« Nous cherchions à investir dans un logement basse consommation, avec un petit budget. C’est un encart publicitaire paru dans un journal qui nous a poussés à nous renseigner sur ce projet situé à proximité de Rennes », expliquent Delphine et David, devenus propriétaires d’un T4 aux Ébihens, à Vezin-Le-Coquet. Le Prêt social location-accession (PSLA) permet à l’acquéreur d’être un temps locataire du bien qu’il souhaite acquérir, une façon de vérifier la viabilité du parcours résidentiel. Ce dispositif soutenu par Rennes Métropole facilite l’accession à la propriété des primo-accédants aux revenus modestes, par l’obtention d’aides modulables en fonction de la composition du foyer. Les programmes d’habitat proposés dans ce cadre offrent un rapport qualité- prix très attractif !
« Je travaille au coeur de Rennes et depuis Vezin-Le- Coquet, c’est très bien desservi », souligne Delphine, qui plébiscite la localisation, mais aussi la configuration de son logement : « La circulation entre les pièces est bien pensée. Dans le salon, des baies vitrées en angle amènent la lumière et une porte coulissante donne de l’espace ». Autre satisfecit : « Nous ne connaissions pas le principe du poêle à pellets. Il chauffe les 86 m2 de la maison à moindre coût. Il faut simplement prendre l’habitude de laisser les portes de chambre ouvertes pour chauffer l’ensemble du volume habitable. »
Dernier atout pour Delphine : l’extension possible du volume habité. « À terme, nous pourrons bénéficier d’une surface de 120 m2, en ouvrant une suite parentale à l’étage, dans « l’Espace plus » qui est actuellement un espace de stockage non aménagé, attenant à notre logement. Comme les maisons n’ont pas de garage, le rez-de-chaussée continuera à nous servir de débarras. » Seul regret pour Delphine, l’absence de préconisations pour la mise en oeuvre de cette extension : « Il manque un cahier des charges pour définir cette évolution. La ville de Vezin-Le-Coquet nous demande de faire une proposition qui aille dans le sens d’une unité de composition. Nous envisageons de réfléchir à un projet d’ensemble avec les voisins. ». La question porte sur le polycarbonate en façade, reconnu ici aussi comme une marque de fabrique. « Transparent, il nous semble difficile d’installer une isolation à l’arrière. Le remplacer par des baies vitrées, c’est hors budget… ». La solution serait d’avoir recours à une ossature bois en seconde peau. Là aussi, la réflexion est ouverte. En attendant, certains ont commencé à faire quelques travaux d’isolation. Amélie, autre voisine, souhaite ouvrir un espace détente à l’étage : « Nous avons un T5, avec au rez-de-chaussée une grande chambre et une salle de bains. » Cette suite prévue pour une personne à mobilité réduite est aménagée dans l’Espace plus où de plus un réduit a été conservé pour ranger du petit matériel.
« Le parti pris architectural vise à pérenniser l’installation de ces propriétaires dans leur lieu de vie et leur commune d’accueil, en facilitant l’évolution de la surface habitable avec celle du foyer. Au volume d’habitation qui est clairement identifié, est associé un volume complémentaire que nous avons dénommé l’Espace plus », commentent les architectes Alexandre Favé, fondateur de l’agence AA41 et Laurent Lagadec, architecte fondateur de ALL architectes. À l’abri d’une façade transparente en polycarbonate, celui-ci est actuellement un lieu de stockage aménagé sommairement (20 m2 au sol). Petite astuce : cette surface non habitable n’est donc pas assujettie à taxation. À terme, cet espace réservé peut accueillir de nouvelles fonctions : un stationnement couvert, un atelier, une chambre adaptée pour les personnes à mobilité réduite, une extension du séjour, avec de plus une possibilité de deux chambres à l’étage. Cet « Espace plus » joue également un rôle tampon de régulateur thermique entre chaque maison.
Cette typologie de maison répond à la fois aux contraintes budgétaires d’une accession aidée à la propriété et aux valeurs d’usage d’un T4 ou d’un T5. Alexandre Favé travaille depuis dix ans sur « l’habitat et les maisons économiquement et écologiquement efficaces » ou effecting low energy. Avec Laurent Lagadec, il a souhaité jouer la complémentarité de discours et de production, en s’associant sur le concours lancé en 2009 par Habitation Familiale pour une conception générique de maisons groupées : « Un modèle adaptable à des contextes réglementaires et communaux différents, répondant aux enjeux actuels de densification urbaine, avec une implantation sur une bande de terrain étroite de 8 mètres de large », expliquent les architectes.
À l’origine de la démarche, trois modèles ont été soumis à l’expertise du maître d’ouvrage. Le modèle retenu, plus radical en phase concours, intégrait une charpente métallique. Un choix invalidé dans le projet vezinois et remplacé par une structure en bois, pour des raisons de coût invoquées par le maître d’ouvrage. Par ailleurs, ce dernier a souhaité une diversité de traitement en façade avec en plus du bardage acier une déclinaison en fibrociment, évoquant le fait que le bardage de « type tôle ondulée » est pour certains élus une vêture associée aux installations agricoles. « Cette diversité a ouvert pour nous un questionnement par rapport à l’échelle des maisons pour éviter d’être trop bavard », constatent les architectes. Les camaïeux de gris sont ici privilégiés.
