Sur la place se trouve également le nouveau bâtiment de la présidence de l’université, qui abrite de nombreux services de l’université. Face à la station de métro, en rez-de-chaussée du bâtiment, une salle de spectacle – Le Tambour – et un espace d’exposition ont été créés. Ils sont conçus pour être ouverts à tous, étudiants et habitants, avec une programmation susceptible d’intéresser tous les Rennais.
Entre-temps, l’université a également récupéré des locaux dans le quartier en profitant de la fermeture d’établissements scolaires liée à la baisse de la population. Le collège de la Harpe est une annexe de Rennes 2 depuis 1991, et l’université occupe un étage de l’école primaire Jean-Moulin. La nouvelle brasserie à l’entrée de la dalle Kennedy est très fréquentée par le monde universitaire et par des professionnels du quartier (le Flandre a perdu son caractère emblématique de la vie universitaire villejeannaise). Les flux de population étudiante s’en trouvent renforcés, les effectifs sont toujours plus élevés – près de 18 000 étudiants à la rentrée 2009 – et, en même temps, les relations avec les autres habitants du quartier sont de plus en plus indifférentes.
Beaucoup d’habitants ne sont ni demandeurs ni intéressés. Le monde de l’université n’est pas le leur. Ils expriment parfois de l’incompréhension sur les comportements des étudiants en grève, protestent contre le manque de places de parking ou certaines fêtes bruyantes organisées dans les appartements villejeannais. La vie collective reste dynamique mais s’organise différemment, autour de nouvelles associations et surtout autour de collectifs moins formalisés, menés par des habitants qui créent une vie sociale forte autour d’îlots du quartier, et basée sur des temps conviviaux ou festifs.
Ces collectifs touchent en particulier des habitants souvent précarisés qui ne se retrouvent pas dans les mouvements associatifs des débuts, lesquels sont, pour leur part, en perte de vitesse. Mais ils ne se retrouvent pas non plus dans les tentatives menées par des associations d’étudiants, la commission culturelle de l’université et des acteurs du quartier – notamment de la maison de quartier dont le directeur a été membre du conseil d’administration de l’université – pour croiser les initiatives de part et d’autre.
Pourtant, les locaux d’exposition et la salle du Tambour ont été utilisés. L’école Guyenne y organise des spectacles avec ses élèves. Le festival Convergence culturelle y développe plusieurs manifestations, en particulier une séance gratuite de cinéma en lien avec l’association Clair Obscur, et l’association des photographes de Villejean y réalise chaque année une exposition. Mais le public reçu reste un public initié. Le cinéma le Tambour est fréquenté de manière marginale par les Villejeannais malgré des tarifs attractifs : sa programmation correspond peu à leurs attentes. Les étudiants ont également fait des tentatives en partenariat avec la maison de quartier, avec les festivals K-Barré ou Indécence jusqu’en 2008, qui – comme leur nom le suggère – ont pu dérouter localement. Inversement, les initiatives des collectifs des habitants de Villejean sont probablement assez éloignées d’une vision de l’animation sociale qui pourrait être valorisée par l’université et les étudiants.
Le déphasage entre les deux populations s’est particulièrement révélé en avril 2009. Une centaine d’étudiants de Rennes 2 – ou « sympathisants » à la cause – en plein mouvement de contestation des nouvelles lois universitaires, ont occupé le supermarché situé sur la dalle Kennedy, au cœur du quartier, et ont proposé aux habitants – réputés précaires – de sortir avec leurs achats sans payer. Ils en attendaient sans doute une certaine popularité mais la démarche relevait aussi pour beaucoup d’entre eux d’une préoccupation sincère sur la situation de personnes en situation financière difficile.
