Dans sa mission de politique urbaine, l’image de la ville construite par le marketing urbain est souvent dénoncée comme étant de la poudre aux yeux qui ne tient pas compte des priorités sociales ou environnementales, et de surcroît en faveur d’une économie vue comme dévastatrice. Son évaluation est difficile et ne donne pas de résultats révolutionnaires: les études d’image coûteuses des années 1980-1990, réalisées auprès des entrepreneurs ou des touristes, amènent peu d’éléments décisifs pour faire changer les politiques publiques en cours. Les quelques sondages aboutissent à des bilans aussi pauvres et déjà présupposés tels que « A Brest, il pleut » ou « Nice est une ville de vieux » dès lors que les villes sont un tant soit peu connues. En revanche, les images auprès de la population locale sont davantage mesurables et apportent des propos riches qui toutefois sont récurrents d’une ville à l’autre: la qualité de vie, la taille humaine, l’animation, la pollution … autant d’arguments qui peinent à distinguer une ville pour la rendre attractive. Dans le cadre d’une thèse, j’ai analysé les processus de fabrication de l’image officielle de Rennes en étudiant leur capacité à favoriser un rayonnement international dans un contexte de compétitivité.
Comme Montpellier ou Nantes, Rennes est une ville dynamique et en bonne santé qui pour autant communique fortement, alors que les politiques d’image sont souvent l’apanage des villes en déclin, celles qui espèrent une nouvelle image afin de se régénérer. Rennes est évaluée comme une ville relativement ouverte à l’extérieur, qui base plus son internationalité sur l’immatériel et l’image que sur des composantes structurantes. Sa volonté d’afficher un rayonnement remonte au début des années 1980 et a connu plusieurs phases jusqu’en 2008. Tout au long des trente et un ans de mandature d’Edmond Hervé, l’historiographie de l’image rennaise permet d’observer un manque de collaboration avec d’autres territoires au profit d’une image qui a accompagné sa métropolisation.
Trop peu d’éléments positionnent Rennes comme pôle européen majeur. Son rayonnement existe plutôt à travers une affirmation dans les discours politiques et une promotion produite par les acteurs publics locaux. Sa dimension internationale est performative avec l’espoir qu’à force de répétition, l’opinion publique pense qu’elle existe. Cette situation s’explique en partie par la trop petite taille de Rennes pour être visible sur l’échiquier mondial et une absence de spécificité territoriale aussi visible que celles de Lausanne ou Venise par exemple, qui sont de même taille mais présentent des symboles puissants. Pour répondre à l’objectif d’image internationale, actuellement souhaité par de nombreuses villes, la coopération territoriale est l’une des pistes possibles (cf. Place Publique n° 1). Depuis 2005, l’Espace métropolitain Loire- Bretagne essaie d’agir en ce sens. Mais la coopération peut prendre d’autres voies si l’on tient compte du potentiel urbain de certains territoires. Trois scénarios de coopération territoriale en matière d’image peuvent être envisagés pour faciliter le marketing urbain:
– Une coopération métropolitaine favoriserait une mise en réseau des grandes métropoles de l’ouest de la France, notamment par la mise en place d’infrastructures communes aux trois pôles Rennes, Nantes et Angers. Le choix de placer l’aéroport international à Notre-Damedes- Landes auprès de Nantes est une occasion manquée de rapprocher les trois villes de manière intégrée autour d’une infrastructure commune.
– Une coopération multiscalaire, c’est-à-dire entre plusieurs territoires imbriqués, en l’occurrence ici Rennes et la région Bretagne. La capitale serait soutenue en matière de marketing par la région qui donnerait la priorité à la plus importante des villes bretonnes. Mais ce partenariat n’est pas possible car la région n’envisage pas de mettre en avant une ville au détriment des autres. Un événement original comme la Breizh touch donne une image de marque qui ne fait pas ressortir Rennes comme capitale mais la noie parmi les autres villes bretonnes. De surcroît, la coopération d’image entre Rennes et la Bretagne ne trouve pas de points d’accroche. Au contraire, tout les oppose et notamment la volonté des acteurs rennais de ne pas se restreindre à une image bretonnante mais de promouvoir l’urbanité moderne. Rapprocher Rennes de la Bretagne enfermerait la ville dans son statut de capitale régionale, là où Nantes estime rayonner sur le grand ouest de la France. La possibilité de faire reposer l’image de Rennes sur les valeurs bretonnes, supposées bien ancrées dans les représentations mentales, est anéantie par cette idée d’enfermement.
