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Dossier
#02
Une fusion Rennes 1-Rennes 2 : préparons-la dès maintenant !
RÉSUMÉ > Que manque-t-il aux universités de Rennes pour accéder au niveau international ? Quels sont les critères auxquels doit répondre une grande université ? Autour de ces questions Place Publique a réuni une table ronde à laquelle participaient trois universitaires et… deux responsables politiques (également universitaires). Une table ronde qui s’est achevée par une discussion sur la fusion des deux universités de Rennes. Opinions quasi-générale : dans dix ans, il faut que ce soit une réalité.

PLACE PUBLIQUE > Qu’est-ce qu’une grande université ? Y en a-t-il de petites ?

MARC GONTARD > Ce qui fait une grande université, ce n’est pas forcément sa taille ni le nombre de ses étudiants, même s’il est bon, au niveau international, d’avoir une taille critique. Certaines petites universités américaines sont d’excellentes universités. Ce qui est important, c’est la recherche, l’innovation, la renommée internationale. Et bien sûr les activités de formation. Il faut de l’excellence dans la recherche, dans la formation et, malgré tout, une taille critique.

PLACE PUBLIQUE > Quand commence-t-on à avoir une taille critique ? À partir de combien d’étudiants, de combien d’enseignants ?

MARC GONTARD > L’université de la Sapienza à Rome réunit plus de 140 000 étudiants, l’université de Barcelone à peu près le même nombre. Ce sont des universités de très grande taille. En France, Strasbourg qui fusionne ses trois universités comprendra 40 000 étudiants, ce que nous aurions aussi à Rennes si nous n’avions qu’une seule université.

TOUS > Ça y est, le débat est lancé !

PLACE PUBLIQUE > Nous y reviendrons tout à l’heure…

GUY CATHELINEAU > D’abord une remarque. Vous avez dit : que manque-t-il à Rennes pour se hisser au niveau des grandes universités ? Vous avez donc estimé que la barre n’était pas franchie, au regard d’un certain nombre d’indicateurs… Je rejoins Marc Gontard. Ce n’est pas proportionnel au nombre d’étudiants ou d’enseignants. Le MIT est tout petit ! La visibilité internationale, c’est le pouvoir d’attraction. C’est probablement plus facile à définir dans les sciences dures que dans les sciences humaines et sociales. Dans les sciences dures, des classements permettent d’établir un certain degré d’attractivité. On s’en méfie parce que l’on pense aussitôt au classement de Shanghai, qu’il faut relativiser car il est basé sur des critères où les sciences humaines, en particulier, sont très peu représentées. Il en existe d’autres… L’important, c’est notre capacité à produire de la recherche, à publier. Encore qu’il faille s’en méfier : on a tendance à publier uniquement pour être classés. Ce qui compte c’est notre capacité à produire de la science, à produire de l’innovation, à organiser des formations qui ont un retentissement socio-économique en régions, comme au niveau national et international. La réponse n’est pas simple… Si on prend le cas de Rennes 1, des secteurs sont reconnus au niveau international, d’autres le sont moins mais ils ont pourtant une importance dans le développement de l’université.

PLACE PUBLIQUE > Quels sont les secteurs de Rennes 1 reconnus internationalement ?

GUY CATHELINEAU > Les mathématiques, la physique, la chimie…

ISABELLE PELLERIN > On peut rajouter le droit.

GUY CATHELINEAU > Oui, le droit européen. On peut faire aussi de la bonne recherche dans les biotechnologies. C’est une question de masse critique, d’organisation

PLACE PUBLIQUE > Vous n’avez pas parlé de l’électronique, de l’informatique…

GUY CATHELINEAU > Oui, les TIC, bien entendu.

PLACE PUBLIQUE > Vous partagez cet avis, David Allis ?