Finalement, c’est bien l’usage qui a induit l’écriture architecturale. Dans ce logement traversant, avec la générosité des baies vitrées s’ouvrant sur le jardin, la lumière circule et garantit, au-delà de l’apport solaire énergétique, le plaisir d’habiter. Qualités de transparence, de luminosité et de légèreté, les maisons sont discrètement dotées de panneaux solaires pour 6 chauffe-eaux solaire. À signaler : le chauffage est au bois assuré par un poêle à pellets ou granulés qui chauffe toute la maison conçue BBC (bâtiment de basse consommation).
Les neuf maisons, cinq T4 de 86 m2 et quatre T5 de 102 m2, s’organisent autour d’une ruelle. Le volume global sur la parcelle permet de créer un front de rue, tout en anticipant l’extension des logements dans un volume circonscrit dès le début du projet. L’implantation des maisons en peigne et dos à dos, avec un retrait de façade côté jardin, permet de préserver l’intimité de la vie du foyer. Une venelle dite « chemin à brouette » par les architectes, facilite la circulation piétonne dans l’îlot et assure une desserte en fond de parcelle. Un principe désormais adopté dans tous les autres projets. Cette venelle assure le lien d’une part à l’aire de stationnement groupé à l’extérieur de l’opération et d’autre part, à la coulée verte du quartier des Champs-bleus.
Une fois le projet contextualisé, le suivi de chantier du programme vezinois a été effectué en régie directe par Habitation Familiale, non sans frustration pour les architectes. Ces derniers expliquent être très attachés à la phase chantier « qui demande d’être attentif à tous les détails ». Jérôme Nicolas, responsable de la promotion immobilière chez Habitation Familiale, motive ce choix pour des raisons budgétaires : « Le coût de construction de ce projet de 1 240 euros HT le m2, se situe au-dessus d’un coût moyen de construction classique qui est de 1 100 euros HT. Le prix de vente est de 1 800 euros TTC le m2, clefs en main. C’est donc pour nous une opération à coût zéro qui ne doit pas être déficitaire. Nous avons en interne des chargés d’opération qui ont des compétences pour effectuer le suivi de la maîtrise d’ouvrage. Une clef importante qui nous permet de trouver un équilibre économique afin de répondre à un projet d’accession aidée », souligne-til. « Nous adaptons nos méthodologies pour trouver des sources d’économie sans fragiliser les entreprises avec lesquelles nous travaillons en partenariat. »
Ce montage technique n’empêche pas pour autant une expression architecturale singulière. Citons par exemple le traitement des volets en extérieur. Ils reprennent le principe des doubles portes des boxes de chevaux. Au-delà de ce clin d’oeil, la valeur d’usage est privilégiée : la porte de la cuisine peut rester ouverte, sans danger pour les enfants, en fermant simplement le battant inférieur. De même dans les chambres où les fenêtres sont verticales avec une allège vitrée, il est possible de ne fermer que le volet du bas. Idée séduisante sur le papier, la réalisation technique n’est pas satisfaisante, comme l’expliquent Delphine et David, propriétaires : « Avec la chaleur, les volets travaillent et ne ferment plus. » Un désagrément comme il en existe sur d’autres chantiers, qui devrait trouver une issue favorable prochaine.
Le projet vezinois se veut expérimental et intéresse d’autres collectivités et aménageurs. Sept autres maisons ont été construites à La Chapelle-Thouarault et actuellement quinze autres sont à l’étude à Bourgbarré et Saint-Gilles, avec un choix plus affirmé du « tout métal ». Particularité de la démarche : une fois le projet choisi par le maître d’ouvrage, les deux architectes interviennent pour l’adapter au site, en tenant compte de la topographie, des orientations et des accès. Et de citer, à Vezin, la forte contrainte topographique à prendre en compte. Le danger, soulignent les architectes, serait que les maîtres d’ouvrage imaginent que ce type de projet est aisément transposable n’importe où ! Il est en fait adaptable, mais demande une excellente compréhension du contexte pour garantir une intégration satisfaisante in situ. Pari tenu à Vezin !
Aux Ébihens, les habitants rencontrés expriment la bonne ambiance qui règne depuis leur installation fin 2013 : « Nous sommes en majorité des couples de même génération avec de jeunes enfants. La ruelle devant les maisons, c’est leur espace de jeux », commente Delphine. Les bambins jouent avec bonheur, passant d’une maison à l’autre… « Le projet a reçu un prix d’architecture pour le bien vivre ensemble et franchement, cela ne pouvait pas mieux tomber », affirme Amélie. À découvrir la joie de vivre des enfants, personne n’en doute !