– Enfin, une coopération auréolaire, c’est-à-dire un partenariat qui étalerait Rennes à l’échelle du Pays ou au-delà, favoriserait une meilleure synergie entre Rennes et son hinterland et présenterait un large territoire d’envergure européenne avec près d’un million d’habitants à l’échelle du département. L’axe Rennes Saint-Malo et la volonté du département d’Ille-et-Vilaine qui a récemment souhaité plus de notoriété en tentant de modifier son toponyme en Haute-Bretagne, sont deux opportunités. Mais la métropolisation rennaise est actuellement bien moins étalée que le département et la gouvernance locale est peu encline à cette coopération.
Quel que soit le choix, la maîtrise du développement rennais semble incompatible en concertation avec des acteurs issus d’autres territoires. Coopérer entre plusieurs territoires, c’est collaborer entre plusieurs meneurs qui ne semblent pas prêt à partager les décisions de développement. Pourtant, ils s’engagent tous à le faire dans des discours officiels qui restent à l’état d’intention, bien que depuis quelques années, toutes les institutions locales soient du même bord politique. L’étude des archives municipales de Rennes révèle que chaque lustre, les acteurs locaux annoncent des coopérations territoriales pour atteindre une visibilité internationale, mais les actions concrètes se conjuguent toujours au futur. La rencontre entre Nantes et Rennes en octobre 2009 ne veut pas se réduire à un effet vitrine sans engagement fort par la suite. Toutefois, Rennes a déjà participé à un rapprochement de ce type en 2008 avec Saint-Malo et depuis, les concrétisations se font attendre.
Bien sûr, ce sont les temporalités longues qui permettent des opérations communes entre des pôles habitués à être en concurrence, mais bien souvent ils coopèrent avec prudence et parcimonie, sur quelques projets qui évitent la mutualisation ou la fusion et laissent toute latitude à chaque territoire. La presse locale sait tirer les gros titres de ce qui ne relève le plus souvent que de l’effet d’annonce.
Au final, sur les questions d’image qui permettent aux villes de rayonner, Rennes travaille seule depuis 25 ans. Son mauvais classement dans les études de rayonnement international (quand les études daignent la considérer) est bien évidemment lié à sa taille, d’où l’intérêt d’une coopération qui permettrait d’atteindre la masse critique suffisante pour compter en Europe. A défaut, il ne reste plus à Rennes qu’à marquer un grand coup médiatique pour créer de la symbolique sous forme d’emblème territorial. En dépit de fortes aménités urbaines (être une capitale nationale comme Vilnius ou Berne, accueillir des institutions d’envergure comme La Haye ou Strasbourg, proposer une gastronomie célèbre comme Bordeaux ou Dijon), certaines villes organisent des événements pour être identifiées par un large public: Göteborg lors des J.O. d’hiver en 2002, Gênes capitale de la culture en 2004 ou Liverpool en 2008, Valence qui reçoit l’America’s Cup la même année, ou bien Saragosse qui accueille l’exposition universelle. Rennes ne joue pas sur ces créneaux, refusant dernièrement de porter sa candidature au capitalat culturel de 2013, même en duo avec Nantes.
Bien que tout le monde ait un avis sur l’image de Rennes, peu de personnes se mobilisent pour faire évoluer son impact. Il faut dire que la mise en visibilité d’un territoire est souvent coûteuse et n’apparaît pas comme une action publique prioritaire. Dans le cas d’une ville dynamique comme Rennes, cela peut être mal perçu par les habitants qui y verraient des dépenses inutiles puisque la ville est déjà attractive. Enfin, ces ambitions relèvent aussi de collaborations avec le secteur privé et de compétences spécifiques que Rennes n’a pas en matière de marketing urbain. La coopération en termes d’image ou bien une action phare autonome de Rennes est, dans les deux cas, difficile à impulser. Le rayonnement apparaît dès lors davantage comme un objectif sans les moyens adéquats, légitimant des campagnes de promotion dont la cible réelle est la population rennaise. En témoignent les études d’impact commandées par la ville et la carte de diffusion des supports de promotion. Le marketing urbain, absent à Rennes (mais aussi dans bon nombre d’autres villes) prend la forme d’un marketing politique qui vise à satisfaire, rassurer ou enchanter la population locale. Résultat, la bonne image de Rennes ne dépasse probablement pas le grand-ouest de la France, mais a plutôt accompagné la métropolisation.