DAVID ALLIS > Oui je suis d’accord… avec mon président (!). Je reviens à la question de la taille. Les statistiques nous montrent que des universités réputées ont moins de 10 000 étudiants. Dans l’imaginaire, il y a, à l’université, un problème de non-sélection en première année de licence, d’insertion en aval, de partenariats à renforcer. En fait ce sont tous ces points qui ont été travaillés ces dernières années. L’entrée en licence, l’insertion, les filières professionnelles se sont renforcées. On peut donner l’exemple des masters européens, comme en chimie. Ce qui fait la force des écoles, c’est aussi l’esprit d’appartenance. C’est un mouvement qui commence à apparaître à l’université. Voilà ce qui compte plus que la taille.

GUY CATHELINEAU > Peut-on comparer les universités françaises avec celles d’autres pays ? En France, les universités doivent accueillir l’ensemble des bacheliers. Nous avons une mission de recherche, de formation à tous les niveaux puisque nous sommes des acteurs socio-économiques de nos régions. On voit bien qu’on ne peut pas forcément comparer ces missions à celles des universités allemandes, par exemple, qui sont plus sélectives et qui ont des objectifs plus restreints.

ISABELLE PELLERIN > Les a priori viennent souvent d’un manque d’information. Il y a de très bonnes universités aux États-Unis. Il y en a aussi de très mauvaises. La position moyenne des universités françaises est plutôt bonne dans le classement de Shanghai. Partout sur notre territoire, on trouve de bonnes universités, bien réparties, qui dispensent des formations de qualité. L’image des universités est plus mauvaise que la réalité. Il faut transformer cette image. Il y a certes des mouvements de grève. Mais quand on pense université, on ne pense pas assez à ces formations de qualité et à une recherche de haut niveau

PLACE PUBLIQUE > Est-ce que ça n’est pas trop demander à l’université que d’atteindre tous ces objectifs ?

ANDRE LESPAGNOL > C’est la loi qui définit les missions de l’université. La question est politique ! Les universités doivent remplir les missions que leur confie le législateur. C’est parfois la quadrature du cercle. Je reviens à la question de tout à l’heure. Qu’est ce qu’une grande université ? Il y a le critère de l’excellence comme l’indiquent les classements. Il y a aussi la palette des formations. À Rennes, les deux universités couvrent ensemble un spectre très large, unique dans le Grand Ouest, depuis les licences jusqu’aux doctorats. Avec une exception, particulière au système français : les grandes écoles forment les ingénieurs. Encore que Rennes 1 développe de telles formations.

PLACE PUBLIQUE > Rennes 2 aussi a voulu sortir du périmètre étroit des sciences humaines. En allant regarder du côté des activités physiques et sportives, des langues appliquées, vous avez enrichi votre gamme…

MARC GONTARD > Oui. Rennes 2 est née en rassemblant les disciplines dont Rennes 1 ne voulait pas. À Rennes 2, on trouve des champs proprement littéraires et artistiques et des champs relativement proches des sciences dures : les activités physiques et sportives, la psycho, la géographie physique où nous collaborons avec Rennes 1. C’est cette interaction au sein d’un même campus entre des disciplines plutôt culturelles et artistiques et d’autres plus proches des sciences dures qui fait l’originalité de Rennes 2.

GUY CATHELINEAU > On a de plus en plus de croisements entre nos disciplines. Dans le domaine des TIC, on va travailler sur le versant sciences dures mais aussi sur les usages. Si on parle de l’internet du futur, c’est non seulement la technique mais aussi l’utilisation qu’on en fera, le comportement des consommateurs. Le laboratoire Loustic en est un exemple concret de l’étude des usages et c’est un laboratoire commun à Rennes 1 et Rennes 2.

MARC GONTARD > On travaille aussi ensemble sur l’environnement, dans le laboratoire Caren, et en biomécanique du sport avec des informaticiens et des médecins du CHU.

PLACE PUBLIQUE > Cette pluridisciplinarité qui décloisonne les disciplines est un critère de la bonne université ?

ANDRE LESPAGNOL > C’est pour cela qu’il faut évaluer le site rennais plus que chacun des établissements. Le fait qu’il y ait déjà, tant en formation qu’en recherche, des collaborations entre les universités est un élément important. C’est cela qu’il faut faire mieux connaître.