Cette intrusion a entraîné la panique d’habitants, vivant parfois assez mal un sentiment de stigmatisation et craignant des réponses institutionnelles imaginées, qui ont refusé de sortir sans payer, tandis que par ailleurs le magasin était dévalisé en nourriture, alcool… et matériels divers. L’arrivée de renforts de police autour de la dalle a renforcé la tension très forte. L’épisode se serait probablement très mal terminé si des personnes ressources du quartier n’avaient pas apaisé la situation. Après l’arrestation d’un jeune adulte habitant Villejean, un fort sentiment d’injustice s’est installé et reste à ce jour bien ancré. Les étudiants sont perçus comme une population plutôt favorisée et leur image s’est dégradée depuis ces événements, vécus comme la provocation d’un monde qui fonctionne auprès d’un autre qui se vit comme relégué. Le décalage est total, presque 40 ans après, avec les récits d’habitants qui, au début des années 70, cachaient, dans les caves de leurs immeubles, les étudiants poursuivis par des CRS.
Cette évolution est plus symptomatique d’une réalité sociale générale que d’une particularité villejeannaise liée à la mauvaise volonté des uns ou des autres. La précarisation des quartiers dits prioritaires au regard de la politique de la ville est une réalité et un processus extrêmement complexe à contredire, même lorsque des politiques volontaristes s’y développent. Le sentiment de relégation, la méfiance et la défiance vis-à-vis des institutions s’y expriment de manière importante. L’université et, d’une manière générale, l’institution scolaire, n’échappent pas à ce regard, d’autant plus que, dans ces quartiers, les taux de chômage sont élevés chez les jeunes diplômés souvent issus de l’immigration.
C’est un phénomène désastreux pour la crédibilité de l’école. Les notions de valeurs républicaines, de citoyenneté, souvent associées à des institutions perçues comme fonctionnant mal, voire excluantes, n’ont plus beaucoup de sens, voire deviennent contreproductives. Les repères identitaires qui se développent en réaction renforcent considérablement les difficultés d’insertion sociale et professionnelle, pourtant déjà importantes.
Néanmoins, la présence de l’université contribue pour une part au développement d’un regard valorisant sur Villejean, par la multiplicité d’activités et de publics qu’elle y apporte. Villejean reste un quartier qui possède une très forte identité (quel autre quartier de Rennes a donné son nom à ses habitants ?) et une image positive. Les étudiants sont présents, fréquentent les services et les commerces et y habitent en grand nombre. Les acteurs du quartier les accueillent régulièrement, notamment des sociologues ou des géographes, dans le cadre de leurs travaux universitaires. Ils sont aussi très présents dans les associations qui mettent en place des actions d’aide à la scolarité, d’alphabétisation ou d’enseignement du français, qui s’appuient sur la présence de l’université pour trouver des bénévoles. Une centaine d’étudiants sont engagés chaque année auprès de l’Association de la fondation étudiante pour la Ville (Afev) et encadrent des élèves dans leurs familles. Cet engagement constitue une option dans le cadre de leur cursus universitaire qui fait l’objet d’une évaluation et d’une note.
Par ailleurs cette forte présence liée à l’université, dans le contexte d’une baisse de la population, a sans doute permis au quartier de maintenir et de bénéficier d’un certain nombre d’équipements. Réciproquement, l’université bénéficie de cette hyperproximité avec une zone dense d’habitat, en termes de potentiel de services, commerces, logements, etc. C’est aussi l’ensemble quartier – université qui a justifié l’arrivée de la première ligne de métro.
Un renforcement des liens entre l’université et son quartier relève d’une démarche forte et structurée, en lien avec les politiques publiques volontaristes et nécessaires à tous les échelons de territoires dans lesquels ils s’inscrivent. Il relève également du développement d’un autre regard sur les quartiers d’habitat social – et en particulier sur leur jeunesse – par tous les citoyens, mais aussi – avec un caractère d’exemplarité – par l’ensemble des institutions. Le débat sur les relations université – quartier à Villejean est en ce sens à double niveau : il interroge la place de l’université dans son territoire (quartier, ville, métropole…) mais il renvoie également aux débats sur la question des banlieues. C’est aussi pour ces raisons que ce débat est récurrent depuis la création du quartier de Villejean.