Sur les vingt-cinq dernières années, l’évolution des différentes valeurs de l’image officielle est corrélée à la métropolisation rennaise en tant que phénomène territorial, mais aussi institutionnel avec le choix du nom intercommunal Rennes Métropole. La dimension métropolitaine est confirmée par la communication territoriale, à partir d’un champ lexical qui suggère la modernité, la centralité, l’intellect, la durabilité… Conscients que pour distinguer la communication politique et la communication institutionnelle, il est plus aisé de se recentrer sur la valorisation des territoires, les producteurs d’image sont incités à accompagner les transformations de la ville qui veut être perçue comme une métropole européenne. Rennes puise dans le champ sémantique de la métropolité, qui colle avec les bases de son image que sont l’innovation, l’effervescence culturelle et la qualité de vie (comme tellement d’autres villes).
La métropolité, associée à la quête d’internationalité, est un objectif qui répond à la compétitivité des territoires de la fin du 20e siècle et montre que Rennes est dans l’air du temps. Depuis quelques années, son profil bifurque vers une autre image urbaine: la ville archipel, lancée par l’élu Yves Chapuis. Ce positionnement s’oppose au précédent, même si la métropolisation est une étape nécessaire à la ville archipel. Basée sur les idéologies de la proximité et du développement durable, Rennes adapte son image pour rester à la taille humaine souhaitée par l’opinion publique locale.
Si le découpage est assez net entre d’une part la communication intercommunale dont la vocation est le développement économique et l’attractivité, et d’autre part la communication communale qui développe plutôt le bien-être via la proximité, l’objectif identitaire reste partagé entre les services de communication rennais, ce qui pose la question: « Qui produit l’image de la ville? » Les budgets et les effectifs humains sont décalés au profit de la ville-centre qui a historiquement les actifs de communication les plus importants. Le manque de clarté dans la répartition des compétences entre les différentes instances de communication aboutit à une production multiple de l’image de la ville. Les deux directeurs n’ont pas de capacité d’agression vis-à-vis de l’autre mais ont une stratégie défensive qui consiste à être impliqués dans tous les projets sans abandonner à l’autre service de pans communicationnels. C’est un réflexe de survie institutionnelle à l’approche des élections locales de 2008, moment où le premier édile de Rennes vient de changer et réorganise la communication en janvier 2010 en créant une seule cellule communication.
Le management public fonctionne avec ce type de concurrence entre services sur des compétences mal partagées, dans une logique de carriérisme où chaque personne pense à son devenir professionnel. Ainsi, pour que chaque service puisse conserver son pré carré sans être gêné par l’autre, ce jeu d’acteur institutionnel renforce les opérations déployées sous le discours de la proximité, et ce, au détriment du rayonnement. Dès qu’il s’agit de rayonner, le partenariat est financièrement nécessaire mais le compromis se met en place vers des choix à débattre, peu innovants et sans portée internationale.
Le manque de motivation pour le partenariat en faveur de la promotion territoriale peut aussi s’expliquer par la mauvaise échelle que serait le territoire rennais pour une visibilité européenne, en raison de l’incapacité ou bien du manque de volonté de coopérer entre territoires de l’Ouest de la France. Toutefois ces contraintes apportent un atout à l’image de la ville. Contrairement aux théories de l’image qui insistent sur la dimension claire que les spécialistes du marketing développent pour promouvoir un produit, la ville peut se passer de cette clarté. En effet, une ville qui se veut une métropole, doit évoquer l’abondance, la divergence (des quartiers riches et des quartiers pauvres, de l’ordre et du désordre, des banlieues et de la centralité…). Cette diversité souhaitée autorise des messages publicitaires différents, qui peuvent être produits par plusieurs émetteurs sans liens forts. Ainsi, les récentes campagnes publicitaires de l’Office de tourisme ou la campagne nationale de promotion des Champs Libres, bien qu’elles ne soient pas reliées au graphisme de la stratégie d’image de Rennes apporte une globalité à la ville et appuie sa métropolité.
