L'éditorial

     À l’heure de la multiplication des embouteillages et des difficultés de circulation récurrentes, évoquer les nouvelles mobilités pourrait presque passer pour une aimable provocation ! Si Place Publique a choisi de consacrer son dossier à ce sujet à la fois complexe et très proche, c’est précisément pour en mesurer la portée et tenter d’en définir les enjeux. Les déplacements façonnent la ville et modèlent nos vies. Subis ou choisis, les modes de transports rythment notre quotidien. Mais avec le numérique, ils connaissent une mutation sans prédécent, en ce qu’ils peuvent désormais être optimisés, pilotés et coordonnés. Chacun pressent une révolution à l’oeuvre : l’industrie automobile cherche à se réinventer, l’urbanisme doit tenir compte de ces nouveaux usages, les citoyens se découvrent de nouvelles solidarités fondées sur des itinéraires partagés…
    Bref, c’est tout une nouvelle manière d’appréhender l’espace et les trajets qui se dessine sous nos yeux. Dans l’agglomération rennaise, des initiatives concrètes se font jour, des comportements évoluent. L’usage, pour certains, prime désormais sur la propriété : posséder ma propre voiture n’a plus d’importance, si j’ai l’assurance de disposer d’un véhicule adapté à mes attentes à l’instant précis où j’en ai besoin ! Évidemment, pour l’instant, les solutions disponibles demeurent souvent à l’état de prototypes. Mais des tendances de fond commencent à se manifester. Il suffit d’observer les flux de circulation pour s’en convaincre : multiplication des aires de covoiturage à proximité des grands axes, succès de fréquentation de la première ligne de métro (en attendant la deuxième !), boom des applications de calcul d’itinéraires ou d’indicateurs horaires de transports collectifs… Et dans ce domaine, des progrès sont encore possibles, si l’on se réfère à certaines initiatives de nos voisins européens, comme aux Pays-Bas. De la fabrication de la ville, il en est aussi question dans ce numéro avec Nolwenn Lam Kermarrec, présidente de Kermarrec Promotion. Dans un grand entretien, la fille du fondateur du groupe immobilier éponyme revient sur son parcours, marqué par le design. Elle exprime ici son attachement à Rennes, partage ses projets et formule quelques mises en garde qui feront peut-être débat.
    Mobilités, urbanisme, mais aussi histoire : l’évocation d’Edgar Le Bastard, qui fut maire de Rennes à la fin du 19e siècle permet de redécouvrir l’activité de bâtisseur de celui qui a donné son nom à la principale artère commerçante du centre-ville. On lui doit le palais du Commerce, place de la République, mais aussi le réseau des égouts et le réservoir d’eau des Gallets !
    Histoire encore que celle, à peine croyable, de Pierre Herbart, le dandy qui libéra Rennes en 1944. Dans une enquête fouillée, Georges Guitton revient sur le parcours fascinant et la personnalité flamboyante de cet écrivain hors-norme envoyé à Rennes par les réseaux de résistance pour préparer la Libération.
    Dans la rubrique « Ville d’ailleurs », c’est à une tout autre découverte que nous invite Gilles Cervera. Nous le suivons à Chisinau, capitale de la Moldavie, aux portes de l’Ukraine si présente actuellement dans l’actualité internationale. L’occasion de pénétrer dans ce petit pays méconnu, dont la capitale reflète les fragilités et les doutes. Enfin, c’est le journaliste-écrivain Jean-Paul Kauffmann qui est l’invité de la rubrique « Rennes des écrivains ». L’auteur de Remonter la Marne est né à Corps-Nuds, où ses parents étaient boulangers. Il a fait ses études secondaires à Rennes. Dans une nouvelle intimiste et jubilatoire, il se remémore « l’odeur de Rennes ». Car les villes aussi ont un parfum et cette empreinte olfactive peut marquer à vie ceux qui la respirent à l’âge de tous les possibles.
    Bonne lecture !