GUY CATHELINEAU > On a aussi des partenariats forts avec les écoles. En chimie, une grosse unité de recherche est commune au CNRS, à Rennes 1, à l’École nationale de chimie et à l’Insa. D’autres projets se mènent avec l’antenne de l’École normale supérieure de Cachan.

DAVID ALLIS > En chimie, justement, un master européen labellisé par la commission européenne est commun à Rennes 1, aux deux universités de Munich, l’université technique et l’université Maximilien, et à l’université de Turin. Rennes 1 est reconnue au sein de ce pool. Cela fait partie de notre attractivité. Nous attirons ainsi des étudiants dont certains ne parlent pas français. Ils vont apprendre la langue française, ici à Rennes, s’acculturer, mieux connaître la culture bretonne. Et continuer pour certains à y travailler. Là, nous sommes vraiment un pôle d’attraction.

PLACE PUBLIQUE > Cette multiplicité de nationalités, d’expériences, de cultures sur un même site est peut-être aussi l’un des critères qui fait la bonne université ?

ANDRE LESPAGNOL > C’était vrai dès l’origine des universités, dès le Moyen-Âge Les universités étaient, par définition, transnationales. Ce mouvement a repris aujourd’hui. Pour les étudiants mais aussi pour les enseignants-chercheurs. Nos capacités à les attirer sont un facteur important. Les collectivités y sont très sensibles. C’est bien pour cela que l’on développe le projet d’une cité universitaire internationale des chercheurs.

PLACE PUBLIQUE > Où en est ce projet ?

ISABELLE PELLERIN > Il avance il avance ! La cité internationale sera construite en bordure du boulevard de la Liberté et de l’esplanade Charles de Gaulle. Elle offrira notamment 80 logements pour jeunes chercheurs étrangers. Cela contribuera à l’attractivité du territoire, des laboratoires et facilitera l’accueil des chercheurs pour des durées de trois à six mois. Je voudrais aussi rebondir sur la question : n’est-ce pas difficile pour l’université de mener à bien toutes ces missions ? Il faut bien comprendre qu’on ne peut pas dissocier recherche et formation. Si l’on veut que les étudiants étrangers viennent faire un master européen à Rennes, il faut aussi qu’il y ait des possibilités de stages dans des laboratoires de recherche de pointe. Recherche et formation vont ensemble. Il faut que l’université relève tous ces défis. Même si ce sont des challenges difficiles.

MARC GONTARD > L’université a une mission de service public. Elle doit porter tous les bacheliers qui en font la demande au meilleur niveau et délivrer des diplômes qui permettent une insertion professionnelle. Sachant que du côté de la recherche, nous subissons la concurrence des grands organismes spécialisés et côté formation et insertion professionnelle la concurrence des grandes écoles. Il faut que l’université, dans ces missions de service public, puisse au moins faire jeu égal.

GUY CATHELINEAU > Nous avons la chance d’avoir à Rennes des organismes de recherche qui investissent beaucoup, le CNRS, l’Inserm, l’Inria, l’Inra… C’est bien pour cela que notre recherche est de si bon niveau. Mais c’est aussi parce que l’on est associé avec les écoles qu’on a la capacité de développer une recherche de qualité. Ce n’est plus une compétition avec les écoles, c’est une association.

PLACE PUBLIQUE > De quand datez-vous les premiers signes d’une évolution des écoles ?

ANDRE LESPAGNOL >
Du début des années 2000. C’est assez récent. La réforme LMD y a beaucoup aidé. C’est aussi la volonté du ministère. L’Université européenne de Bretagne (UEB) a été un premier élément de rapprochement. Je suis frappé de voir que par rapport l’époque où j’étais président de Rennes 2, cela a beaucoup changé. Le dialogue universités – écoles en Bretagne est excellent. C’est un atout pour Rennes et la Bretagne que ce dialogue trouve au sein de l’UEB l’occasion de s’exercer.

