Outre la Ligne à grande vitesse Bretagne/Pays de la Loire en construction qui fera gagner 37 minutes entre Rennes et Paris dès 2017 (1 h 26) et qui justifie le projet EuroRennes, des chantiers sont en cours pour diminuer les temps de parcours vers Brest et Quimper. Plusieurs autres projets ferroviaires sont en outre soumis à débat en ce moment, sans certitude sur leur réalisation. Réseau Ferré de France (RFF), propriétaire des infrastructures ferroviaires, a sollicité une équipe universitaire pour construire des scénarios d’accessibilité ferroviaire et de développement territorial pour la Bretagne et les Pays de la Loire d’ici 20402. En voici les résultats pour Rennes.
La réflexion sur les conséquences possibles de ces projets a identifié trois défis majeurs :
* la compétitivité, c’est-à-dire l’aptitude à résister à la concurrence : l’accessibilité est une condition nécessaire (mais non suffisante) du développement territorial ;
* l’environnement : pas de développement durable sans prise en compte de l’écologie ;
* le territoire : pas non plus de développement durable sans cohésion territoriale, attentive aux équilibres géographiques.
Ces trois défis ne sont pas toujours compatibles entre eux. La compétitivité par exemple exige la vitesse, incompatible avec la desserte fine de chaque territoire. Les cinq scénarios tirent plus ou moins vers l’un de ces objectifs. Ils montrent que la place que Rennes est appelée à tenir d’ici 2040, dépend des futurs souhaitables que les acteurs voudront bien définir et mettre en oeuvre d’ici là.
Ce scénario repoussoir voit l’Ouest décliner faute d’avoir modernisé ses infrastructures de communication et de production suite à une crise économique (régionale et globale). Le marasme généralisé fait chuter les recettes fiscales, ce qui conduit à l’abandon des grands projets dispendieux. L’aérien plus libéralisé plombe un ferroviaire surendetté que ne peuvent plus soutenir les collectivités, provoquant réduction drastique des dessertes, fermeture de gares et de lignes. L’Ouest redevient une périphérie où les villes en crise se font concurrence sans enrayer la polarisation parisienne. Seul le bipôle Nantes-Rennes tire parti de l’orbite parisienne. Dans ce scénario, le défi majeur est d’anticiper en investissant dans l’innovation et les transports, indispensables à la compétitivité, à l’accessibilité et à l’attractivité.
Ce scénario est à l’opposé du précédent : l’économie se convertit aux activités d’avenir, le souci de la compétitivité guidant le devenir régional, ce qui voue un rôle capital aux entreprises innovantes et aux métropoles technopolitaines. La région tire parti de compétences avérées dans des activités de pointe pour déployer d’autres branches d’avenir. Le succès est soutenu par la réalisation d’infrastructures performantes (LGV, Aéroport Grand Ouest, ports modernisés, nouveaux systèmes de télécommunication). Dans un premier temps, la forte croissance démographique et économique provoque une métropolisation exacerbée au profit de Rennes et Nantes. Brest se raccroche au système dès que la distance à la capitale n’est plus dissuasive. Dans une seconde phase, grâce à un maillage serré de réseaux et aux télécoms, la croissance se diffuse aux autres grandes villes et aux villes moyennes offrant aménités résidentielles et moindres coûts.
Ce scénario donne la priorité à la cohésion sociale et territoriale, c’est-à-dire à la limitation des inégalités. Sa dynamique est endogène : subsidiarité, retour au local, solidarités de proximité. Entrepreneurs locaux, élus et associations s’organisent pour assurer la réalisation d’un réseau dense de transports. Un système bancaire mutualiste soutient projets innovants, circuits courts et modes de vie alternatifs à moindre dépendance énergétique. L’intercommunalité doublée d’une péréquation fiscale régionale tente d’assurer l’équirépartition du développement sans y parvenir tout à fait faute de financements et de partenariats élargis. L’Ouest est éclaté en une mosaïque de bassins hétérogènes. Les liaisons à grande distance et l’insertion dans des réseaux élargis sont indispensables à la réussite de ce modèle de développement enraciné. Les acteurs sont conduits à accepter l’Aéroport Grand Ouest (AGO) mais dans une configuration réduite préservant environnement et sociétés locales. Rennes et Nantes sont acceptées comme interfaces avec l’international.
Ce scénario explore la voie alternative d’une croissance verte prenant exemple sur les pays nordiques ayant déjà pris le tournant écologique. Les citoyens acceptent de modifier leur mode de vie en raison d’une situation économique et environnementale critique. L’Ouest fait le pari audacieux d’évoluer suite à une catastrophe majeure (marée noire, épizootie, accident nucléaire, submersion, ouragan…) qui provoque un choc ou par un cheminement en douceur. Le transport aérien subit un arrêt considérable, l’AGO est abandonné. Les LGV sont contestées en raison de leur impact écologique et de la priorité donnée à la vitesse mais le rail classique modernisé connaît un nouvel essor grâce à l’intermodalité douce. La mobilité diminue grâce aux progrès de l’e-accessibilité et aux mobikits personnels optimisant demande de transport et offre immédiate. La croissance est géographiquement équilibrée, sans avantage particulier aux métropoles.
La prospective n’est pas de la prévision : elle consiste à identifier différents futurs susceptibles d’advenir de manière à anticiper. Elle a une fonction d’alerte : mieux vaut prévenir que guérir. Mieux même : se projeter dans l’avenir doit permettre de définir le futur idéal pour faire en sorte que ce scénario désirable survienne de préférence aux autres trajectoires possibles. Ces scénarios doivent donc permettre à chacun de déterminer l’avenir préférable à ses yeux et d’agir en conséquence.