Les valeurs déployées dans les messages publicitaires de Rennes, relayés par les discours politiques (et l’inverse), annoncent le développement territorial comme objectif, sur fond de durabilité et de solidarité. L’idéologie de la proximité est devenue au début des années 1990, le socle des messages de la communication territoriale rennaise, ce qui laisse peu de place au rayonnement métropolitain qui ne ressurgit que depuis 2004. L’autre socle fort qu’est la culture, diffuse de multiples actions publiques qui font apparaître Rennes comme une ville innovante. La thèse révèle une évolution de la communication territoriale rennaise à travers quatre thèmes qui sont globalement chronologiques : Economie – technopôle; Culture –événement; Proximité; Projets urbains, accompagnés de valeurs récentes mais pas encore dominantes à Rennes (développement durable; ville urbanistique). Quand une valeur devient à la mode, elle ne remplace pas la précédente qui continue d’exister de manière plus ou moins prégnante.
Le premier positionnement fort de Rennes, créé en 1984 et basé sur le développement économique et le technopôle, sera peut-être le prochain mis en avant en 2010, pour répondre à la crise économique. Un processus incrémental dessine une image de Rennes qui devient ville technopolitaine puis ville-archipel en passant par la métropole culturelle ou urbanistique, tout comme nombre d’autres villes occidentales. Dans les années 1980, les chefs d’entreprises sont les cibles du positionnement technopolitain, à travers des messages économiques qui touchent surtout la population locale via les médias de masse. La dimension culturelle est ensuite développée, en tant que la plus puissante et pérenne valeur soutenue par les services Communication rennais, dès 1986 et régulièrement jusqu’à aujourd’hui. Ce positionnement vise les touristes en plus de la population locale, grâce aux festivals souvent impulsés par la jeunesse rennaise.
L’apogée de la médiatisation a lieu en 1991, à l’aide d’une campagne télévisée qui promeut le slogan Rennes, vivre en intelligence. S’ensuit l’arrêt brutal de la promotion à cause d’un contexte national et local morose (le chômage, l’affaire du sang contaminé…). S’opère alors un recentrage vers la proximité et la médiation avec la population locale tout au long des années 1990. En 2004, la promotion externe est relancée, sous l’influence des nouvelles valeurs territoriales dominant dans la société que sont le développement durable, la démocratie participative et les préoccupations environnementales, et dans la continuité du positionnement rennais qui se veut culturel et innovant. Les valeurs historiques sont peu diffusées et il est envisageable de considérer que ce rejet participe d’une volonté d’image de ville innovante, qui va de l’avant, moderne, à la pointe, jeune… Le lexique de la promotion rennaise nie son histoire urbaine, si chère à de nombreuses villes (Blois, Tours, Angers, Chartres…). La ville ne rassure pas sur l’enracinement et les valeurs patrimoniales mais affirme un avant-gardisme qui la valorise : Rennes est très bien évaluée par sa population et les palmarès de la presse française la notent particulièrement bien dans les années 1990. La domination de la jeunesse estudiantine dans la société rennaise incite à la mise en avant de ces valeurs d’innovation et atténue les valeurs traditionnelles liées au patrimoine. Pourtant, la contradiction entre patrimoine et modernité est séduisante en formant des images globales qui sont moins en conflits de sens qu’en complémentarité pour permettre la métropolité.