ISABELLE PELLERIN > La recherche aussi a beaucoup aidé. Les écoles avaient tendance à se limiter à la formation d’ingénieurs. De plus en plus elles ont souhaité faire de la recherche. Les universités qui n’avaient pas forcément une préoccupation d’insertion professionnelle se sont à leur tour rapprochées des écoles.

ANDRE LESPAGNOL > La création des unités mixtes de recherche a joué un rôle important dans le rapprochement de l’université avec les grands organismes de recherche et l’insertion des écoles dans ces réseaux.

PLACE PUBLIQUE > Une unité mixte de recherche, c’est une unité de recherche où les chercheurs viennent d’horizons différents…

GUY CATHELINEAU > C’est une unité labélisée à la fois par les organismes de recherche, l’État, les universités, et les grandes écoles le cas échéant. Chacun y apporte des effectifs et nous partageons des moyens communs.

PLACE PUBLIQUE > Ces rapprochements assez actifs, vont-ils aller encore plus loin et vers quoi ?

MARC GONTARD > Le Pres UEB est un fédérateur important. Il réunit quatre universités et une vingtaine de grandes écoles. C’est un lieu où au-delà des projets communs, nous échangeons nos cultures et nous nous rapprochons.

GUY CATHELINEAU > Nous avons des objectifs communs : la visibilité internationale, la promotion internationale. Chaque membre du Pres doit porter le message au titre de sa propre communauté et au titre du Pres. Si un membre de Rennes 1 se déplace à l’étranger, il doit parler aussi de ce qui se passe au Pres dans d’autres domaines d’excellence que ce soit les sciences humaines ou les sciences de la mer. Nous mutualisons aussi nos moyens dans le domaine de la valorisation. Nous coordonnons un réseau d’écoles doctorales à Rennes 1, Rennes 2 et Brest. Nous sommes capables de conduire des projets communs comme celui du campus numérique qu’un établissement n’aurait jamais pu mener seul. Il n’empêche que nous devons aussi développer nos propres stratégies. Ce n’est pas parce qu’on est dans un Pres qu’on ne regarde pas ailleurs. Être en réseau, ce n’est pas un repliement sur le réseau ; c’est une capacité à démultiplier les actions.

PLACE PUBLIQUE > Dans le n° 1 de Place Publique, le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault déclare : « Il s’est passé quelque chose de grave depuis les élections municipales. Aucune université de l’Ouest n’a été retenue dans le Plan campus. Depuis, on nous a qualifié de campus prometteur, mais ce lot de consolation est dérisoire. Ce traumatisme du Plan campus ne peut qu’accélérer notre volonté de rapprochement avec Rennes et notre intention de placer l’enseignement supérieur au cœur de cette démarche ». Qu’en pensez-vous ?

MARC GONTARD > Je crois qu’on a confondu l’opération Plan campus et un classement des unversités. À l’origine, il s’agissait de rénover des campus en mauvais état… Et on en a fait peu à peu un instrument de mesure de l’excellence. Nos campus bretons sont en assez bon état. On était donc plutôt mal partis. C’est pour cela qu’on a eu l’idée du campus numérique. Ça ne rentrait pas dans le cahier des charges mais le ministère a été fortement intéressé et nous avons obtenu le label campus prometteur. Ce n’était pas un lot de consolation. Jean-Marc Ayrault fait une erreur en faisant du Plan campus un label d’excellence. Ce n’était pas cela à l’origine.

ANDRE LESPAGNOL > À l’université de Paris 6, on avait déjà rénové la tour de Jussieu pour 1,5 milliard d’euros. Paris 6 n’a pas été retenue dans le Plan Campus. C’est pourtant une université d’excellence, la première université française. Les critères du Plan Campus n’étaient pas des critères d’excellence scientifique ni pédagogique. Il y a eu une certaine ambiguité.

PLACE PUBLIQUE > C’est vrai. Mais l’un de ces critères était : « Fédérer les grands campus de demain et accroître leur visibilité internationale ».

GUY CATHELINEAU > La rénovation des bâtiments va-t-elle donner de la visibilité internationale ? Quels crédits ensuite pour l’équipement scientifique, quelles stratégies ? La question est là.

