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Contributions
#16
Thierry Pech « Pas de crise pour Alternatives économiques »
RÉSUMÉ > Thierry Pech est le directeur de la rédaction du mensuel Alternatives économiques, dit aussi Alter éco. En décembre, il a attiré 400 personnes aux Champs Libres pour son livre Le temps des riches. Anatomie d’une sécession (au Seuil). Ce fut aussi l’occasion pour nous de parler avec lui de la mission pédagogique de cette revue hors norme, classée à gauche et fonctionnant en coopérative ouvrière.

     « Selon la théorie économique dominante, les riches sont une bénédiction pour les sociétés qui les accueillent : plus de riches, c’est plus d’investissements…. plus de croissance», rappelle Thierry Pech, ce soir-là. Mauvaise théorie, l’idée que cette richesse profite à tous est fausse. Depuis 30 ans, l’essor des riches est déconnecté du reste de la société. La priorité donnée aux profits à court terme n’a pas produit de dynamique productive. La richesse a explosé mais la croissance est en berne et le chômage important. Les mécanismes de la société de marché ne fonctionnent plus, si bien que la dynamique inégalitaire est une des raisons de la crise actuelle. Selon Thierry Pech, « les riches sont devenus un problème », ils ont oublié leur dette sociale et sont entrés en   « déliaison » avec le sort commun.
Pour autant, pas question pour l’auteur d’asséner des jugements moraux sur la cupidité ou desanalyses idéologiques binaires du type lutte des classes. Le populisme n’est pas la bonne clef pour comprendre et pour agir. La conviction de Thierry Pech est que pour changer les choses, un effort de transparence, de connaissance par le plus grand nombre et d’objectivation des données économiques est nécessaire sinon suffisant. C’est là qu’intervient un journal comme Alternatives Économiques. « La science économique est trop sérieuse pour être laissée aux économistes et aux experts. À Alter éco nous avons toujours cherché à nous intéresser aux enjeux démocratiques que recouvrent les questions économiques », confie Thierry Pech à Place Publique.
Certes, « on nous dit parfois que le journal est devenu plus difficile d’accès. C’est possible mais nous veillons à garder de longues séquences accessibles. L’actualité d’aujourd’hui est d’une assez haute technicité, il y a donc un véritable défi à faire de la pédagogie. Le besoin du public est fort et urgent. Y répondre est impératif pour éviter une colère confuse. Notre première mission est bien de faire comprendre ce qui se passe : pour le plaisir et la sécurité de comprendre. »
Dès le départ, en 1980, la conception d’Alter éco n’a pas été d’introduire à l’économie pure mais d’aider à réfléchir sur le monde. « C’est ce que nous défendons dans l’enseignement économique et social au lycée. Nous ne souhaitons pas que les lycéens rentrent dans une sorte de premier cycle de formation économique avant la fac.» En trente ans d’existence, la diffusion de la revue a ainsi atteint plus de 100 000 exemplaires. Le journal est devenu une référence pour les auteurs de manuels scolaires. La crise actuelle en a fait un outil essentiel pour la compréhension du public.