La volonté d’agir fortement pour développer une image avant-gardiste est aussi une réaction face à la crainte d’un déterminisme lié à la Bretagne, cette région périphérique aux paysages maritimes et au patrimoine celtique, porteuse sur le plan touristique mais qui enferme la région dans une fonction résidentielle et balnéaire. Rennes préfère rester à bonne distance des forts symboles bretons, stéréotypés et réducteurs, au détriment des flux touristiques puissants qui passent par la rocade rennaise pour se rendre sur le littoral… sans visiter la capitale. Elle traduit la toponymie de ses rues en breton bien que la langue bretonne n’ait jamais été localement parlée à Rennes, mais aucune autre action en faveur de la culture bretonne n’est déployée. Il s’agit pour Rennes de ne pas subir l’effet ch’ti que connaît la région Nord – Pas-de- Calais et qui enferme dans une image porteuse ponctuellement mais réductrice. Le parlement de Bretagne, devenu fleuron de la ville depuis son incendie en 1994, est donc isolé en tant que symbole urbain, mais il est à noter les efforts du nouveau centre culturel Les Champs Libres pour élargir le champ du patrimoine local : l’exposition Arthur en 2008 et l’exposition Odorico en 2009, donnent une notoriété patrimoniale à Rennes, dimension incontournable pour s’afficher comme métropole complète.
Il ressort de cette thèse que la composition des différentes valeurs qui font l’image de Rennes n’a pas de portée européenne, dans la mesure où les moyens sont essentiellement concentrés sur une diffusion locale, à travers les supports publics et les discours politiques. La véritable cible de la promotion externe est bien la population locale. Alors que Rennes a besoin de travailler avec d’autres territoires pour une combinaison d’images et de moyens qui donnerait une opportunité de visibilité, elle travaille seule en utilisant le vecteur de la modernité et en niant toute orientation d’enracinement liée à l’histoire et au patrimoine. L’hypothèse peut être faite que son coeur de cible est officieusement la population jeune, plutôt étudiante, ce qui expliquerait son positionnement de ville innovante et à l’avant-garde, qui répond aux valeurs de la jeunesse. Mais cette situation n’est pas assumée car une ville peut difficilement reconnaître s’intéresser plus à une catégorie de population qu’à une autre. En cela le marketing, qui nécessite un ciblage, est un management urbain à ne pas rendre visible.
À défaut de créer des canaux de diffusion puissants, Rennes a annoncé de manière péremptoire une dimension internationale. Mais en faisant sens auprès de la population locale, les différentes images produites, par leur complémentarité, consolident la métropolité rennaise. Globalement, deux images émergent : celle d’une ville étudiante et celle d’une capitale provinciale dont une forte part de la population travaille comme fonctionnaire. Les ex-Rennais et les Bretons s’accordent souvent pour la décrire comme une ville persuadée de son excellence et quelque peu renfermée sur son narcissisme.
Cette image est confortée par les études qualitatives auprès des Rennais qui font état de leur fierté d’appartenance et de la réussite de la ville. Les Tic auraient éventuellement amené une notoriété européenne mais sans innovation technologique médiatisable, c’est insuffisant (l’invention du minitel est obsolète alors que la fabrication de l’A380 est porteuse). De même, sans patrimonialisation puissante (comme celle de l’Unesco dont l’expansion des labels en France banalise les sites déjà classés), sans spécialité internationale de terroir (les vins de Bordeaux), sans monument phare (le musée Guggenheim de Bilbao ou l’opéra de Sydney) et sans événement spectaculaire (le Carnaval de Rio ou un grand Prix de F1), Rennes est loin d’apparaître comme une ville connue à l’échelle européenne. Les actions extra-territoriales rennaises ont des visées intra-territoriales, ce qui aboutit au constat que tout le lexique autour de l’international est moins un qualificatif de la réalité rennaise qu’un mythe justifiant les actions politiques. Rennes est une métropole régionale qui fait comme les autres, elle affirme être bien plus.
À l’heure où le métro confirme une envergure métropolitaine, le concept de ville archipel répond à un paradoxe local : depuis peu, bien que satisfaite de la citadinité de sa ville, la population rennaise appréhende l’arrivée de nouveaux venus ainsi que le grossissement de Rennes avec la construction de milliers de logements. La taille humaine et la qualité de vie sont remises en cause à tel point que les différentes catégories de Rennais sont réticentes au développement démographique de leur ville. Thème nouveau par rapport à des études similaires dans les années 1980, la crainte de la métropolisation précise que le développement ne rime plus pour les habitants avec expansion mais plutôt avec fragilisation et prise de risque. Dans ces conditions, comment s’affirmer à l’échelle internationale avec des messages qui doivent être acceptés par la population locale? C’est tout le défi du marketing urbain, encore inexistant à Rennes, qui doit diffuser de la métropolité mais pas trop de métropolisation.