ANDRE LESPAGNOL > L’histoire ne s’arrête pas au Plan Campus. Il y a actuellement une réflexion nationale sur les grands projets scientifiques susceptibles d’être financés par le grand emprunt. On n’est plus dans la logique de l’opération immobilière du Plan Campus. Cette opération a été un temps de la politique gouvernementale. Ça peut avoir un effet d’image. Il faut y être sensible. Mais c’est maintenant aux universités bretonnes et d’abord rennaises de démontrer qu’elles sont excellentes. Que le campus numérique puisse être l’un de ces terrains, pas le seul, mais un de ces terrains de mise en valeur de leur capacité à innover en matière de formation et de recherche.

PLACE PUBLIQUE > Jean-Marc Ayrault a regretté qu’il n’y ait pas eu d’association entre Rennes et Nantes. Cette association est-elle en train de se construire ?

GUY CATHELINEAU >
Des projets existent. Des domaines de compétence sont communs et il existe des champs de complémentarité. Il n’y a aucune raison que l’on n’avance pas là-dessus. Le Pres n’empêche pas de telles associations ! Si des labos s’associent, ils profiteront aussi de chaque Pres, le Pres UEB comme le Pres Nantes-Angers-Le Mans.

ANDRE LESPAGNOL > Nous avons des coopérations scientifiques interrégionales. L’une des plus remarquables est BioGenOuest qui associe, depuis 2001, des laboratoires des deux régions, de Brest à Angers. Il y a là un mode de fonctionnement qui marche bien. Il y a plusieurs domaines où l’on peut collaborer. On collabore déjà !

PLACE PUBLIQUE > Qu’attendez-vous de vos collègues brestois en matière de recherche ?

MARC GONTARD > Des actions communes sont menées depuis longtemps en géographie, dans le domaine de la culture bretonne et celtique. Ces équipes sont réunies dans des écoles doctorales avec UBS et UBO. Les choses avancent. Elles ne sont pas nouvelles.

PLACE PUBLIQUE > La création de l’UBO puis de l’UBS avait répondu à des nécessités d’aménagement du territoire. Aujourd’hui où en sont ces nécessités ? Que devient la recherche là-dedans ?

ANDRE LESPAGNOL > Il est clair que pour le conseil régional l’idée d’un développement équilibré de la Bretagne n’est pas négociable. Toutes majorités confondues, le choix a été fait depuis quarante ans de développer le pôle universitaire brestois. Avec un succès incontestable. Ce pôle a enrichi la recherche bretonne parce qu’il a des points forts comme les Sciences de la mer, l’un des pôles d’excellence de la recherche bretonne… C’est un plus. Ça ne nuit pas à Rennes. Dans un autre domaine, les sciences et techniques de la communication, des coopérations organiques existent entre Brest et Rennes. Télécoms Bretagne est une école à la fois brestoise et rennaise. Je pense aussi au laboratoire de biologie marine de Roscoff. Ceci étant, il ne faut pas enfermer la recherche rennaise dans les quatre départements.

PLACE PUBLIQUE > À quoi peut ressembler l’avenir ? Faut-il maintenir deux universités à Rennes, faut-il aller vers des instituts réunissant l’université et telle ou telle grande école ? Y a-t-il des projets ?

GUY CATHELINEAU > Les choses ne sont pas si simples. Ce n’est pas en additionnant les milliers d’étudiants qu’on sera extraordinairement meilleurs. Je ne suis pas persuadé que si nous étions une seule université nous aurions des crédits en conséquence, je veux dire supérieurs à ceux de Rennes 1 et Rennes 2, sinon quel intérêt ? Il faudrait connaître la position de l’État là-dessus. Ça ne nous empêche pas de coopérer. Nous avons des services communs, nous partageons des laboratoires. Nous avançons vers des formations communes. Il faut donner du temps au temps. Et puis le passage à l’autonome financière, le 1er janvier, aura des conséquences pas faciles à digérér. Notre priorité immédiate, c’est d’améliorer l’efficacité de nos établissements.

MARC GONTARD > L’idée d’une université unique est une belle idée. Ce projet, on doit l’avoir toujours à l’horizon. Avec les réformes en cours, ce n’est peut-être pas la meilleure solution dans l’immédiat. Nous avons aussi des spécificités à défendre dans le cadre de l’autonomie. On doit se battre chacun de notre côté pour l’excellence de nos campus.

ISABELLE PELLERIN > Réunion, fusion, rapprochement. La terminologie varie en fonction de la motivation des gens qui parlent. La réflexion n’est pas récente. Personnellement, je pense que c’est vers là qu’il faut aller. Si l’on veut que ça se passe bien, il faut peut-être entamer la réflexion dès maintenant, établir un calendrier, mener des négociations avec le ministère et les collectivités. Les deux universités ont à y gagner ! Je crois à la pluridisciplinarité. Aux USA, les universités se sont réorganisées en décloisonnant les disciplines. On forme les générations futures. L’écologie par exemple, c’est de la physique, de la chimie, de la biologie, du droit… On ne forme plus à une discipline mais à une problématique. C’est un défi à relever, une occasion à ne pas rater. Nous avons tout ce qu’il faut à Rennes pour développer une association sciences humaines et sociales – sciences dures. J‘y crois beaucoup.

MARC GONTARD > Multiplier les formations pluridisciplinaires entre Rennes 1 et Rennes 2 sera sans doute l’un des moyens de nous développer. Des discussions ont lieu actuellement ente droit et histoire. Il faut travailler en ce sens, cela va de soi, et je conçois que Rennes Métropole soit intéressée. Mais il faudra aussi que Rennes Métropole ait un rôle plus incitatif. Aidez-nous, aidez-nous au rapprochement !

ISABELLE PELLERIN > Mais nous sommes prêts à vous accompagner !

ANDRE LESPAGNOL > La création de deux universités est un accident de l’histoire. C’est une donnée. Sauf que les accidents de l’histoire créent parfois des situations durables. C’est le 40e anniversaire de la séparation des deux universités en 1969. Personne ne le célèbre… Je pense que l’objectif de rapprochement est à poser à moyen terme, dix ans peut-être… oui, avant dix ans. Les deux universités sont parfaitement complémentaires. Mais ça ne se décrète pas. Ce qui est important c’est de développer des partenariats pluridisciplinaires et de les afficher. La région ne voit aucune contradiction entre la fusion et le développement de coopérations régionales. La balle est dans le camp des universités.

PLACE PUBLIQUE > On n’a beaucoup parlé de droit, de gestion, de management que David Allis connaît bien en tant qu’ancien directeur de l’IGR…

DAVID ALLIS > Deux points. Le premier par rapport aux relations écoles – universités. L’université a été le creuset de la formation des cadres en Bretagne en réunissant le droit, l’économie, la gestion dans le même institut où l’on retrouve des logiques d’école, la sélection, les liens avec les entreprises. J’ai fait une école avant d’aller vers l’université pour faire de la recherche. J’ai eu grand plaisir à enseigner dans un IAE créé par Gaston Berger en 1955 pour favoriser ce rapprochement. C’est toujours d’actualité parce nous pouvons être des acteurs de la mobilité sociale. En la matière, les écoles n’ont pas tellement répondu aux besoins. Si elle avait suivi la massification de l’enseignement, Polytechnique devrait délivrer 33 000 diplômes par an et non pas 400 ! L’université, elle, a accompagné le développement. Par rapport aux stratégies d’universités, développons les logiques de transversalité, biologie et gestion, droit et environnement… Le Prix Jean-Monnet a été attribué en septembre dernier à Catherine Flaesch-Mougin, professeur de droit, et directrice du centre de recherches européennes de Rennes. Elle succédait au professeur Dai Bigran de l’université Fugan de Shanghai. Si ça n’est pas une reconnaissance… Mais nous ne communiquons pas assez ! Il faut davantage valoriser ce que nous faisons.